MOUVEMENT DE LAUSANNE
Le texte « Un engagement évangélique pour un style de vie simple » date de 1980. Nous pensons qu’il présente un intérêt tout particulier pour le premier objectif du Défi Michée qui est de renforcer l’engagement des chrétiens aux côtés des pauvres.
Pendant quatre jours nous avons été ensemble, 85 chrétiens de 27 pays différents, pour réfléchir à la résolution exprimée par la Déclaration de Lausanne (1974) de « vivre plus simplement ». Nous avons essayé d’écouter la voix de Dieu dans les pages de la Bible, dans les cris des pauvres affamés et dans ce que nous nous disions les uns aux autres. Et nous croyons que Dieu nous a parlé.
Nous rendons grâces à Dieu pour son grand salut par Jésus-Christ, pour sa révélation dans l’Écriture qui est une lumière sur notre sentier et pour la puissance du Saint Esprit qui fait de nous des témoins et des serviteurs dans le monde.
Nous sommes troublés par les injustices du monde, préoccupés par ses victimes et poussés à la repentance pour notre complicité dans ces choses. Nous avons aussi été incités à prendre de nouvelles résolutions que nous exprimons dans cet engagement.
1. La création
Nous adorons Dieu en tant que Créateur de toutes choses et nous célébrons la bonté de sa création. Dans sa générosité il nous a tout donné pour que nous en jouissions et nous recevons cela de ses mains dans une attitude d’humbles actions de grâces (1 Timothée 4.4 ; 6.17). La création de Dieu se caractérise par une grande abondance et une grande diversité et Dieu désire que ses ressources soient gérées et partagées de telle manière que tous en bénéficient. Par conséquent, nous dénonçons la destruction de l’environnement, le gaspillage et l’accumulation des richesses. Nous déplorons la misère des pauvres qui souffrent en conséquence de ces maux. Nous rejetons également la tristesse de l’ascétisme. En effet, tout cela remet en cause la bonté du Créateur et reflète la tragédie de la chute. Nous reconnaissons notre implication dans ces choses, et nous nous en repentons.
2. Gestion
Lorsque Dieu fit les humains, homme et femme, à sa propre image, il leur donna la domination sur la terre (Genèse 1.26-28). Il fit d’eux les gérants de ses ressources, et ils devinrent responsables envers lui, en tant que Créateur, envers la terre qu’ils devaient développer, et envers leur prochain avec lequel ils devaient partager les richesses de la terre. Ces vérités sont si fondamentales que l’accomplissement authentique de l’humanité dépend d’une juste relation avec Dieu, avec le prochain et avec la terre et toutes ses ressources. Par une gestion infidèle, dans laquelle nous échouons à conserver les ressources limitées de la terre, à les développer pleinement ou à les distribuer justement, nous désobéissons à Dieu et, en même temps, nous aliénons les gens de ce qu’il avait prévu pour eux. Par conséquent, nous sommes déterminés à honorer Dieu en tant que propriétaire de toutes choses, à nous souvenir que nous sommes gérants et non propriétaires de la terre ou des biens que nous pouvons avoir, à les utiliser au service des autres et à rechercher la justice pour les pauvres qui sont exploités et sans force pour se défendre eux-mêmes. Nous attendons avec impatience le « rétablissement de toutes choses » au retour du Christ (Actes 3.21). A ce moment-là, notre pleine humanité sera restaurée : nous devons donc promouvoir la dignité humaine aujourd’hui.
3. Pauvreté et richesse
Nous affirmons que la pauvreté involontaire est une offense à la bonté de Dieu. La Bible la relie à la faiblesse, car les pauvres ne peuvent pas se protéger eux-mêmes. L’appel que Dieu lance aux dirigeants est d’utiliser leur pouvoir pour défendre les pauvres et non pour les exploiter. L’Église doit se tenir avec Dieu et les pauvres contre l’injustice, souffrir avec eux et appeler les dirigeants à remplir le rôle que Dieu leur a fixé. Nous nous sommes efforcés d’ouvrir notre esprit et notre cœur aux paroles dérangeantes de Jésus sur le sujet de la richesse. « Gardez-vous de la cupidité » a-t-il dit, et « la vie d’une personne ne dépend pas de l’abondance de ses possessions » (Luc 12.15). Nous avons écouté ses avertissements sur les dangers des richesses. Car les richesses entraînent des soucis, la vanité et la fausse sécurité, l’oppression du pauvre et l’indifférence aux souffrances de celui qui est dans le besoin. Il est donc difficile pour un riche d’entrer dans le royaume des cieux (Matthieu 19.23) et les cupides en seront exclus. Le royaume est un don gratuit offert à tous, mais il s’agit tout spécialement d’une bonne nouvelle pour les pauvres, parce qu’ils bénéficient le plus des changements qu’il apporte. Nous croyons que Jésus appelle encore certaines personnes (peut-être nous ?) à le suivre dans un style de vie de pauvreté volontaire totale. Jésus appelle tous ses disciples à une liberté intérieure par rapport à la séduction des richesses (« car il est impossible de servir Dieu et l’argent ») et à une générosité sacrificielle (« être riche en œuvres bonnes, avoir de la générosité et être prêt à partager » 1 Timothée 6.18). En fait, la motivation et le modèle de la générosité chrétienne ne sont rien de moins que l’exemple de Jésus-Christ lui-même, qui, bien qu’il fût riche, s’est fait pauvre pour que par sa pauvreté nous soyons enrichis (2 Corinthiens 8.9). Il s’agissait d’un sacrifice de soi coûteux et délibéré ; nous avons l’intention de rechercher sa grâce pour le suivre. Nous prenons la résolution d’apprendre à connaître les personnes pauvres et opprimées, d’apprendre d’elles sur les problèmes de l’injustice, de chercher à soulager leur souffrance et de nous souvenir d’elles régulièrement dans nos prières.
4. La nouvelle communauté
Nous nous réjouissons de ce que l’Église soit la nouvelle communauté d’un âge nouveau, dont les membres jouissent d’un nouveau style de vie. L’Église chrétienne primitive, constituée à Jérusalem le jour de la Pentecôte, se caractérisait par une qualité de communion inconnue auparavant. Ces croyants remplis de l’Esprit s’aimaient les uns les autres à un tel point qu’ils vendaient et partageaient leurs possessions. Bien que leurs ventes et leurs dons aient été volontaires, et qu’une certaine propriété privée était préservée (Actes 5.4), elle était subordonnée aux besoins de la communauté. « Nul ne disait que ses biens lui appartenaient en propre » (Actes 4.32). Cela signifie qu’ils étaient libres de la revendication égoïste des droits de propriété. Le résultat de leurs relations économiques transformées était qu’« il n’y avait parmi eux aucun indigent » (Actes 4.34). Ce principe de partage généreux et sacrificiel, qui s’exprime dans le fait que nous nous mettions nous-mêmes et nos biens à la disposition de ceux qui sont dans le besoin, est une caractéristique essentielle de toute Église remplie de l’Esprit. Par conséquent, ceux d’entre nous qui vivent dans l’aisance, dans quelque région du monde que ce soit, sont déterminés à faire davantage pour soulager les besoins des croyants moins privilégiés. Autrement, nous ressemblerons à ces chrétiens riches de Corinthe qui mangeaient et buvaient trop tandis que leurs frères et sœurs pauvres avaient faim, et nous mériterons le reproche cinglant que Paul leur a adressé de mépriser l’Église de Dieu et de profaner le corps du Christ (1 Corinthiens 11.20-24). Nous sommes donc bien plutôt déterminés à leur ressembler à une étape ultérieure, quand Paul les a exhortés à ce que leur abondance produise des dons pour les chrétiens appauvris en Juda « afin qu’il y ait égalité » (2 Corinthiens 8.10-15). Il s’agissait d’une belle démonstration d’amour qui se préoccupe des besoins d’autrui et d’une solidarité entre Juifs et non Juifs en Christ. Dans ce même esprit, nous devons rechercher des moyens de régler les frais collectifs de l’Église avec le moins de dépenses possible en voyage, nourriture et logement. Nous appelons les Églises et les organisations para-ecclésiastiques à être profondément conscientes, dans leurs projets, de la nécessité de l’intégrité pour le style de vie et le témoignage collectifs. Le Christ nous appelle à être le sel et la lumière du monde, afin d’empêcher le dépérissement de sa société et pour illuminer ses ténèbres. Mais notre lumière doit briller et notre sel doit conserver sa saveur. C’est lorsque la nouvelle communauté est le plus clairement distincte du monde – de ses valeurs, de ses critères et de son style de vie – qu’elle confronte le monde à une possibilité différente radicalement attractive et exerce ainsi sa plus grande influence pour le Christ. Nous nous engageons à prier et à travailler pour le renouveau de nos Églises.
5. Style de vie personnel
Jésus notre Seigneur nous appelle avec force à la sainteté, à l’humilité, à la simplicité et au contentement. Il nous promet également son repos. Nous confessons cependant que nous avons souvent permis à des désirs impies de troubler notre tranquillité intérieure. Ainsi, sans le renouvellement constant de la paix du Christ dans notre cœur, notre accent sur la simplicité sera unilatéral. L’obéissance chrétienne exige de nous un style de vie simple, indépendamment des besoins des autres. Néanmoins, le fait que 800 millions de personnes soient indigentes et qu’environ 10 000 meurent de faim tous les jours [ndt : le texte date de 1980] fait que tout autre style de vie est indéfendable. Si certains d’entre nous ont été appelés à vivre avec les pauvres et d’autres à ouvrir leur foyer à ceux qui sont dans le besoin, c’est chacun d’entre nous qui est déterminé à développer un style de vie plus simple. Nous avons l’intention de réexaminer nos revenus et nos dépenses afin de vivre avec moins et de donner davantage. Nous n’imposons ni règles, ni règlements, que ce soit pour nous-mêmes ou pour les autres. Cependant, nous prenons la résolution de renoncer à la prodigalité et de nous opposer à l’extravagance dans notre mode de vie personnel, dans notre habillement ou notre logement, dans notre façon de voyager ou dans les locaux de nos Églises. Nous acceptons aussi de faire la différence entre ce qui est nécessaire et ce qui relève du luxe, les festivités et la routine habituelle, entre le service de Dieu et l’esclavage à l’égard de la mode. Où fixer la limite demande une pensée consciencieuse et que nous fassions des choix, avec les membres de notre famille. Ceux d’entre nous qui vivent en Occident ont besoin de l’aide de nos frères et sœurs du Tiers-Monde pour évaluer nos critères de dépenses. Ceux d’entre nous qui vivent dans le Tiers-Monde reconnaissent que nous sommes également exposés à la tentation de la convoitise. Ainsi nous avons besoin de compréhension, d’encouragement et de prières mutuels.
6. Développement international
Nous reprenons les paroles de la Déclaration de Lausanne : « Nous sommes tous choqués par la pauvreté de millions d’êtres et troublés par les injustices qui en sont la cause. » Un quart de la population du monde jouit d’une incomparable prospérité, tandis qu’un autre quart souffre d’une misère écrasante. Cette énorme disparité est une injustice intolérable ; nous refusons d’y consentir. L’appel en faveur d’un Nouvel Ordre Économique International trouve son expression dans la frustration justifiée du Tiers Monde. Nous sommes parvenus à comprendre plus clairement la connexion entre les ressources, le revenu et la consommation. Souvent, les gens meurent de faim parce qu’ils ne peuvent pas acheter de la nourriture et parce qu’ils n’ont aucun accès au pouvoir. Nous approuvons donc l’accent que des organisations chrétiennes font porter sur le développement plutôt que sur l’aide, parce que le transfert de personnel et d’une technologie appropriée peut rendre les gens capables de faire un bon usage de leurs propres ressources tout en respectant leur dignité. Nous prenons la résolution de contribuer plus généreusement à des projets de développement humain. Là où la vie des gens est en jeu, il ne devrait jamais y avoir pénurie de moyens financiers. Mais l’action des gouvernements est essentielle. Ceux d’entre nous qui vivent dans les nations riches ont honte de ce que nos gouvernements ont en général échoué à atteindre leurs cibles d’aide publique au développement, de préserver des réserves de nourriture d’urgence ou de libéraliser leur politique de commerce. Nous sommes parvenus à la conclusion que dans un grand nombre de cas les entreprises multinationales réduisent l’initiative locale dans les pays dans lesquels elles travaillent et ont tendance à s’opposer à tout changement fondamental dans le gouvernement. Nous sommes convaincus qu’elles devraient être davantage sujettes à contrôle et prêtes à rendre des comptes.
7. Justice et politique
Nous sommes également convaincus que Dieu a tellement horreur de la situation d’injustice sociale présente qu’une grande mesure de changement est nécessaire. Ce n’est pas que nous croyions en une utopie terrestre. Mais nous ne sommes pas non plus pessimistes. Le changement peut se produire, même si cela ne se fera pas simplement par un engagement à un style de vie simple ou en faveur de projets de développement humain. La pauvreté et la richesse excessive, le militarisme et l’industrie de l’armement, une distribution injuste du capital, de la terre et des ressources sont des questions qui ont trait au pouvoir et à la faiblesse. Sans un changement de pouvoir se produisant par des changements structurels, ces problèmes ne pourront pas être résolus. L’Église chrétienne avec le reste de la société est inévitablement impliquée dans le politique qui est « l’art de vivre en communauté ». Les serviteurs du Christ doivent exprimer sa seigneurie dans leurs engagements politiques, sociaux et économiques et leur amour pour leur prochain en participant au processus politique. Comment donc pouvons-nous contribuer au changement ? En premier lieu, nous prierons pour la paix et la justice comme Dieu nous le commande. Deuxièmement, nous chercherons à éduquer les chrétiens aux questions morales et politiques qui sont impliquées, à clarifier ainsi leur vision et à augmenter leurs attentes. Troisièmement, nous agirons. Certains chrétiens sont appelés à des tâches particulières dans les domaines du gouvernement, de l’économie ou du développement. Tous les chrétiens doivent participer au combat actif pour créer une société juste et responsable. Dans certaines situations, l’obéissance envers Dieu exige la résistance à un ordre établi injuste. Quatrièmement, nous devons être prêts à souffrir. En tant que disciples de Jésus, le Serviteur Souffrant, nous savons que le service implique toujours la souffrance. Si l’engagement personnel à changer notre style de vie sans action politique pour changer les systèmes d’injustice manque d’efficacité, l’action politique sans engagement personnel manque d’intégrité.
8. Évangélisation
Nous sommes profondément préoccupés par tous les millions de personnes qui n’ont pas entendu l’Évangile dans le monde. Rien de ce qui a été dit sur le style de vie ou l’injustice ne diminue l’urgence de développer des stratégies d’évangélisation appropriées aux différents environnements culturels. Nous ne devons pas cesser de proclamer le Christ comme Sauveur et Seigneur à travers le monde. L’Église ne prend pas encore sérieusement sa mission d’être témoin « jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1.8). L’appel à un style de vie responsable ne doit donc pas être séparé de l’appel à être des témoins responsables. Car la crédibilité de notre message est sérieusement entamée à chaque fois que nous le contredisons par notre vie. Il est impossible de proclamer honnêtement le salut du Christ, s’il est évident qu’il ne nous a pas sauvés de la cupidité, ou sa seigneurie si nous ne sommes pas de bons gérants de nos possessions, ou son amour si nous fermons notre cœur à ceux qui sont dans le besoin. Quand les chrétiens prennent soin les uns des autres et prennent soin des indigents, Jésus-Christ devient plus visiblement attrayant. En contraste avec cela, il est compréhensible que le style de vie opulent de certains évangélistes occidentaux quand ils visitent le Tiers-Monde en choque beaucoup. Nous croyons que si les chrétiens vivaient simplement cela libérerait souvent des ressources considérables de finances et de personnel pour l’évangélisation aussi bien que pour le développement. Ainsi, par notre engagement à un style de vie simple, nous nous réengageons de nouveau de tout notre cœur à l’évangélisation du monde.
9. Le retour du Seigneur
Les prophètes de l’Ancien Testament dénonçaient les idolâtries et les injustices du peuple de Dieu et les avertissaient de son jugement à venir. On trouve des dénonciations et des avertissements semblables dans le Nouveau Testament. Le Seigneur Jésus revient bientôt pour juger, sauver et régner. Son jugement s’abattra sur les cupides (qui sont des idolâtres) et sur tous les oppresseurs. Car en ce jour, le Roi s’assiéra sur son trône et séparera les sauvés des perdus. Ceux qui l’auront servi en servant l’un des plus petits de ses frères et sœurs dans le besoin seront sauvés, car la réalité de la foi qui sauve se manifeste dans l’amour qui sert. Mais ceux qui persistent dans l’indifférence aux difficultés de ceux qui sont dans le besoin, et donc au Christ en eux, seront irrémédiablement perdus (Matthieu 25.31-46). Chacun d’entre nous a besoin d’entendre de nouveau cet avertissement solennel de Jésus et de s’engager de nouveau à le servir dans ceux qui sont démunis. Par conséquent nous appelons les chrétiens partout dans le monde à faire ainsi.
Notre résolution
Ainsi donc, ayant été libérés par le sacrifice de notre Seigneur Jésus-Christ, en obéissance à son appel, par une compassion sincère pour les pauvres, dans le souci de l’évangélisation, du développement et de la justice, et dans une anticipation solennelle du Jour du Jugement, nous nous engageons humblement à développer un style de vie juste et simple, à nous soutenir les uns les autres dans cet engagement et à encourager les autres à nous rejoindre. Nous savons que nous aurons besoin de temps pour tirer les implications de cet engagement et que la tâche ne sera pas facile. Que le Dieu Tout-Puissant nous donne la grâce d’être fidèles !
Amen.
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