DANIEL HILLION
Le Défi Michée appelle les chrétiens à approfondir leur engagement avec et en faveur des plus pauvres. Si cet engagement doit être sérieux, il nécessite une réflexion sur notre style de vie.
Le Défi Michée est une étape dans l’engagement des évangéliques pour la lutte contre la pauvreté et l’injustice. La référence du Défi Michée aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) est importante et nous rappelle le contexte international dans lequel cette campagne a vu le jour, mais elle ne suffit pas pour comprendre le sens du Défi Michée. C’est devant ce qu’ils considèrent comme une occasion favorable d’agir de manière significative contre la pauvreté que des chrétiens du monde entier décident de se mobiliser.
Le Défi Michée s’inscrit donc dans le sillage de toute une série de rencontres évangéliques internationales1 – dont la plus importante a certainement été celle de Lausanne en 1974 – qui ont permis aux participants de réfléchir aux thèmes liés à la responsabilité sociale du chrétien. Il faut également mentionner la formation du Réseau Michée en 2001 et la conférence de Querétaro en 20032.
Dans ce parcours menant au Défi Michée, il existe un texte peu connu qui mériterait de l’être davantage : « Un engagement évangélique pour un style de vie simple. »3
Le récit biblique de la création occupe une place fondamentale dans le texte de l’engagement pour un style de vie simple .
Lorsque Dieu fit l’homme, homme et femme, à sa propre image, il leur donna la domination sur la terre (Genèse 1.26-28). Il fit d’eux les gérants de ses ressources et ils devinrent responsables envers lui, en tant que Créateur, envers la terre qu’ils devaient développer, et envers leur prochain avec lequel ils devaient partager les richesses de la terre. Ces vérités sont si fondamentales que l’accomplissement authentique de l’humanité dépend d’une juste relation avec Dieu, avec le prochain et avec la terre et toutes ses ressources.
La Genèse nous présente la vocation de l’humanité : remplir la terre et la soumettre, c’est-à-dire mettre en valeur toutes les ressources pour la gloire de Dieu. La nature collective de cette tâche apparaît facilement à la réflexion : aucun être humain ne peut, à lui seul, remplir la terre et la soumettre.
Comment doit se caractériser le style de vie d’un chrétien ? De quelle manière traitera-t-il la terre4 ? De quelle manière considérera-t-il les ressources qu’il possède et comment en usera-t-il ? L’apôtre Paul écrit à Timothée :
« Recommande aux riches du présent siècle de ne pas être orgueilleux et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses incertaines, mais de la mettre en Dieu qui nous donne tout en abondance, pour que nous en jouissions. Qu’ils fassent le bien, qu’ils soient riches en œuvres bonnes, qu’ils aient de la libéralité, de la générosité, et qu’ils s’amassent ainsi un beau et solide trésor pour l’avenir, afin de saisir la vraie vie. » (1 Timothée 6.17-19)
L’enseignement biblique sur la création nous apprend à considérer tout ce que nous avons comme venant de la main de Dieu. Les possessions matérielles ne sont pas vues comme mauvaises en elles-mêmes, car elles appartiennent à la création – et tout ce que Dieu a créé est bon (1 Timothée 4.4) – mais ce n’est pas en elles que nous devons mettre notre espérance. La foi en un Dieu qui prend soin de nous et qui nous a donné le Royaume par Jésus devrait nous libérer en vue d’une vraie et franche générosité (cf. Luc 12-32-34).
La pauvreté a ceci de monstrueux qu’elle s’attaque à l’humanité des hommes, des femmes et des enfants. Elle les empêche de jouer leur rôle dans cette vocation de l’humanité que nous présente le premier chapitre de la Genèse. Dans un monde aussi gravement atteint par le péché qu’est le nôtre, une partie de nos efforts devra viser à limiter (autant que possible) les effets dévastateurs de la désobéissance de l’homme. Concrètement, ceux qui possèdent des richesses matérielles (les « riches du présent siècle ») devront s’interroger sérieusement sur la façon dont ce que Dieu leur a confié peut être utilisé. Comment mon style de vie reflète-t-il ce que je crois ?
L’engagement pour un style de vie simple formule quelques recommandations claires et en même temps très saines par leur absence de légalisme ou de culpabilisation :
[…] chacun d’entre nous est déterminé à développer un style de vie plus simple. Nous avons l’intention de réexaminer nos revenus et nos dépenses afin de vivre avec moins et de donner davantage. Nous n’imposons ni règles, ni règlements, que ce soit pour nous-mêmes ou pour les autres. Cependant, nous prenons la résolution de renoncer au gaspillage et de nous opposer à l’extravagance dans notre mode de vie personnel, dans notre habillement ou notre logement, dans notre façon de voyager ou dans les locaux de nos églises. […] Ceux d’entre nous qui vivent en Occident ont besoin de l’aide de leurs frères et sœurs du Tiers-Monde pour évaluer leurs critères de dépenses. Ceux d’entre nous qui vivent dans le Tiers-Monde reconnaissent qu’ils sont également exposés à la tentation de la convoitise. Ainsi nous avons besoin de compréhension, d’encouragement et de prières mutuels.
Notre relation avec Dieu devrait naturellement s’exprimer dans notre style de vie. Dans une perspective biblique, il va de soi que cela touche – entre autres – notre comportement à l’égard des pauvres : Jean-Baptiste, venu préparer le ministère de Jésus, le mentionne explicitement lorsqu’il parle des fruits de la repentance (Luc 3.10-11). Esaïe rappelle avec force que la pratique du jeûne doit s’accompagner d’un style de vie approprié pour avoir de la valeur : celui de l’homme qui partage son pain avec celui qui a faim (lire le chapitre 58 ).
Ce serait une illusion de croire que nous pouvons renforcer notre engagement avec et en faveur des pauvres si nous ne réfléchissons pas à notre style de vie, en recherchant des réponses concrètes aux questions qui se posent au cas par cas. Ce style de vie ne sera certes pas ascétique (car Dieu nous donne tout en abondance pour que nous en jouissions), mais il sera simple, car il reflètera des convictions bien définies sur Dieu, sur notre prochain et sur la terre (avez-vous déjà relevé que pour la Bible, l’une des raisons pour lesquelles nous sommes censés gagner de l’argent est d’avoir « de quoi donner à celui qui est dans le besoin » Ephésiens 4.28 : est-ce notre but quand nous travaillons ?).
Le second objectif du Défi Michée qui consiste à faire entendre la voix des chrétiens auprès des autorités ne pourra avoir toute sa crédibilité que si notre vie est engagée. C’est en vivant selon les principes du Royaume prêchés par Jésus que nous serons « porteurs d’espérance avec et pour les pauvres » et que notre voix pourra avoir quelque chose de prophétique.
Le Défi Michée est d’abord un défi qui nous est adressé, à nous chrétiens, de pratiquer la justice, d’aimer la miséricorde et de marcher humblement avec notre Dieu.
Daniel Hillion
S.E.L.
1 On trouvera un survol utile du sujet par René PADILLA sur le site du Défi Michée : http://micahchallenge.org/Christians_Poverty_and_Justice/98_fre.asp
2 La déclaration du Réseau Michée à Querétaro mentionne la question du style de vie : « Nous, chrétiens et églises partout dans le monde, devons changer nos comportements de consommation. Nous ne pouvons pas ignorer le lien entre notre consommation et les coûts sociaux et environnementaux qu’elle impose. Notre responsabilité de gestion doit prendre en compte la manière avec laquelle les biens et les services que nous consommons sont produits – nous devons assumer la responsabilité des coûts de notre style de vie. » « Nous confessons que Mammon a quelquefois faussé notre propre style de vie, à la fois individuellement et dans les églises auxquelles la plupart d’entre nous appartiennent. Nous nous en repentons. Dans notre style de vie et nos choix de consommateurs, nous devons manifester notre préoccupation pour la justice et une gestion responsable des ressources. »
3 On en trouvera le texte complet avec un commentaire sur le site du Comité de Lausanne (en anglais) : http://www.gospelcom.net/lcwe/LOP/lop20.htm#1
4 L’un des aspects du jugement de Dieu souligné par l’Apocalypse est qu’il détruira « ceux qui détruisent la terre » (11.18).
Césaire TAMO dit
Amen… très bon projet. Il devrait en avoir plus comme cela pour nous aider à changer concrètement