Auteur : Rev. Dave Bookless
Le thème de la terre est important dans la Bible. Quelqu’un a fait remarquer qu’il y a dans la Bible plus de références à la terre qu’à la justification par la foi, à la repentance, au baptême ou au retour du Christ [1]. À une époque où les changements dans l’utilisation de la terre, les dilemmes scientifiques, la diminution des ressources et les crises écologiques mondiales menacent la stabilité et parfois la vie elle-même, une robuste théologie chrétienne de la terre est vitale.
I – LA TERRE APPARTIENT À DIEU
« C’est au Seigneur qu’appartient la terre, avec tout ce qui s’y trouve, le monde avec tous ceux qui l’habitent. » (Psaume 24.1) Dieu est le Créateur plein d’amour, qui a fait toutes choses bonnes à partir de rien et possède le droit de propriété sur toutes choses.
La propriété terrienne humaine vient après celle de Dieu. La terre est un don fait dans une alliance – elle n’est pas donnée pour être utilisée et maltraitée, mais comme une propriété en bail plutôt qu’une propriété libre. Même si les Israélites revendiquent leur héritage de la terre par le sang et le labeur, elle continue d’appartenir à Dieu. Le concept d’année jubilaire de Lévitique 25 demande aux Israélites de rendre la terre à la famille propriétaire d’origine. Dieu dit à son peuple : « La terre ne se vendra pas à titre définitif : le pays m’appartient, et vous êtes chez moi des immigrés et des résidents temporaires. » (Lévitique 25.23)
« En Israël, la terre était divisée aussi largement que possible en une multitude de propriétés de familles étendues. Pour préserver ce système, elle ne pouvait pas être achetée ou vendue commercialement, mais elle devait être conservée à l’intérieur des groupes de parenté. » [2] Nous voyons cela en 1 Rois 21. Le roi Achab veut la terre de Naboth et cherche à l’acheter, mais Naboth répond : « Que le SEIGNEUR me garde de te donner le patrimoine de mes pères ! » (1 Rois 21.3) Les paroles de Naboth montrent qu’en Israël « la terre n’est pas un article commercialisable, mais un héritage inaliénable » [3], en d’autres termes qu’il y a une relation donnée par Dieu entre le peuple et la terre.
II – NOUS APPARTENONS À LA TERRE
La relation entre les êtres humains et la terre remonte à la création elle-même. En Genèse 2, le mot hébreu pour « homme » (Adam) est délibérément un dérivé du mot pour « terre » (adamah), et le parallélisme du passage signifie qu’il y a dix-huit références à « homme » et dix-neuf à terre, sol.
Le Nouveau Testament, comme l’Ancien, considère les « lieux » comme étant un contexte pour la foi. Paul, s’adressant aux Athéniens en Actes 17, parle de la façon dont Dieu le Créateur a des « limites qu’il a instituées » pour que les humains y vivent (Actes 17.26), afin qu’ils cherchent Dieu et le trouvent (v. 27). Ce monde est le foyer que Dieu nous a donné. C’est un bon foyer, qui contient une étonnante diversité et beauté (bien que tellement dégradée par notre désastreuse désobéissance à Dieu). C’est un foyer qui a été sanctifié par le Fils de Dieu, Jésus, qui en a fait son foyer à lui aussi.
III – NOUS SOMMES PORTEURS DE L’IMAGE DE DIEU DANS NOTRE FAÇON DE TRAITER LA TERRE
En tant qu’êtres humains, nous sommes uniques parce que nous sommes en outre faits à l’image de Dieu (Genèse 1.27) « Être créé à l’image de Dieu est un don qui entraîne la responsabilité de prendre soin de la création de Dieu. » [4]
Nous sommes porteurs de l’image de Dieu en ce que Dieu a confié aux êtres humains la gestion de sa terre. Même si le vocabulaire de Genèse 1.28 (« soumettez », « dominez ») a parfois servi d’excuse à une exploitation illimitée de la terre et de ses ressources, ce n’est clairement pas le sens voulu. La « domination » ultime appartient à Dieu et notre rôle consiste à être les administrateurs, les gérants ou les métayers de Dieu. Nous devons exprimer le genre de gouvernement que Dieu veut – le gouvernement modelé dans le Christ, le Roi-Serviteur. Genèse 2.15 développe ce thème quand Adam est placé en Eden « pour le cultiver et pour le garder », expression qui pourrait être traduite par « pour servir et préserver ».
Wright déclare : « C’est la croyance que Dieu est propriétaire de la terre et demande des comptes à ses « métayers » sur l’emploi qu’ils en font qui engendre l’éthique littéralement « terre-à-terre » de l’Ancien Testament. Rien de ce que vous pouvez faire dans, sur ou avec la terre ne sort de la sphère de l’inspection morale de Dieu. » [5] La loi vétéro-testamentaire aborde tous les détails de la pratique fermière, du bien-être des animaux domestiques, jusqu’aux limites aux bords des champs, en passant par les cultures à employer. Bien que ces lois particulières aient été données pour les circonstances particulières d’Israël et ne devraient pas être transposées littéralement, il en reste des principes sous-jacents qui s’appliquent encore. Parmi les principes les plus clairs, on discerne que Dieu manifeste un vif intérêt au bien-être de toutes ses créatures et à la terre elle-même, et que les humains sont responsables devant Dieu de la façon dont ils traitent la terre.
Ces principes sous-jacents ne reposent pas sur l’alliance entre Dieu et Israël, mais ils émanent plutôt de la création même et ils ont donc une application universelle.
IV – LA TERRE EST LE CONTEXTE DE NOTRE RELATION À DIEU
Notre relation à Dieu ne se réduit pas à une dimension individuelle : « Jésus et moi » ; elle comprend également une dimension collective. Notre relation à Dieu comporte également une plus large dimension écologique. On peut la représenter sous forme d’un triangle dont Dieu est le sommet principal, les êtres humains et la terre les deux autres sommets.
La terre « n’était pas uniquement une sorte de scène neutre où se déroule la représentation … La terre, dans toutes ses dimensions : promesse, conquête, propriété partagée, usage et abus, perte et récupération était une entité fondamentalement théologique. » [6] L’expulsion d’Adam et Eve hors d’Eden s’accompagne de conséquences environnementales : le sol est maudit, il produit des épines et des chardons, et Adam se voit rappeler qu’il n’est rien d’autre que de la poussière (Genèse 3.17-19). Dans le chapitre qui suit, quand Caïn tue Abel, le sang de son frère crie de la terre à Dieu (Genèse 4.10) demandant vengeance. La terre peut d’une part crier de joie et s’incliner devant Dieu (Psaume 66.1-4 et de nombreux autres psaumes) et d’autre part porter le deuil pour les péchés du peuple (Osée 4.1-3) et vomir les habitants mauvais (Lévitique 18.25-28).
Pour revenir au triangle des relations, la conséquence de la chute et du péché des humains a été d’introduire une rupture dans chaque côté du triangle. Les relations entre les êtres humains et Dieu, entre les êtres humains et la terre ainsi qu’entre la terre et Dieu sont toutes tordues et brisées par l’entrée du péché dans le monde. La création « gémit » de souffrance (Romains 8.19-23) quand les êtres humains désobéissent à Dieu et réciproquement les êtres humains souffrent de façon aveugle du pourrissement et de l’entropie que la chute a introduite dans l’ensemble de l’ordre créé.
V – LA TERRE JOUE LE RÔLE DE BAROMÈTRE SPIRITUEL
L’Ancien Testament montre les hauts et les bas de la relation d’Israël avec Dieu et les effets subséquents de la relation d’Israël avec la terre. Des temps de riches récoltes et de plénitude, de famine et d’exil sont liés à l’obéissance ou à la désobéissance spirituelle (Deutéronome 28-30).
Aujourd’hui, beaucoup reconnaissent que « la crise environnementale est à la racine une crise spirituelle. » [7] À un niveau, ce n’est là que du bon sens. La cupidité, la surconsommation, les déchets et la pollution montrent que nous récoltons ce que nous avons semé en termes de catastrophe écologique.
Pourtant, le message permanent de l’Ancien Testament est que ce qui cause la souffrance de la terre n’est pas seulement une mauvaise gestion, mais aussi l’échec à suivre la loi morale de Dieu. Pour dire les choses simplement et dans les termes du triangle Dieu-humains-terre, pécher contre la terre lui inflige des dommages directs, mais pécher contre Dieu et contre le prochain inflige également des dommages à la terre et à la relation qui nous lie à elle, d’une façon moins évidente mais tout aussi dommageable. « Chaque fois que le peuple pèche sur la terre, la terre en subit les conséquences et reflète les jugements que Dieu envoie sur son peuple. » [8] (Pour l’idolâtrie – Jérémie 3.6-10, pour l’immoralité – Lévitique 18.24-25 ; Ézéchiel 16.25-27, et pour le sang répandu – Nombres 35.33-34.)
Nous ne pouvons éviter la conclusion que tant une mauvaise gestion qu’une décadence morale conduisent à une catastrophe environnementale. Comme l’a dit l’évêque James Jones : « Je crois que les diverses crises agricoles au cours des années pourraient bien être un jugement de Dieu sur notre façon de violer la création. La Bible ne considère pas le jugement comme un simple événement à venir, un Jour du jugement dans une époque lointaine, mais aussi comme une expérience actuelle. ‘ Ne vous égarez pas, dit Paul : on ne se moque pas de Dieu. Ce qu’un homme aura semé, c’est aussi ce qu’il moissonnera. » [9].
On ne peut éviter ce point fondamental : la terre agit comme un baromètre de la relation de l’humanité avec Dieu. Ceci ne repose pas sur l’alliance écrite dans la loi que Dieu a conclue avec Israël, mais c’est inscrit dans la création elle-même. Ainsi les problèmes écologiques que nous rencontrons dans le monde d’aujourd’hui sont le fruit de problèmes qui n’ont pas été résolus dans la terre et qui n’ont jamais été traités comme il convient.
VI – GUÉRIR LA TERRE
De nos jours, 2 Chroniques 7.14 est devenu un verset clé parce qu’il apporte l’espérance dans une époque de catastrophe nationale et écologique. Il établit clairement le lien entre la repentance pour l’échec moral (s’humilier, chercher Dieu et se détourner du mal) et le fait que Dieu apporte la guérison à la terre.
1. Le passage parle de « pays » sous une acception plus écologique que nationale ou politique. Le contexte montre que la guérison est accordée à un endroit, à une région géographique physique ; la guérison de problèmes comme la sécheresse, la maladie et les maigres récoltes (toutes choses mentionnées au verset 13). Le mot guérir dans ce verset est « rapha », mot utilisé par les anciens médecins pour dire « guérir, sauver, réparer ou rendre sain. » Pour des personnes, il signifie la restauration en un lieu de complétude.
Pourtant ce mot est ici utilisé en relation avec la terre. À mesure que les personnes sont guéries et restaurées dans leur relation avec Dieu et dans leur rôle d’intendant devant lui, la terre est à son tour guérie elle aussi. » [10] Dans la vision du monde biblique, la relation « spirituelle » d’un peuple avec Dieu et sa relation « physique » avec la terre où il vit sont profondément imbriquées l’une dans l’autre.
2. On a vu récemment un intérêt porté à une « repentance identificatrice » ou « confession représentative », où des chrétiens se repentent des péchés passés, ou les confessent au nom de nations et de groupes. Un tel héritage spirituel négatif, qu’on peut qualifier de forteresse spirituelle (Éphésiens 6.12), dans un lieu précis ou une zone d’un pays, est rompu et la terre peut être guérie quand les chrétiens et les responsables nationaux expriment du remords et reçoivent le pardon. 2 Chroniques 7.14 ne parle pas de repentance pour les péchés d’autres personnes. Ce verset parle de Dieu qui guérit le pays quand nous nous détournons de nos propres péchés individuels et sociaux.
3. La relation entre la repentance humaine et la guérison du pays ne doit pas être vue comme quelque chose de simple et automatique. Le danger est celui d’un « évangile d’éco-prospérité », où nous croyons que nous pouvons garantir des récoltes exceptionnelles et une harmonie écologique si seulement nous nous repentons suffisamment. Depuis la chute, l’entrée du péché et de la mort dans le monde ont conduit à une sorte de hasard dans la façon d’opérer de la nature. Nous ne pouvons pointer du doigt les zones du monde souffrant de catastrophe environnementale, qu’il s’agisse de sécheresse prolongée ou de séismes, et accuser les peuples qui y vivent d’attirer directement le jugement de Dieu sur eux à cause de leurs péchés. Au contraire, c’est la création tout entière qui a été « soumise à la futilité » et qui « souffre les douleurs de l’enfantement » (Romains 8.18-25) en raison du péché de l’humanité.
4. Nous devons également éviter le danger opposé. Le fait que Dieu n’apporte pas toujours la guérison physique quand nous prions pour des personnes n’empêchent pas les chrétiens de prier pleins de l’espoir que Dieu peut et va guérir les malades. Il devrait en être de même pour la prière demandant la guérison de la terre. La création qui « gémit » attend aussi d’être libérée de son « esclavage du périssable » (Romains 8.21), libération qui, comme le reste du royaume de Dieu, est à la fois « maintenant » et « pas encore ». La promesse de 2 Chroniques 7.4, tout en ayant été donnée à Salomon et au peuple d’Israël en un lieu et une époque précis, conserve une application plus générale pour nous aujourd’hui. Dieu désire ardemment apporter la guérison au pays et, à mesure que les personnes se tournent vers lui, se repentent et vivent de manière plus obéissante, tant dans leur moralité personnelle que dans leur gestion de la terre, une dynamique spirituelle est déclenchée qui conduit à un guérison de la terre. La grâce divine de la guérison se répand quand les gens se repentent et se tournent vers lui.
À Almolonga au Guatemala, une terre stérile a été transformée en champs fertiles produisant d’énormes légumes, quand une communauté locale s’est détournée du crime et de l’immoralité pour se tourner vers le Christ [11]. Le même Jésus qui a guéri les malades a montré sa puissance sur la nature en calmant la tempête et il peut encore aujourd’hui calmer les tempêtes écologiques quand nous le demandons dans une attitude d’humble obéissance.
VII – JÉSUS – CELUI QUI GUÉRIT LE PAYS
En fin de compte, toute véritable guérison vient du Christ, celui par qui et pour qui toutes choses ont été faites (Colossiens 1.16). Toutes les relations brisées dévastées par l’avalanche du péché déclenchée par Adam et Eve peuvent être guéries dans le Christ et en lui seulement. Pour revenir au triangle Dieu-humains-terre, l’œuvre salvatrice de Jésus-Christ sur la croix a rendu possible la réconciliation entre les êtres humains et Dieu, entre les peuples et au sein des peuples ainsi qu’entre les peuples et la terre, et entre Dieu et la terre. La malédiction de Genèse 3 est rompue par l’œuvre salvatrice du Christ, en qui toutes choses sur la terre et dans le ciel trouvent leur place, leur véritable foyer (Colossiens 1.18-20). Il n’est pas étonnant que l’univers ait réagi à la crucifixion par une éclipse et un séisme ; c’était un événement aux conséquences cosmiques.
Quand nous prions pour la guérison du pays, nous appliquons l’œuvre du Christ sur la croix à la création, où la vision ultime consiste à « récapituler tout dans le Christ, ce qui est dans les cieux comme ce qui est sur la terre. » (Éphésiens 1.10) Tout comme nous le faisons dans la prière pour qu’une personne se convertisse, ou pour une guérison, nous prions par obéissance et avec la certitude que la guérison de la terre est en accord avec la volonté de Dieu. Nous prions aussi en étant conscients que nous pouvons voir ou ne pas voir de résultats rapides et que toute guérison découle de la grâce de Dieu.
De même que lorsque nous prions pour une guérison physique nous encourageons les soins médicaux appropriés en plus de la prière, de même la prière et action pratique devraient aller de pair quand nous prions pour la guérison de la terre. La prière ne doit pas se substituer à une bonne gestion et les chrétiens qui désirent voir l’amélioration de leur région immédiate doivent s’impliquer dans une action environnementale et des mesures pratiques de sauvegarde tout autant que dans la prière.
Si nous voulons voir la guérison de la terre, nous devons regarder de près notre style de vie, nos recyclages et nos achats personnels ainsi que notre façon d’user des ressources de Dieu. À une plus grande échelle, nous devons étudier les politiques agricoles et environnementales, en reconnaissant que toute la terre appartient à Dieu, ainsi que tous le gros et le menu bétail sur des milliers de collines, et que nous sommes responsables devant lui de l’usage que nous faisons de ce qui lui appartient. Si nous ne guérissons pas la terre, nous la détruisons et Dieu a promis de « ruiner ceux qui ruinent la terre » (Apocalypse 11.18) Pour dire les choses de façon plus positive, quand nous prions pour la guérison de la terre et quand nous participons de façon pratique à prendre soin de la création, nous devenons co-ouvriers de Dieu dans son Royaume. Nous faisons écho à la prière de Jésus : « Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. »
Source :
1] Bob Beckett dans Alistair Petrie, Releasing Heaven on Earth [Libérer le ciel su la terre], Chosen Books, 2000, p.31
[2] Chris Wright, Living as the People of God [Vivre comme peuple de Dieu], IVP, 1983, p. 37-38
[3] Walter Brueggemann, The Land [La terre], SCM, 1978, p. 93
[4] Professeur Bruce Birch, in Petrie, p. 26
[5] Chris Wright, Living as the People of God [Vivre comme peuple de Dieu], IVP, 1983, p. 59
[6] Ibid. p. 50
[7] R. J. Faricy, Wind & Sea Obey Him [Le vent et la mer lui obéissent], SCM, 1982
[8] Petrie, p. 68
[9] James Jones, évêque de Liverpool, Culte du dimanche matin 15 avril 2001
[10] Petrie, p. 68
[11] Petrie, pp. 202 & 231. Almolonga apparaît également dans Transformation, une production vidéo du Groupe Sentinal qui a eu un impact important au Royaume-Uni et ailleurs.
Adapté et utilisé avec la permission de A Rocha, Christians in Conservation (www.arocha.org). Pour entrer en contact avec leur bureau en Inde s’adresser au Dr Vijay Anand (india@arocha.org).
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