Nous vous proposons dans cette article de nous intéresser aux bergers dans la Bible. Mais pas à ceux qui nous viendraient à l’esprit en premier dans le temps de l’avent.
Le plaidoyer tel que le conçoit le Défi Michée est un appel adressé aux gouvernants à agir de manière juste. Cela dans la continuité de Michée 6.8 qui rappelle à tout homme que Dieu attend de lui qu’il pratique la justice. Se pose alors la question du rôle des gouvernants selon la Bible et de ce que signifie pour eux « pratiquer la justice ».
Nous avons déjà abordé différents angles de réponse à cette question à travers plusieurs articles publiés dans IDEA ou ailleurs. Nous avons choisi ce mois-ci de l’évoquer à travers la figure du berger, en particulier du mauvais berger, évoqué à plusieurs reprises par les prophètes (ex : Ésaïe 44:28 ; Jérémie 23.1-4 ; Zacharie 11 ; 13:7. Ézéchiel 34).
Qui sont ces bergers ? Très peu de doute à ce sujet. Ainsi que le dit la Bible Annotée à propos de Jérémie 23, le terme bergers (BA utilise le terme un peu désuet de pasteurs) « désigne ici uniquement les chefs politiques de la nation, non les sacrificateurs et les prophètes ; car Jérémie lui-même ne parle que plus tard de ces deux dernières classes de personnes (chapitre 23. 9-40). Chez les anciens, les bergers des peuples, ce sont toujours les rois. L’opposition du nouveau David aux mauvais bergers (v. 23) confirme ce sens restreint. »
En général, ces bergers sont présentés de manière négative, en contraste avec le bon berger, Dieu lui-même ou, selon les textes, un mystérieux David à venir (dont l’image se confond parfois avec Dieu lui-même).
Ces bergers sont bien sûr des rois d’Israël ou de Juda, et Dieu est en colère parce que c’est son peuple qui est maltraité ou négligé. Mais ces textes définissent le rôle d’un berger quel qu’il soit, juif ou païen et seule la colère de Dieu est peut-être différente s’il ne s’agit pas de son peuple.
Arrêtons-nous sur quelques versets. Ézéchiel 34.2-4 tout d’abord :
« Humain, parle en prophète sur les bergers d’Israël ! Parle en prophète et dis-leur, aux bergers : Ainsi parle le Seigneur DIEU : Quel malheur pour les bergers d’Israël, qui se repaissaient eux-mêmes ! Les bergers ne devraient-ils pas faire paître le troupeau ? Vous mangez la graisse, vous êtes vêtus avec la laine, vous avez sacrifié les bêtes grasses : vous ne faites pas paître le troupeau. Vous n’avez pas fait reprendre des forces aux bêtes qui étaient faibles, soigné celle qui était malade, pansé celle qui était blessée ; vous n’avez pas ramené celle qui s’égarait, cherché celle qui était perdue ; mais vous les avez dominées avec force et avec rudesse. »
Il y a dans ce texte ce que ces rois font et ne devraient pas faire et ce qu’ils ne font pas et devraient faire. Ce qu’ils font, c’est abuser du peuple et l’opprimer, ce qu’ils ne font pas, c’est se soucier du faible, lui faire reprendre des forces, soigner celui qui est malade, … La fin du texte peut faire référence à un rôle spirituel, ramener celle qui s’égare, chercher celle qui est perdue, c’est en tout cas ainsi que Jésus-Christ concevra son rôle de berger. Cela peut aussi faire référence, dans un sens moins fort, à un rôle moral (rattraper celui qui part moralement à la dérive). Mais pour le reste du texte, c’est clairement une responsabilité sociale qui est décrite.
Cette responsabilité est d’intervenir en faveur de ceux qui sont oppressés, en particulier le salarié, la veuve, l’orphelin et l’immigré (Mal 3.5) et de se soucier de leur santé physique.
Dans la suite du texte, Dieu, par la bouche d’Ézéchiel dénonce aussi les riches et les puissants, qui ont plus que suffisamment à manger et qui malgré tout exploitent les faibles : « Quant à vous, mon troupeau, ainsi parle le Seigneur DIEU : Je juge entre bête et bête, entre béliers et boucs. Ne vous suffit-il pas de paître dans le bon pâturage, que vous fouliez de vos pieds le reste de votre pâturage ? Ne vous suffit-il pas de boire une eau limpide, que vous troubliez le reste avec vos pieds ? Mon troupeau doit paître ce que vos pieds ont foulé et boire ce que vos pieds ont troublé ! À cause de cela, ainsi leur parle le Seigneur DIEU : C’est moi-même qui jugerai entre les bêtes grasses et les bêtes maigres. Parce que vous avez poussé avec le flanc et avec l’épaule, parce que vous avez frappé de vos cornes toutes les bêtes faibles, jusqu’à ce que vous les ayez dispersées au dehors, je sauverai mon troupeau, afin qu’il ne soit plus livré au pillage, et je jugerai entre bête et bête. » (Éz. 34.17-22)1
En Zacharie 11.16, dans un autre texte de condamnation, Dieu annonce qu’il va lui-même susciter un mauvais berger : « Car moi, je suscite dans le pays un berger qui ne s’occupera pas des bêtes qui disparaissent ; il n’ira pas à la recherche de celle qui s’égare, il ne guérira pas celle qui est blessée, il ne pourvoira pas aux besoins de celle qui est debout ; mais il dévorera la viande de celle qui est grasse et il leur arrachera les sabots. »
On y retrouve les mêmes idées : abuser des brebis et les opprimer, ne pas guérir celle qui est blessée et ne pas pourvoir aux besoins.
On est loin d’un ultra-libéralisme où les gouvernants doivent uniquement assurer militairement la paix à leurs concitoyens et ne pas règlementer l’économie et intervenir dans les échanges commerciaux. Et on peut penser que le président américain n’a pas entièrement tort de penser qu’il est de son mandat de permettre que celui qui est malade soit soigné.
Si tel est le rôle des gouvernants, et s’ils auront à rendre des comptes sur leur manière de ne pas se conformer à la volonté divine, se pose toujours la question : « comment en entendront-ils parler, s’il n’y a personne qui prêche ? » (Rom 10.14). Et au Défi Michée, nous restons persuadé qu’il est de notre rôle, à nous chrétiens, qui sommes au fait de ce mandat, de le rappeler sans relâche aux gouvernants pour leur bien à eux, qui devront un jour rendre des comptes, et pour le bien des plus petits, afin qu’ils puissent tout simplement vivre. Tout cela pour la gloire de Dieu qui veut d’abord et essentiellement qu’aucune de ses brebis ne se perde, mais qui se soucie aussi de ce qu’elles soient nourries et soignées ici-bas.
1 Le Nouveau Commentaire Biblique Emmaüs donne pour commentaire à ces versets : « Après s’être adressé aux rois, le prophète se tourne vers des chefs de moindre importance qui tyrannisent néanmoins leurs compatriotes. »
Laisser un commentaire