Auteur : Bono, Chanteur de U2
Extraits des remarques faites lors du petit-déjeuner national de prière à la Maison Blanche, Washington DC – 3 février 2006
C’est bizarre d’avoir une rock star ici – mais peut-être que c’est encore plus bizarre pour moi que pour vous. Vous voyez, j’ai évité les gens religieux la plus grande partie de ma vie. Peut-être que cela vient de ce que j’avais un père protestant et une mère catholique dans un pays [l’Irlande] où la ligne de séparation entre les deux était assez littéralement une ligne de front. La frontière entre l’Église et l’État était… en fait un peu floue et difficile à voir.
Je me rappelle comment ma mère nous amenait à l’Église le dimanche… et mon père attendait dehors. Une des choses que j’en ai retiré, c’est le sens du fait que la religion se met souvent en travers de la route qui mène à Dieu.
Pour moi, en tout cas, cela s’est mis en travers de la route. De voir ce que des gens religieux, au nom de Dieu, faisaient à mon pays natal […]
Puis, en 1997, un couple de chrétiens britanniques est arrivé et a ruiné tout ça, mon attitude réprobatrice. Ils l’ont fait en décrivant le nouveau millénaire, l’an 2000, comme une année de jubilé, une occasion d’annuler la dette chronique des personnes les plus pauvres du monde. […]
« Jubilé » – pourquoi « jubilé » ?
Qu’est-ce que c’était que cette année du jubilé, cette année de la grâce de notre Seigneur ?
J’ai toujours lu les Écritures, même les trucs obscurs. C’était là dans le Lévitique (25.35)…
« Si ton frère devient pauvre », disent les Écritures, « et que les ressources lui manquent, tu le soutiendras… tu ne lui prêteras pas ton argent à intérêt, et tu ne lui prêteras pas ta nourriture à usure. »
Le jubilé est une idée si importante que Jésus a commencé son ministère avec cela. Jésus est un jeune homme, il a rencontré les rabbins, impressionné tout le monde, les gens parlent de lui. Les anciens disent que c’est quelqu’un d’intelligent ce Jésus, mais qu’il n’a pas encore fait grand-chose… Il n’a encore jamais parlé en public.
Quand il le fait, ses premiers mots viennent d’Ésaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi », dit-il « parce qu’il m’a donné l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. » Et Jésus proclame l’année de grâce du Seigneur, l’année du jubilé (Luc 4.18).
Ce dont il parlait vraiment, c’était une ère de grâce – et nous y sommes toujours.
Deux mille ans plus tard. La même pensée, la grâce, s’est incarnée dans un mouvement de toutes sortes de gens. Ce n’était pas un club ou un petit groupe de « saints ». Ces gens religieux étaient déterminés à sortir dans les rues, à salir leurs chaussures, à agiter leurs pancartes, à faire suivre leurs convictions par des actions… ce qui rendait difficile pour des gens comme moi de se tenir à distance. C’était incroyable. J’ai presque commencé à aimer ces gens d’Église.
Mais mon cynisme a trouvé un autre point d’accroche.
C’était […] un tout petit virus qui s’appelle le sida. Et la communauté religieuse a raté ça en grande partie. Ceux qui ne l’ont pas raté pouvaient seulement y voir une rétribution divine pour un mauvais comportement. Même pour les enfants… même [si ] le groupe de personnes infectées par le VIH qui augmentait le plus rapidement était celui de femmes mariées et fidèles.
Aha, les revoilà ! Je me suis dit que l’attitude de jugement était de retour !
Mais en vérité, je me trompais encore. L’Église était lente, mais l’Église s’est activée par rapport à cette lèpre de notre temps.
L’amour était en marche.
La compassion était en marche.
Dieu était en marche. […]
Mais voilà la mauvaise nouvelle. De la charité à la justice, la bonne nouvelle est encore à venir. Il y a beaucoup plus à faire. Il y a un gouffre gigantesque entre l’importance de l’urgence et l’importance de la réponse.
En finalement, ce n’est pas une question de charité n’est-ce pas ? C’est une question de justice.
Je répète : ce n’est pas une question de charité, c’est une question de justice.
Et c’est là le problème.
Parce que vous êtes bons pour la charité. Les Américains, comme les Irlandais, sont bons pour ça. Nous aimons donner et nous donnons beaucoup, même ceux qui ne peuvent pas se le permettre.
Mais la justice est une norme supérieure. L’Afrique ridiculise notre idée de justice ; elle rigole de notre idée d’égalité. Elle se moque de notre piété, elle doute de notre souci pour elle, elle remet en cause notre engagement.
6500 Africains meurent encore tous les jours de maladies que l’on peut éviter et traiter, par manque de ces médicaments que nous pouvons acheter dans n’importe quelle pharmacie. Ce n’est pas une question de charité, c’est une question de justice et d’égalité.
Parce qu’il n’est pas possible que nous regardions ce qui se passe en Afrique et que nous concluions – si nous sommes honnêtes – qu’au fond de nous de nous acceptons vraiment que les Africains sont nos égaux. Où que ce soit ailleurs dans le monde, nous n’accepterions pas cela. Regardez ce qui s’est passé en Asie du Sud Est avec le tsunami. 150 000 vies perdues à cause de « Mère nature », une expression inappropriée s’il en est. En Afrique, il y a 150 000 morts par mois. Un tsunami par mois. Et c’est une catastrophe complètement évitable.
C’est « embêtant », mais la justice et l’égalité vont ensemble. […]
Il y a déjà quelques années, j’ai rencontré un homme sage qui a changé ma vie. Je cherchais toujours la bénédiction du Seigneur de toutes sortes de manières, grandes et petites. Je disais, tu sais j’ai une nouvelle chanson, bénis-la. J’ai une famille, s’il te plaît bénis-la. J’ai cette idée folle…
Et cet homme sage a dit : stop.
Il a dit : arrête de demander à Dieu de bénir ce que tu fais.
Implique toi dans ce que Dieu fait – parce que c’est déjà béni.
Eh bien, comme je l’ai dit, Dieu est avec le pauvre. Voilà ce que je crois que Dieu fait.
Et c’est ce qu’il nous appelle à faire. […]
Source : Sojourners (www.sojo.net)
Laisser un commentaire