Introduction
21 affirmations
A. L’ÉVANGILE TOUT ENTIER
1) Notre condition humaine
2) Bonne Nouvelle pour aujourd’hui
3) Le caractère unique de Jésus-Christ
4) L’Evangile et la responsabilité sociale
B. L’ÉGLISE TOUT ENTIÈRE
5) Dieu l’Évangéliste
6) Les témoins humains
7) Des témoins conséquents
8) L’Église locale
9) Coopération dans l’évangélisation
C. LE MONDE TOUT ENTIER
10) Le monde moderne
11) Le défi de l’an 2000 et au-delà
12) Situations difficiles
Conclusion : proclamer le Christ jusqu’à ce qu’il vienne
INTRODUCTION
En juillet 1974, s’est tenu, à Lausanne en Suisse, le Congrès international sur l’évangélisation du monde ; il a publié la Déclaration de Lausanne (Lausanne Covenant). En juillet 1989, à Manille, plus de 3000 participants d’environ 170 pays se sont de nouveau rassemblés et ont publié le Manifeste de Manille. Nous sommes reconnaissants pour l’accueil de nos frères et soeurs philippins.
Pendant les 15 ans qui se sont écoulés entre les deux congrès, plusieurs consultations ont eu lieu sur des thèmes tels que “Evangile et culture”, “évangélisation et responsabilité sociale”, “un style de vie simple”, “l’Esprit Saint” et “la conversion”. Ces rencontres et leurs rapports ont enrichi la réflexion du Mouvement de Lausanne.
Un manifeste est une déclaration publique de convictions, d’intentions et de motivations. Le Manifeste de Manille s’appuie sur les deux thèmes du congrès: “Proclamer le Christ jusqu’à ce qu’il vienne” et “Appeler l’Eglise tout entière à porter l’Evangile tout entier au monde tout entier”. Sa première partie se compose d’une série de 21 affirmations succinctes ; la deuxième les développe en 12 sections que nous recommandons aux Eglises, à côté de la Déclaration de Lausanne (Lausanne Covenant), pour l’étude et l’action.
21 AFFIRMATIONS
1. Nous affirmons notre fidèle attachement à la Déclaration de Lausanne (Lausanne Covenant), qui fonde notre coopération dans le Mouvement de Lausanne.
2. Nous affirmons que, dans les Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testaments, Dieu nous a donné la révélation normative de sa nature et de sa volonté, de son oeuvre rédemptrice et de la signification de celle-ci, ainsi que de l’ordre de mission avec lequel il nous envoie.
3. Nous affirmons que l’Évangile biblique est le message permanent de Dieu à notre monde ; nous sommes résolus à le défendre, à le proclamer et à le vivre.
4. Nous affirmons que les êtres humains, bien que créés à l’image de Dieu, sont des êtres pécheurs et coupables, perdus sans le Christ. Cette vérité est nécessairement préalable à celle de l’Évangile.
5. Nous affirmons que le Jésus de l’histoire et le Christ de gloire sont une seule et même personne ; Jésus-Christ est absolument unique, car lui seul est Dieu incarné, lui seul a porté nos péchés, a vaincu la mort et viendra comme juge.
6. Nous affirmons que, sur la croix, Jésus-Christ a pris notre place, porté nos péchés et subi notre mort ; c’est pour cette unique raison que Dieu pardonne à tous ceux qui se repentent et mettent leur confiance dans le Christ.
7. Nous affirmons que les autres religions et idéologies ne sont pas d’autres manières d’aller à Dieu, et que la spiritualité humaine, en dehors de la rédemption par le Christ, mène au jugement et non à Dieu, car le Christ est le seul chemin.
8. Nous affirmons que nous devons manifester l’amour de Dieu de façon visible, en nous occupant de ceux et de celles qui sont privés de justice, de dignité, de nourriture et d’abri.
9. Nous affirmons que la proclamation du Royaume de Dieu, royaume de justice et de paix, exige de notre part la dénonciation de toute injustice et de toute oppression, personnelle ou institutionnelle ; nous ne reculerons pas devant ce témoignage prophétique.
10. Nous affirmons que le témoignage rendu au Christ par le Saint-Esprit est indispensable dans l’évangélisation ; sans son action surnaturelle, ni la nouvelle naissance ni la vie nouvelle ne sont possibles.
11. Nous affirmons que le combat spirituel exige des armes spirituelles : nous devons à la fois prêcher la Parole par la puissance de l’Esprit et prier constamment pour pouvoir entrer dans la victoire du Christ sur les principautés et les puissances du mal.
12. Nous affirmons que Dieu a confié à l’Église tout entière et aussi à chacun de ses membres la tâche de faire connaître le Christ partout dans le monde ; nous avons un ardent désir de voir laïcs et pasteurs mobilisés et formés pour cette tâche.
13. Nous affirmons que nous devons surmonter, au sein de nos communautés, nous, qui nous disons membres du corps du Christ, les barrières de race, de sexe et de classe.
14. Nous affirmons que les dons de l’Esprit sont accordés à tout le peuple de Dieu, aux femmes comme aux hommes, et qu’il faut encourager la collaboration de tous dans l’oeuvre d’évangélisation, pour le bien commun.
15. Nous affirmons qu’en proclamant l’Évangile, il nous incombe d’en présenter le reflet dans une vie de sainteté et d’amour ; sinon, notre témoignage perd sa crédibilité.
16. Nous affirmons que toute Église locale doit se tourner vers l’extérieur, vers la collectivité environnante, par le témoignage évangélique et le service.
17. Nous affirmons qu’il est urgent que les Églises et les organisations missionnaires chrétiennes collaborent dans l’évangélisation et dans l’action sociale, éliminant tout esprit de concurrence entre elles et évitant les doubles emplois.
18. Nous affirmons qu’il est de notre devoir d’étudier la société dans laquelle nous vivons, afin d’en comprendre les structures, les valeurs et les besoins, et de développer ainsi une stratégie missionnaire appropriée.
19. Nous affirmons que l’évangélisation du monde est une tâche urgente et qu’il est possible d’atteindre les populations non atteintes. Nous nous engageons donc à nous consacrer à cette tâche avec une détermination nouvelle pendant la dernière décennie du 20e siècle.
20. Nous affirmons notre solidarité avec ceux qui souffrent à cause de l’Évangile, et nous voulons nous préparer à faire face à une telle éventualité. Nous sommes également résolus à oeuvrer en faveur de la liberté religieuse et politique en tout lieu.
21. Nous affirmons que Dieu appelle l’Église tout entière à porter l’Évangile tout entier au monde tout entier. Nous sommes donc résolus à le proclamer fidèlement, dès à présent et à tout prix, jusqu’au retour de Jésus.
L’ÉVANGILE TOUT ENTIER
L’Évangile est la Bonne Nouvelle du salut de Dieu, qui nous délivre des puissances du mal, et l’instauration de son royaume éternel et de sa victoire ultime sur tout ce qui s’oppose à ses desseins. Dans son amour, Dieu a conçu, dès avant la fondation du monde, son plan de libération du péché, de la mort et du jugement, au prix de la mort de notre Seigneur Jésus-Christ. C’est le Christ qui nous rend libres et nous intègre à la communauté des rachetés.
1. Notre condition humaine
Notre mission est de prêcher l’Évangile tout entier, c’est-à-dire l’Évangile biblique dans sa plénitude. Pour ce faire, il nous faut comprendre pourquoi l’être humain en a besoin.
Hommes et femmes tirent leur dignité et leur valeur de ce qu’ils ont été créés à l’image de Dieu pour le connaître, l’aimer et le servir. Mais maintenant, le péché atteint chacun des aspects de leur humanité. Les êtres humains sont devenus égocentriques : des rebelles et des égoïstes incapables d’aimer Dieu et leur prochain comme ils le devraient. En conséquence, ils se sont éloignés et du Créateur et du reste de la création. Telle est la cause fondamentale de la souffrance, du désarroi et de la solitude dont tant de personnes souffrent aujourd’hui. Fréquemment aussi, le péché dégénère en comportement anti-social, en exploitation d’autrui et en dilapidation des ressources de la planète dont Dieu a remis la gérance aux hommes et aux femmes. L’humanité est coupable, inexcusable et engagée sur le large chemin qui mène à la catastrophe.
Les êtres humains demeurent cependant capables, malgré la corruption de l’image de Dieu en eux, de relations aimantes, d’actions nobles et de beauté dans l’oeuvre d’art. Pourtant, même la plus belle des réalisations humaines est inévitablement imparfaite et ne rend pas digne d’entrer dans la présence de Dieu. Les hommes et les femmes sont aussi des êtres spirituels dont les pratiques religieuses et les efforts personnels, s’ils peuvent leur apporter quelque soulagement, sont inopérants face aux graves réalités que sont le péché, la culpabilité et le jugement. Ni la religion, ni la vertu, ni les programmes socio-politiques ne procurent le salut. Il est impossible de se sauver soi-même. Laissés à eux-mêmes, les humains sont perdus à jamais.
Dès lors nous refusons tout pseudo-évangile qui nierait le péché de l’homme, le jugement de Dieu, la divinité et l’incarnation de Jésus-Christ, le caractère nécessaire de la croix et de la résurrection. Nous rejetons également tout Évangile amputé minimisant le péché et mêlant grâce de Dieu et efforts propres des humains. Nous confessons avoir parfois affaibli nous-mêmes l’Évangile. Nous sommes donc résolus à rappeler le diagnostic sans complaisance de Dieu ainsi que le remède radical qui l’accompagne.
2. Bonne Nouvelle pour aujourd’hui
Nous sommes dans la joie parce que le Dieu vivant ne nous a pas abandonnés à la perdition et au désespoir. Par amour, il est venu nous chercher, en Jésus-Christ, pour nous sauver et faire de nous de nouvelles créatures. Aussi la Bonne Nouvelle se trouve-t-elle centrée sur la personne historique de Jésus : il est venu proclamer le royaume de Dieu et vivre une vie de service ; il est mort pour nous, devenant péché et malédiction à notre place ; et Dieu lui a rendu justice en le ressuscitant des morts. À ceux qui se repentent et qui croient au Christ, Dieu accorde de prendre part à sa nouvelle création. Il nous donne une vie nouvelle en nous pardonnant nos péchés et en mettant en nous la puissance transformatrice de son Esprit. Il nous accueille dans une nouvelle communauté composée de personnes de toutes races, de toutes nations et de toutes cultures. Et il nous promet qu’un jour, nous serons dans un monde nouveau d’où tout mal aura disparu, où la nature sera rachetée et où Dieu régnera pour l’éternité.
Il nous faut proclamer hardiment cette Bonne Nouvelle, partout où cela est possible, dans l’église et dans les lieux publics, à la radio et à la télévision, ou en plein air. Cette Bonne Nouvelle est, en effet, la puissance de Dieu pour le salut ; et c’est notre devoir de la faire connaître. Nous devons annoncer fidèlement la vérité que Dieu a révélée dans la Bible et nous efforcer de la présenter en tenant compte de notre environnement culturel.
Nous affirmons que l’apologétique, c’est-à-dire “la défense et l’affermissement de l’Évangile” (Phil 1.7), fait partie intégrante de ce que la Bible appelle la mission, et qu’elle est essentielle à un témoignage efficace dans le monde d’aujourd’hui. Paul lui-même a “raisonné” avec les gens qui ne connaissaient pas les Écritures, afin de les “convaincre” de la vérité de l’Évangile. Nous devons faire de même. Concrètement, tout chrétien devrait être prêt à rendre compte de l’espérance qui est en lui (1 Pi 3.15).
Nous avons de nouveau été attentifs à l’accent mis par Luc sur le fait que l’Évangile est une Bonne Nouvelle pour les pauvres (Luc 4.18 ; 6.20 ; 7.22), et nous nous sommes demandé ce que cela signifiait pour la majorité de la population mondiale, qui est démunie, souffrante ou opprimée. Nous nous sommes souvenu que la Loi, les prophètes et les livres de sagesse, comme l’enseignement et le ministère de Jésus, insistent également sur la sollicitude de Dieu à l’égard des pauvres au plan matériel et sur le devoir qui en découle pour nous, de les défendre et d’en prendre soin. L’Écriture mentionne aussi les pauvres au plan spirituel, qui n’ont d’espoir qu’en Dieu seul. L’Évangile est une Bonne Nouvelle pour les uns et les autres. Les pauvres au plan spirituel qui s’humilient devant Dieu reçoivent par la foi, quelle que soit leur situation économique, le don gratuit du salut. Nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu par un autre chemin. Les pauvres au plan matériel et les opprimés bénéficient en outre d’une dignité nouvelle, celle des enfants de Dieu, et de l’amour de frères et de soeurs qui lutteront avec eux pour leur libération de tout ce qui les afflige et les opprime.
Nous nous repentons si nous avons négligé la vérité de Dieu dans l’Écriture et sommes résolus à la proclamer et la défendre. Nous nous repentons là où nous sommes restés indifférents à la condition des pauvres, où nous avons marqué une préférence pour les riches, et nous sommes résolus à suivre Jésus en annonçant la Bonne Nouvelle à tous, à la fois en paroles et en actes.
3. Le caractère unique de Jésus-Christ
Notre vocation est de proclamer le Christ dans une société de plus en plus pluraliste. On assiste à la résurgence de croyances anciennes et à l’apparition de nouvelles. Au premier siècle, pullulaient également “beaucoup de dieux et beaucoup de seigneurs” (1 Cor 8.5). A cela, les apôtres ont fermement opposé le caractère unique, indispensable et central du Christ. Nous devons faire de même.
Parce que les hommes et les femmes ont été faits à l’image de Dieu et qu’ils voient dans la création la marque du Créateur, il arrive que les diverses religions comportent des éléments de vérité et de beauté. Elles n’offrent pas pour autant d’autres évangiles, des évangiles de rechange. Les humains sont pécheurs, et “le monde entier est au pouvoir du Malin” (1 Jn 5.19), c’est pourquoi même les personnes les plus pieuses ont besoin d’être rachetées par le Christ. Rien ne nous permet donc d’affirmer que le salut peut se trouver en dehors du Christ et sans une reconnaissance explicite, par la foi, de son oeuvre.
Certains prétendent que l’alliance de Dieu avec Abraham dispense les membres du peuple juif de reconnaître Jésus comme leur Messie. Nous affirmons que les Juifs ont autant besoin de Jésus que quiconque. Ce serait une forme d’antisémitisme et un manque de loyauté à l’égard du Christ de nous écarter du modèle néo-testamentaire selon lequel l’Évangile s’adresse “aux Juifs d’abord…” Nous rejetons donc l’affirmation que les Juifs ont une alliance particulière qui rendrait inutile la foi en Jésus-Christ.
Une conviction commune sur Jésus-Christ nous unit. Nous le confessons comme Fils éternel de Dieu, qui est devenu pleinement homme tout en restant pleinement Dieu; il a pris notre place à la croix, il a porté nos péchés, il a enduré notre mort, il a fait l’échange de sa justice et de notre injustice, il est ressuscité dans un corps transformé et il reviendra en gloire pour juger le monde. Lui seul est le Fils incarné, le Sauveur, le Seigneur et le Juge ; lui seul, avec le Père et l’Esprit, est digne de louange, de foi et d’obéissance de la part de tous. Il y a un seul Évangile, comme il y a un seul Christ, dont la mort et la résurrection constituent le seul chemin qui conduit au salut. Nous rejetons donc à la fois le relativisme, qui considère toutes les religions et spiritualités comme également valables pour s’approcher de Dieu, et le syncrétisme qui voudrait mêler la foi au Christ et les autres croyances.
Plus encore, puisque Dieu a souverainement élevé Jésus, afin que tous le reconnaissent, tel est aussi notre désir. Pressés par l’amour du Christ, nous devons obéir à son ordre missionnaire et aimer ses brebis perdues ; nous sommes également pressés par la “jalousie” pour son saint nom et nous désirons ardemment qu’il reçoive l’honneur et la gloire qui lui sont dus.
Dans le passé, nous avons parfois adopté à l’égard des adeptes d’autres croyances une attitude coupable : méconnaissance, arrogance, mépris et parfois même hostilité. Nous nous en repentons. Néanmoins, nous sommes résolus à rendre un témoignage positif et sans compromission aucune au caractère unique de notre Seigneur, à sa vie, sa mort et sa résurrection, dans tous les aspects de notre évangélisation, y compris dans le dialogue avec les autres religions.
4. Évangile et responsabilité sociale
L’Évangile authentique doit se manifester par des vies transformées. Un service plein d’amour doit accompagner notre proclamation de l’amour de Dieu et la mise en pratique de ses exigences de justice et de paix doit accompagner notre annonce du Royaume de Dieu.
L’évangélisation est première parce que notre préoccupation majeure est que tous aient l’occasion d’accepter Jésus-Christ comme Seigneur et Sauveur. Jésus lui-même ne s’est pas contenté de proclamer le Royaume de Dieu, il en a manifesté concrètement l’instauration par ses oeuvres de miséricorde et de puissance. Nous sommes appelés aujourd’hui à conjoindre de la même manière paroles et actes. C’est dans un esprit d’humilité qu’il nous faut prêcher et enseigner, assister les malades, nourrir ceux qui ont faim, entourer les prisonniers, aider les défavorisés et les handicapés, et délivrer les opprimés. Tout en reconnaissant la diversité des dons spirituels, des vocations et des situations, nous affirmons que la Bonne Nouvelle est inséparable des oeuvres bonnes.
La proclamation du Royaume de Dieu exige la dénonciation prophétique de tout ce qui est incompatible avec lui. Parmi les maux que nous regrettons vivement, citons la violence sous toutes ses formes, y compris la violence institutionnalisée, la corruption politique, l’exploitation des personnes et l’usage abusif des ressources terrestres, la destruction de la famille, l’interruption volontaire de grossesse, le trafic de drogues et le mépris des droits de l’homme. Dans notre souci des pauvres, nous sommes angoissés par le poids de la dette des pays du tiers monde (qui constituent les deux tiers du monde !). Nous sommes aussi scandalisés par les conditions inhumaines dans lesquelles vivent des millions de personnes qui portent, comme nous, l’image de Dieu.
Notre engagement permanent dans l’action sociale ne nous fait pas confondre Royaume de Dieu et société christianisée. Il signifie plutôt que nous reconnaissons les implications sociales inéluctables du message biblique. La mission véritable est toujours incarnée. Elle doit pénétrer avec humilité dans le monde des autres, s’identifier à leur situation sociale, leurs peines et leurs souffrances, et leur combat pour la justice, contre les puissances oppressives. Cela ne peut se faire sans sacrifices personnels.
L’étroitesse de notre vision, nous nous en repentons, nous a empêchés de proclamer la seigneurie de Jésus-Christ sur tous les domaines de la vie, privée et publique, locale et globale. Nous sommes résolus à lui obéir et à “chercher premièrement le Royaume de Dieu et sa justice” (Mat 6.33).
L’ÉGLISE TOUT ENTIÈRE
L’Évangile tout entier doit être proclamé par l’Église tout entière. La totalité du peuple de Dieu est appelée à prendre part à l’oeuvre d’évangélisation. Mais, sans l’Esprit de Dieu, tout effort est vain.
5. Dieu l’Évangéliste
L’Écriture déclare que Dieu lui-même est l’Évangéliste par excellence. Car l’Esprit de Dieu est l’Esprit de vérité, d’amour, de sainteté et de puissance ; sans lui, l’évangélisation est impossible. C’est lui qui consacre le prédicateur, confirme la parole, prédispose l’auditeur, convainc le pécheur, illumine l’aveugle, rappelle les morts à la vie ; il nous donne de nous repentir et de croire, nous agrège au corps du Christ, nous atteste que nous sommes enfants de Dieu, nous conduit à ressembler au Christ dans l’être et le faire, et nous envoie à notre tour comme témoins du Christ. En toutes ces choses, l’action principale du Saint-Esprit est de glorifier Jésus-Christ en nous le révélant et en le formant en nous.
Toute évangélisation implique un combat spirituel contre les principautés et les puissances mauvaises ; dans ce conflit, seules les armes spirituelles sont adéquates, en particulier la Parole et l’Esprit, avec la prière. C’est pourquoi nous exhortons tout le peuple chrétien à prier avec persévérance tant pour le renouveau de l’Église que pour l’évangélisation du monde.
Toute conversion véritable comporte un conflit de pouvoirs qui met en évidence l’autorité suprême de Jésus-Christ. Il n’y a pas de plus grand miracle que celui de la libération du croyant de l’esclavage de Satan et du péché, de la crainte et de la vanité, des ténèbres et de la mort.
Les miracles de Jésus ont, assurément, un caractère particulier, en tant que signes de sa messianité et préfigurations de son Royaume parfait où tout lui sera soumis ; cependant, nous n’avons pas pour autant le droit de limiter, aujourd’hui, le pouvoir du Créateur, du Dieu vivant. Nous rejetons à la fois l’incrédulité qui nie les miracles et l’orgueil qui les exige, la timidité qui prive de la plénitude de l’Esprit et le triomphalisme qui détourne de la faiblesse dans laquelle s’accomplit la toute-puissance du Christ.
Nous avons eu la prétention, et nous nous en repentons, soit d’évangéliser par nos propres forces, soit de dicter son comportement au Saint-Esprit. Nous sommes résolus, à l’avenir, à ne plus “attrister” ou “éteindre” l’Esprit, mais à nous appliquer plutôt à répandre la Bonne Nouvelle “avec puissance, avec l’Esprit Saint, et une pleine certitude” (1 Thess 1.5).
6. Les témoins humains
Dieu l’Évangéliste accorde à son peuple le privilège de travailler avec lui (2 Cor 6.1). En effet, nous ne pouvons pas témoigner sans lui, mais il choisit habituellement de témoigner par notre intermédiaire. Si la vocation d’évangéliste, de missionnaire ou de pasteur est réservée à certains, l’appel à témoigner est adressé à l’Église entière, et à chacun de ses membres en particulier.
Le ministère spécifique des pasteurs et des docteurs est de mener le peuple (laos) de Dieu à la “perfection en Christ” (Col 1.28) et de le former pour le service de Dieu (Éph 4.11-12). Les pasteurs n’ont pas à monopoliser les ministères mais plutôt à les multiplier en encourageant les autres à faire usage de leurs dons et en formant les disciples à en faire d’autres. La domination des clercs sur les laïcs a été un grand mal dans l’histoire de l’Église. Elle a dépouillé les uns et les autres du rôle que Dieu leur avait assigné ; elle a produit le surmenage pastoral, a affaibli l’Église et freiné la diffusion de l’Évangile. Cette domination est de plus fondamentalement anti-biblique. Nous donc, qui depuis des siècles avons insisté sur le “sacerdoce de tous les croyants”, nous insistons aujourd’hui sur le ministère de tous les croyants.
Nous reconnaissons avec gratitude que l’enthousiasme et la foi des enfants et des jeunes sont un enrichissement pour le culte et le témoignage de l’Église. Nous devons les former comme disciples et évangélistes, afin qu’ils puissent conduire au Christ les jeunes de leur âge.
Dieu a créé les hommes et les femmes, égaux comme porteurs de son image (Gen 1.26-27), il les accueille sur un pied d’égalité en Christ (Gal 3.28) et il a répandu son Esprit sur toute chair, sur les fils et sur les filles (Act 2.17-18). De plus, puisque le Saint-Esprit accorde ses dons aux femmes aussi bien qu’aux hommes, celles-ci doivent avoir l’occasion de les exercer. Nous louons leurs remarquables réalisations dans l’histoire des missions et nous sommes convaincus que Dieu appelle des femmes à jouer des rôles semblables aujourd’hui. Bien que nous ne soyons pas entièrement d’accord sur les formes que pourrait prendre leur “leadership”, nous nous accordons à considérer que Dieu appelle les hommes et les femmes à être partenaires dans l’évangélisation du monde. Une formation adéquate doit donc être accessible aux uns et aux autres.
Le témoignage des laïcs, hommes et femmes, s’exerce non seulement dans l’Église locale (voir point 8), mais aussi dans le cadre des relations à la maison et au travail. Même les sans-abri et les chômeurs sont appelés à prendre part au témoignage.
Notre première responsabilité est de témoigner auprès de ceux qui sont déjà nos amis, parents, voisins ou collègues. L’évangélisation par invitation à domicile concerne aussi bien les couples que les célibataires. Un foyer chrétien est une illustration des normes de Dieu en matière de mariage, de sexualité et de vie familiale, et constitue un havre d’amour et de paix pour ceux qui souffrent ; et des voisins qui ne mettraient jamais les pieds dans une église, se sentent généralement à l’aise dans un foyer, même au moment où l’on y parle de l’Évangile.
Un autre cadre pour le témoignage des laïcs est le lieu de travail, parce que la plupart des chrétiens y passent la moitié de leur temps de veille, et que le travail fait partie de la vocation divine. Les chrétiens sont témoins du Christ par leur manière de parler, leur zèle, leur honnêteté, leur conscience professionnelle, leur souci de la justice dans le travail ; et, tout spécialement, si les autres peuvent discerner que la qualité de leur travail quotidien vient du désir de glorifier Dieu.
Nous nous repentons d’avoir contribué à décourager le ministère des laïcs, surtout celui des femmes et des jeunes. Nous sommes résolus à encourager à l’avenir tous les disciples du Christ à prendre la place qui leur revient de droit et naturellement dans le témoignage. La véritable évangélisation procède, en effet, d’un coeur débordant de l’amour du Christ. C’est pourquoi elle est le fait de tout le peuple de Dieu, sans exception.
7. Des témoins conséquents
Aucune présentation de l’Évangile n’est aussi éloquente qu’une vie transformée ; rien ne ternit autant le message qu’une vie inconséquente. Il nous est demandé de nous conduire d’une manière digne de l’Évangile du Christ, et même de lui servir de parure, et d’en souligner la beauté par une vie de sainteté. Le monde qui nous observe attend, avec raison, des disciples du Christ un comportement cohérent avec ce qu’ils disent de lui. Un tel comportement est un témoignage saisissant.
Proclamer le Christ mort pour nous amener à Dieu attire ceux qui ressentent leur soif spirituelle. Mais ils ne nous croiront pas si rien ne leur montre que nous connaissons nous-mêmes le Dieu vivant, et si nos cultes sont creux, mornes et abstraits.
Notre affirmation de la réconciliation en Christ ne sonnera juste que si nous nous aimons et nous pardonnons réciproquement, si nous servons les autres en toute humilité, avec compassion et don de soi, la main tendue bien au-delà de notre communauté.
Appeler autrui à renoncer à soi-même, à prendre sa croix et à suivre le Christ n’aura de force que si nous-mêmes nous sommes, de toute évidence, morts à notre ambition égoïste, notre hypocrisie et notre convoitise, et si nous vivons dans la simplicité,le contentement et la générosité.
Nous déplorons les défaillances que l’on observe chez les chrétiens comme dans les Églises : la cupidité, l’orgueil et les rivalités dans le travail, l’esprit de concurrence dans le service chrétien, la jalousie à l’égard des jeunes responsables, le paternalisme missionnaire, un tel goût de l’indépendance qu’on refuse de rendre compte, l’abandon des valeurs chrétiennes en matière de sexualité et la discrimination raciale, sociale et sexuelle, autant d’expressions de la mondanité qui confèrent à la culture un pouvoir sur l’Église alors qu’il appartient à l’Église d’interpeller et de transformer la culture. Nous regrettons profondément toutes les fois où, soit individuellement soit communautairement, nous avons confessé le Christ en paroles et l’avons renié en actes. Cette attitude inconséquente ôte à notre témoignage toute crédibilité. Nous reconnaissons nos luttes et nos défaillances continuelles. Nous sommes résolus, à l’avenir, à faire preuve, par la grâce de Dieu, de plus de cohérence dans notre comportement individuel et ecclésial.
8.L’Église locale
Chaque communauté chrétienne est la manifestation locale du corps du Christ et en assume les responsabilités. Elle est à la fois “un saint sacerdoce”, pour offrir un sacrifice spirituel de louange, et “une nation sainte” pour annoncer ses vertus (1 Pi 2.5,9). L’Église est ainsi une communauté d’adoration et de témoignage, aussi bien rassemblée que dispersée, peuple élu et peuple envoyé. Adoration et témoignage sont indissociables.
Nous croyons que la responsabilité de répandre l’Évangile incombe premièrement à l’Église locale. L’Écriture le suggère dans la démarche progressive suivante : “Notre Évangile est venu jusqu’à vous” et, ensuite, “il a retenti de chez vous” (1 Thess 1.5,8). C’est ainsi que se produit la réaction en chaîne permanente évangélisation-Église-évangélisation. De plus, ce qu’enseigne l’Écriture, l’expérience le confirme. Chaque Église locale a le devoir d’évangéliser la région où elle se trouve ; elle dispose des ressources nécessaires pour le faire.
Nous recommandons à chaque communauté ou paroisse de se pencher régulièrement sur l’étude,non seulement de ses effectifs et de ses programmes, mais aussi de la vie locale, avec toutes ses spécificités, afin de mettre au point des stratégies missionnaires adéquates. Ses membres pourront, par exemple, organiser une campagne de visites, être présents dans des lieux publics, prévoir une série de réunions d’évangélisation, de conférences ou de concerts, travailler avec les pauvres à la réhabilitation d’un quartier de taudis, implanter une nouvelle Église dans un faubourg ou dans un village avoisinant…, tout ceci sans oublier les activités générales de l’Église. Une Église qui envoie des missionnaires veille à ne pas négliger son propre environnement, et une Église qui évangélise son voisinage pense au reste du monde.
En tout ceci, chaque communauté, et chaque dénomination, travaillera, autant que possible, avec les autres, s’efforçant de transformer tout esprit de compétition en esprit de coopération. Les Églises veilleront aussi à oeuvrer avec les organisations para-ecclésiastiques, notamment dans l’évangélisation et le service de la collectivité. De telles institutions font en effet partie du corps du Christ, et possèdent des compétences spécialisées dont l’Eglise peut tirer grand profit.
L’Église est voulue de Dieu pour être signe de son Royaume, c’est-à-dire signe de la transformation que connaît une communauté humaine quand elle se soumet à sa loi de justice et de paix. Pour être vraiment communiqué, l’Évangile doit s’incarner : cette affirmation vaut aussi bien pour les individus que pour l’Église. C’est par notre amour mutuel que le Dieu invisible se révèle aujourd’hui (1 Jn 4.12), surtout si notre communion se manifeste dans de petits groupes, et si elle transcende les barrières de race, de rang, de sexe et d’âge, qui divisent les hommes.
Nous regrettons profondément l’égocentrisme de tant de nos communautés, organisées en vue de leur propre maintien plutôt que de la mission, préoccupées par leurs activités internes au détriment du témoignage. Nous sommes résolus à ce que nos Eglises fassent preuve de plus d’ouverture et se consacrent, de façon régulière, à atteindre le monde, afin que le Seigneur leur ajoute chaque jour ceux qui sont sauvés (Act 2.47).
9. Coopération dans l’évangélisation
Dans le Nouveau Testament, évangélisation et unité sont étroitement liées. Jésus a prié pour que l’unité de son peuple reflète son unité avec le Père et que le monde croie en lui (Jn 17.20-21), et Paul exhorte les Philippiens à “combattre d’une même âme pour la foi de l’Évangile” (Phil 1.27). A la lumière de cette vision biblique, nous avons honte de nos rivalités et de nos soupçons, de notre dogmatisme sur des questions secondaires, de nos luttes pour le pouvoir, et de la construction d’empires, toutes choses qui portent atteinte à notre témoignage. Nous affirmons que la coopération dans l’évangélisation est indispensable, d’abord parce qu’elle est dans la volonté de Dieu, mais aussi parce que notre manque d’unité jette un discrédit sur l’Évangile de la réconciliation et que l’évangélisation du monde, s’il elle doit un jour être achevée, exige que nous y oeuvrions ensemble.
“Coopérer” signifie pratiquer l’unité dans la diversité. Cela implique que des personnes dont les caractères, les dons, les vocations, les cultures diffèrent, des hommes et des femmes de tous âges, des Églises autochtones et des sociétés missionnaires travaillent ensemble.
Nous sommes résolus à laisser derrière nous, une fois pour toutes, comme un triste héritage du passé colonial, la distinction simpliste entre pays du premier monde, qui envoient, et ceux du tiers monde(deux-tiers monde !), qui reçoivent. La grande nouveauté de notre époque est, en effet, l’internationalisation des missions. Non seulement une large majorité de chrétiens évangéliques se trouve maintenant en dehors de l’Occident, mais encore le nombre des missionnaires issus du tiers monde excédera bientôt celui des missionnaires du premier monde. Nous croyons que des équipes missionnaires composites mais unies de coeur et d’esprit, rendent un témoignage puissant à la grâce de Dieu.
Quand nous parlons de “l’Église tout entière”, nous n’avons pas la prétention d’identifier l’Église universelle à la communauté évangélique mondiale : nous sommes conscients que beaucoup d’Églises n’appartiennent pas au mouvement évangélique. A l’égard des Églises catholique romaine et orthodoxe, les évangéliques ont des attitudes différentes. Certains d’entre eux prient, dialoguent, étudient l’Écriture et travaillent avec ces Églises. D’autres s’opposent vigoureusement à toute forme de dialogue ou de coopération. Tous sont conscients que de sérieuses différences théologiques subsistent entre nous. Le cas échéant, et aussi longtemps que la vérité biblique n’est pas compromise, une coopération est envisageable dans des domaines comme la traduction de la Bible, l’étude de questions théologiques et éthiques contemporaines, le travail social et l’action politique. Nous tenons cependant à affirmer que l’évangélisation en commun exige une commune adhésion à l’Évangile biblique.
Certains d’entre nous appartiennent à des Églises membres du Conseil Oecuménique des Églises et estiment qu’une participation positive mais critique aux travaux de ce Conseil est notre devoir chrétien. D’autres n’ont aucune relation avec lui. Tous, nous exhortons le Conseil Oecuménique à adopter une conception fidèlement biblique de l’évangélisation.
Nous confessons notre part de responsabilité dans les divisions du corps du Christ, pierre d’achoppement majeure pour l’évangélisation du monde. Nous sommes résolus à rechercher avec persévérance cette unité dans la vérité pour laquelle le Christ a prié. Nous sommes convaincus que le chemin le meilleur vers une plus étroite coopération est un dialogue franc et patient, fondé sur la Bible, avec tous ceux qui l’ont à coeur. A ce dialogue, nous nous ouvrons nous-mêmes avec joie.
LE MONDE TOUT ENTIER
L’Évangile tout entier a été confié à l’Église tout entière afin d’être porté à la connaissance du monde tout entier. Il nous est donc nécessaire de comprendre le monde dans lequel nous sommes envoyés.
10. Le monde moderne
L’évangélisation ne s’effectue pas dans le vide. Aussi convient-il de préserver un juste équilibre entre l’Évangile et son lieu d’insertion, c’est-à-dire de comprendre le contexte de notre monde, pour lui parler de façon pertinente, sans laisser le contexte dénaturer l’Évangile.
À cet égard, nous nous sommes interrogés sur les incidences de la “modernité”, produit culturel mondial né de l’industrialisation, avec sa technologie, et de l’urbanisation, avec son ordre économique. Ces facteurs se combinent pour créer un environnement qui influence le regard que nous portons sur le monde. S’y ajoute le sécularisme, qui a ruiné la foi en ôtant toute signification à Dieu et au surnaturel. L’urbanisation est déshumanisante pour beaucoup et les mass-media ont contribué à dévaloriser les notions de vérité et d’autorité, en remplaçant le mot par l’image. Globalement, les effets de la modernité faussent le message prêché par beaucoup et sapent l’élan missionnaire.
En 1900, à peine 9% de la population du monde vivait en ville ; en l’an 2000, ce pourcentage pourrait dépasser 50 %. Ce mouvement d’urbanisation à échelle mondiale a été dit “la plus grande migration de l’histoire humaine”; il constitue un défi majeur pour l’évangélisation du monde. D’un côté, le caractère tout à fait cosmopolite des populations urbaines met désormais les nations à notre porte dans la ville. Est-il possible d’édifier des Églises communes à tous, au sein desquelles l’Évangile abolisse les barrières ethniques ? D’un autre côté, de nombreux citadins sont pauvres, déracinés, mais réceptifs à l’Évangile. Est-il possible de persuader le peuple de Dieu de s’établir au coeur de ces communautés urbaines défavorisées pour se mettre à leur service et de prendre part à la transformation de la ville ?
La modernisation a des avantages et des inconvénients. Grâce aux réseaux de communication et aux relations commerciales établis autour du globe, l’Évangile bénéficie d’ouvertures sans précédent, traverse les anciennes frontières et pénètre les sociétés fermées, qu’elles soient traditionnelles ou totalitaires. Les média chrétiens ont une puissante influence pour semer l’Évangile lui-même et aussi pour préparer le terrain. Les grandes sociétés missionnaires d’émissions radio font le plan de diffuser l’Évangile dans toutes les langues importantes, d’ici à l’an 2000.
Nous confessons que nous n’avons pas fait tout ce que nous pouvions pour comprendre le phénomène de la modernisation. Nous en avons utilisé sans discernement les méthodes et les techniques, nous exposant ainsi à la “mondanité”. Mais nous sommes résolus à relever les défis et à saisir les occasions sans céder aux pressions séculières de la modernité, à affirmer la seigneurie du Christ sur l’ensemble de la culture moderne, et à nous consacrer à la mission dans le monde moderne, en veillant à ne pas laisser l’esprit du monde s’y installer.
11. Le défi de l’an 2000 et au-delà
La population du monde approche aujourd’hui les six milliards. Le tiers se réclame du Christ. La moitié des 4 milliards restants a déjà entendu parler de lui ; ce n’est pas le cas de l’autre moitié. Ces chiffres nous invitent à envisager l’évangélisation en prenant en considération 4 catégories.
En premier lieu, il y a le grand potentiel missionnaire, les chrétiens engagés. Leur nombre a progressé de 40 millions en 1900 à environ 500 aujourd’hui, et actuellement ce groupe grandit plus de deux fois plus vite que tout autre groupe religieux important.
Deuxièmement, il y a les chrétiens de nom. Ils font profession d’être chrétiens (ils ont été baptisés et vont à l’église occasionnellement), mais la notion d’engagement personnel envers Jésus-Christ leur est étrangère. On en trouve dans toutes les Églises du monde, il est urgent de les ré-évangéliser.
Troisièmement, les non-évangélisés sont ceux qui n’ont qu’une connaissance très limitée de l’Évangile et n’ont jamais eu vraiment l’occasion de prendre position. Ils seraient sans doute faciles à atteindre si les chrétiens se donnaient la peine de se rendre dans la rue, sur la route, dans le village ou la ville d’à côté.
Quatrièmement, il y a deux milliards de non-atteints, qui peuvent n’avoir jamais entendu parler de Jésus comme Sauveur et que ne peuvent pas toucher des chrétiens de leur propre peuple. De fait, il existe quelque 2000 peuples ou ethnies dans lesquels il n’y a encore aucune Église indigène vigoureuse. Il importe de savoir que ces personnes appartiennent à des groupes restreints et sont très conscientes des affinités qui les lient (une culture, un langage, un habitat ou des occupations semblables). Les messagers les plus efficaces pour les atteindre seront des croyants appartenant déjà à leur culture et connaissant leur langage. À défaut, des messagers appartenant à d’autres cultures devront aller leur annoncer l’Évangile en laissant de côté leur propre culture et en faisant le sacrifice de s’identifier au peuple qu’ils ont à coeur de gagner à Jésus-Christ.
Environ 12 000 groupes de ce type, appartenant à 2000 peuples plus grands, existent aujourd’hui. Aussi la tâche de les évangéliser n’est-elle pas impossible. Mais, à présent, 7% seulement de l’ensemble des missionnaires sont engagés dans ce genre de travail, tandis que 93% se consacrent à la moitié du monde déjà évangélisée. Pour redresser la situation, un redéploiement stratégique du personnel sera nécessaire.
Hélas, un facteur négatif se surajoute souvent et entrave l’effort pour atteindre les catégories mentionnées ci-dessus : l’interdiction d’accès. Beaucoup de pays n’accordent pas de visas aux simples missionnaires n’ayant pas d’autre qualification ou spécialité à offrir. Pourtant, de telles zones ne sont pas complètement hors de portée. Nos prières peuvent traverser tous les rideaux, portes ou barrières. La radio et la télévision, les cassettes audio et vidéo, les films et la littérature peuvent atteindre ceux qui sont inaccessibles autrement. Les “faiseurs de tentes” qui, comme Paul, gagnent leur vie, ont également cette capacité. Ils voyagent dans le cadre de leur profession (hommes d’affaires, professeurs d’universités, spécialistes, professeurs de langues) et saisissent toutes les occasions de parler de Jésus-Christ. Ils ne pénètrent pas dans un pays sous de faux prétextes puisque leur travail les y appelle vraiment ; seulement, témoigner est une composante importante de leur vie chrétienne, quelle que soit leur situation.
Nous sommes profondément honteux que, près de deux millénaires après la mort et la résurrection de Jésus, les deux tiers de la population du monde ne le connaissent pas encore. Mais nous sommes également émerveillés de voir de plus en plus la puissance de Dieu à l’oeuvre, même dans les endroits les plus défavorisés du globe.
Actuellement, l’an 2000 apparaît aux yeux de beaucoup comme un point de repère et un défi. Serons-nous capables de nous engager à évangéliser le monde au cours de la dernière décennie de ce millénaire ? Cette date n’a rien de magique ; mais pourquoi ne ferions-nous pas notre possible pour atteindre ce but ? Le Christ nous donne l’ordre de porter l’Évangile à toutes les nations. La tâche est urgente. Nous sommes résolus à lui obéir dans la joie et l’espérance.
12. Situations difficiles
Jésus n’a pas caché à ses disciples qu’ils devaient rencontrer de l’opposition : s’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi (Jn 15.20). Il leur a même dit de se réjouir dans la persécution (Mat 5.12) et leur a rappelé que la mort est la condition sine qua non d’une vie fructueuse (Jn 12.24).
Cette annonce du caractère inévitable et fécond de la souffrance pour les chrétiens s’est vérifiée à toutes les époques, y compris la nôtre. Il y a eu des milliers de martyrs, et il y en a encore aujourd’hui. Nous espérons de tout coeur que la glasnost et la perestroika conduiront à une entière liberté religieuse en Union soviétique et dans les autres pays de l’Est, et que les pays musulmans et hindous seront plus ouverts à l’Évangile. Nous regrettons vivement le récent et brutal arrêt du mouvement démocratique en Chine et prions pour que cela n’occasionne pas de souffrances supplémentaires aux chrétiens. D’une façon générale, cependant, il semble que les religions anciennes deviennent moins tolérantes, que les étrangers soient moins bien accueillis, et que le monde supporte moins bien l’Évangile.
Dans cette situation, nous aimerions présenter trois observations aux gouvernements qui sont en train de reconsidérer leur attitude à l’égard des chrétiens :
Premièrement, les chrétiens sont des citoyens loyaux qui veulent le bien de leur pays, prient pour ses dirigeants et paient impôts et taxes. Toutefois, les chrétiens, parce qu’ils reconnaissent Jésus comme Seigneur, ne peuvent pas donner également ce titre à d’autres autorités qui, si elles l’exigeaient ou demandaient d’enfreindre un commandement de Dieu, devraient être désobéies. En dehors de cela, les chrétiens sont des citoyens consciencieux. Ils contribuent au bien-être et à l’équilibre du pays par la stabilité de leur mariage et de leur foyer, leur honnêteté en affaires, leur dur labeur et leur activité bénévole au service des handicapés et des nécessiteux. Un gouvernement légitime n’a rien à redouter de la part des chrétiens.
Deuxièmement, les chrétiens se refusent à utiliser des méthodes indignes de l’évangélisation. Certes, par nature, notre foi exige que l’Évangile soit communiqué aux autres, mais nous veillons à le présenter de façon ouverte et impartiale, en laissant les auditeurs libres de se faire leur propre opinion. Nous souhaitons faire preuve de sensibilité vis-à-vis des autres croyances que la nôtre et nous rejetons toute démarche conduisant à des conversions forcées.
Troisièmement, les chrétiens souhaitent profondément la liberté religieuse pour tout le monde et pas uniquement pour le christianisme. Dans les pays à majorité chrétienne, les chrétiens sont les premiers à demander la liberté pour les minorités religieuses. En conséquence, dans les pays à majorité non chrétienne, les chrétiens ne font que réclamer pour eux-mêmes ce qu’il exigent pour les autres dans des conditions analogues. La liberté de “professer, pratiquer et propager” sa religion, selon la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, est un droit qui peut et doit être mutuellement reconnu.
Nous regrettons vivement tout témoignage indigne dont les disciples de Jésus se sont rendus coupables. Nous nous efforcerons de ne donner aucun sujet de scandale en quoi que ce soit, de peur que le nom du Christ ne soit déshonoré. Il nous est cependant impossible d’éviter le scandale de la croix. À cause du Christ crucifié, nous demandons à Dieu d’être prêts, par sa grâce, à souffrir et même à mourir. Le martyre est une forme de témoignage que le Christ a promis d’honorer particulièrement.
Conclusion : proclamer le Christ jusqu’à ce qu’il vienne
“Proclamer le Christ jusqu’à ce qu’il vienne”, tel a été le thème de Lausanne II. Nous croyons, bien sûr, que le Christ est déjà venu, à l’époque où César Auguste était empereur à Rome. Mais un jour, nous le savons puisqu’il l’a promis, il reviendra dans une indicible splendeur, pour établir dans sa plénitude son Royaume. Nous devons veiller et être prêts. En attendant, le temps qui sépare les deux venues de Jésus est celui de la mission chrétienne. Il nous a été ordonné d’aller jusqu’aux extrémités de la terre pour y porter l’Évangile, et nous avons la promesse que la fin du monde viendra seulement lorsque nous aurons accompli notre tâche. Les deux fins (de l’espace et du temps) doivent coïncider. Jusque là, jusqu’à la fin du monde, le Christ s’est engagé à être avec nous tous les jours.
La mission chrétienne est donc une tâche urgente. Nous ignorons combien de temps il nous reste. Il n’y a en tout cas pas de temps à perdre. Pour faire face à cette urgente responsabilité, diverses qualités nous seront nécessaires : l’unité (nous devons évangéliser ensemble) et l’esprit de sacrifice (nous devons évaluer le prix à payer et l’accepter). À Lausanne, nous nous sommes engagés à “prier, faire des projets et agir ensemble en vue de l’évangélisation du monde”. À Manille, notre Manifeste affirme que l’Église entière est appelée à porter l’Évangile entier au monde entier : avec le sens de l’urgence, dans l’esprit d’union et de sacrifice exigé, proclamer le Christ jusqu’à ce qu’il vienne.
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