Recension du livre de Hélène Farelly, Coll. Question Suivante, GBU, Marne-la-Vallée, Farel, 2009, 61 pp.
Par Christophe Hahling, pasteur de la FEEBF à Orléans, président de l’ABEJ Fédération Nationale, président de la Cedef – la commission prison du Cnef – membre du comité de pilotage de Michée France et auteur du livre : Vie avec Dieu et justice sociale : Le prophète Amos et nous, Romanel-sur-Lausanne, Scripsi, 2013, 269 pp.
« L’économie est née avec la rareté. Séparés de Dieu par le péché, les hommes ont fait de leur avenir économique une lutte incessante contre la rareté. L’économie étudie comment ils s’organisent en société pour exploiter les ressources disponibles et vivre au mieux. Après avoir été produites, les richesses sont consommées. Mais la rareté implique un partage. Il faut répartir, et c’est justement cette question du partage qui est centrale en économie. » Voilà les premiers mots de l’introduction de ce livre paru il y a une dizaine d’années, modeste dans sa taille (une soixantaine de pages), mais dense et instructif dans son contenu, mettant en lumière la question de l’économie avec un regard chrétien.
Hélène Farelly, que j’ai connue adolescente lorsque, avec sa famille, elle fréquentait l’église dont j’étais le pasteur, est enseignante, agrégée d’Économie et Gestion. Diplômée de l’Institut d’Études politiques de Bordeaux et de la faculté de Sciences Économiques de Montpellier, elle a d’abord été conseillère en création d’entreprises et en montage de projets de développement en milieu rural, puis responsable d’un organisme de formation dans le domaine agricole. Elle nous livre dans cet ouvrage aussi bien le fruit de ses études en économie que de ses expériences concrètes sur le terrain dans sa vie professionnelle, étant maintenant professeur en université technologique.
L’introduction nous place dans le contexte : d’abord il est question de « l’homo oeconomicus » inventé par la théorie économique, puis du constat des besoins face à la rareté, puis des choix économiques que nous sommes immanquablement amenés à faire, et ce vis-à-vis des chiffres vertigineux de la pauvreté dans le monde, engendrant la souffrance qui découle de ces situations de détresse économique, pour enfin essayer de développer une position chrétienne pour participer à ce débat.
Le chapitre 1 traite de la propriété, un des fondements de l’économie. Deux systèmes économiques en lien avec la propriété ont été, ou sont pratiqués dans le monde : le capitalisme, et le communisme/collectivisme. Mais la Bible montre une autre voie, à explorer. Suit une description de la propriété dans l’Ancien Testament, versets bibliques à l’appui, avec en particulier une description du Jubilé (Lévitique 25), permettant une annulation de toutes les transactions et de toutes les dettes, tous les 50 ans. On repart à zéro, chaque famille revient à la situation qui était la sienne quand le partage équitable a été effectué. Certes, il ne semble pas, historiquement, que le jubilé ait été vraiment appliqué, mais, écrit H. Farelly, « ce système peut cependant nous amener à réfléchir sur la répartition équitable des ressources, que Dieu lui-même a créées. » Finalement, écrit-elle, « il semble que la propriété est une bonne chose voulue par Dieu quand elle permet de vivre de son travail, mais elle ne doit pas empêcher autrui de vivre dignement en accédant aux ressources confiées par Dieu à toute l’espèce humaine« . Suit un sous-chapitre intitulé Jésus et la propriété, versets bibliques à l’appui.
Le 2ème chapitre traite des « bases d’une éthique individuelle par rapport aux ressources« , en montrant l’importance du souvenir (de ce que Dieu a accompli), puis de l’attitude de « reconnaissance et gratitude » qui doivent en découler, tout en soulignant que le « détachement » est nécessaire vis-à-vis des biens que nous pouvons posséder. Il y a aussi « le piège de la fausse liberté économique » à éviter. Enfin, deux attitudes chrétiennes devraient être le corollaire de cela : « la générosité« , et aussi « l’espérance« .
Le chapitre 3 – intitulé « Justice et équité économiques selon la Bible » – vient montrer que, selon H. Farelly, « la justice et l’équité sont des clés proposées par Dieu pour encourager des relations économiques et sociales harmonieuses« . Elles « représentent au fond la forme que prend l’amour pour le prochain ». Prenant pour base l’exemple biblique des prémices de la récolte et des dîmes à réserver pour Dieu, il est donc affirmé que « le don de Dieu appelle le don à Dieu« , ce qui « permet d’installer Dieu à sa véritable place dans nos vies : la première ». Le repos (le sabbat) va dans le même sens : « permettre de rencontrer Dieu grâce au temps libéré ».
Suivent ensuite de nombreuses pages invitant le lecteur à « voir les démunis avec les yeux de Dieu », avec des citations des divers passages bibliques (de la Loi, des prophètes, du Nouveau Testament) parlant de la pauvreté et de l’intérêt et le secours que le Seigneur leur porte, incitant les chrétiens à emboîter son pas en leur faveur. En fin de compte, accomplir cela n’est rien de moins que « pratiquer la justice : le leitmotiv qui résonne dans toutes ces pages de la Bible est qu’une économie équitable est possible et souhaitée par le Seigneur« . Les responsabilités vis-à-vis du prochain sont donc importantes : dans l’établissement de justes « relations commerciales internationales« , dans la promotion du commerce équitable, par exemple.
Et H. Farelly de citer : « Une très jolie prière d’origine sud-américaine peut être prise en exemple par ceux qui souhaitent pour eux-mêmes et pour les autres une prise de responsabilité face à la misère : Ô Dieu, donne du pain à ceux qui ont faim. Et donne faim de justice à ceux qui ont du pain« .
La conclusion de ce petit ouvrage ô combien riche commence par cette question : « Le système économique mondial actuel, basé sur la propriété capitaliste et le libéralisme, est-il compatible avec le message de la Bible ? Cette dernière ne propose pas de système économique alternatif et généralisable à tous les siècles, à toutes les nations. Elle fait mieux. Elle propose aux hommes et aux femmes de toutes les époques d’accorder à Dieu la première place dans leur vie, loin devant toute velléité de possession, loin devant leur soif de richesses proche de l’idolâtrie. Rejetant deux excès que sont « la théologie de la prospérité » d’une part, et « la théologie de la libération » d’autre part, H. Farelly propose, citant C. Blomberg : « une économie touchée par la grâce de Dieu aurait plutôt les dimensions suivantes : un accès partagé aux ressources, une croissance économique acceptée mais avec des restrictions, et une distribution juste des fruits de la croissance sans oublier les plus faibles« . Et également : « Les approches anti-libérales, écologiques, coopératives et alter-mondialistes sont intéressantes car, chacune à leur façon, elles apportent des idées, mais permettent surtout, par rapport à l’économie de marché libérale, une prise de recul qui fait cruellement défaut à notre société « . Et, en fin de compte, dit-elle, « en arrière-plan de tout ce que la Bible exprime sur les relations économiques et sociales, il y a l’appel incessant à vivre une relation avec Dieu ».
Jean Félix dit
Bonjour à l’auteur de ce livre. Ce ouvrage est très intéressant. Il vient nous montrer qu’il existe un modèle d’économie biblique. Que nous chrétiens devons nous approprier pour faire un contre poids au modèle du monde. C’est un guerre des systèmes..
Leonard Kouassi Koffi dit
Je veux acheter ce livre, il me sera d’une grande utilité dans ma recherche