Auteur : Zrika Izquierdo
Combien de temps devons-nous passer avec quelqu’un pour pouvoir dire que nous le connaissons, que nous savons qui il est ?
Les Évangiles nous disent, qu’après avoir passé beaucoup de temps ensemble, Jésus a demandé à ses amis les plus proches quelle image les gens avaient de lui. Ses compagnons ont répondu sans hésiter. Ils ont dit à Jésus qu’il était considéré comme un prophète. Ils ont ajouté que les gens l’avaient identifié à des personnages réputés dans le peuple de Dieu, comme Elie, Jérémie et même Jean-Baptiste, récemment assassiné.
Mais, d’où ces Juifs tiraient-ils cette conviction ? Que voyaient-ils en Jésus pour l’identifier comme prophète ? Dans l’histoire du peuple de Dieu, il y a toujours eu des personnages qui, sans être officiellement prophètes, ont été identifiés comme tels dans la Parole de Dieu. Parmi eux figurent Moïse, le libérateur du peuple de Dieu, ou Déborah, la juge appelée dans la Bible « nabi ». (En hébreu, « nabi » signifie « bouche de Dieu », c’est-à-dire celui qui parle pour lui, son prophète.)
Pourtant, ce n’est qu’entre les VIIIe et VIe siècles avant Jésus-Christ que ce travail prophétique a atteint un apogée inattendu, au point que les royaumes du Nord et du Sud ont commencé à former leur propres « prophètes professionnels » auxquels furent accordés les privilèges de la cour où ils vivaient. Cependant, les prophètes considérés comme les plus populaires et aimés du peuple ont continué à être, mis à part le cas exceptionnel d’Ésaïe, ceux qui sont apparus de manière « non-officielle », c’est-à-dire : ceux qui, sans formation prophétique à la cour du roi, sont appelés par Dieu pour parler et dénoncer les situations d’injustice infligées aux Juifs les plus vulnérables. C’est au cours de cette période de presque deux siècles, qu’un à un se sont levés un nombre important de prophètes qui ont transmis sans relâche le message de Dieu en rapport avec ce qui se passait dans leur nation.
Au vu de ces faits, la question que nous nous posons est : quelles sont les situations qui ont suscité cette vague de prophètes ? Si les prophètes parlaient au nom de Dieu, s’ils étaient les porte-parole de Dieu, quel serait leur message de nos jours ? Le mouvement prophétique a été à l’origine de deux siècles de dénonciations, de défis et de confrontations au sein de menaces constantes d’invasions, du déclenchement de la guerre, de la destruction de la nation et de la soumission aux empires envahisseurs, accompagnée d’impôts insupportables, comme cela se produit encore aujourd’hui chez les peuples les plus pauvres. La souffrance du peuple était donc également celle du prophète et cet appel irrésistible les a amenés à élever la voix au nom de Dieu, à annoncer le message de Jéhovah au sein de toutes sortes de situations de péché. Le prophète agit ainsi comme partie prenante de cette communauté : il est l’un d’eux. Il est quelqu’un de l’intérieur.
Esteban Voth, qui a fait partie de l’équipe de rédaction de la NIV, version anglaise de la Bible, dit qu’il existe six signes auxquels on reconnaît un prophète :
- Le prophète connaît la situation réelle dans son ensemble et celle de son peuple en particulier : il parcourt les rues de Jérusalem, il n’en est pas absent, il ne s’isole pas.
- Le prophète est un homme ou une femme de Dieu : il s’engage, il participe à une Parole irrésistible.
- Le prophète, en tant qu’homme ou femme de Dieu, « ressent profondément » : il ressent profondément la désobéissance au pacte d’amour envers les souffrants, pacte qui détermine la relation de Dieu avec son peuple.
- Le prophète est une personne qui abat de vieux mondes et en crée de nouveaux. Ce n’est que par le moyen de la Parole qu’une réalité se construit. Il est certain qu’il y a encore une espérance.
- Le prophète est quelqu’un qui interpelle avec intensité :
– par son appel
– les rois
– ses collègues prophètes professionnels
– sa famille. - Le prophète incarne le modèle de serviteur de Jésus-Christ : il n’entre pas dans une lutte de pouvoir.
Le peuple juif a reconnu que le message prophétique de ces deux siècles était la Parole de Dieu, et par conséquent une Parole importante pour les générations à venir. C’est la raison de la place importante occupée par la littérature prophétique contenue dans notre Bible. Elle nous invite encore aujourd’hui à la réflexion et à l’action, en prenant connaissance de la vie, de l’œuvre, du ministère et du message de ces personnes appelées par Dieu.
L’un de ces prophètes, né et élevé à Morésheth, région méridionale d’Israël, était un paysan. Il n’était qu’un simple habitant ayant vu sa vie durement affectée après la destruction définitive de Samarie, la défaite complète du Royaume du Nord par l’empire d’Assyrie, l’imposition d’impôts scandaleux au Royaume de Juda et l’installation des dieux assyriens dans le temple du Seigneur. Au cœur de cette situation d’oppression, ce paysan ÉLÈVE LA VOIX. Son nom est Michée, ce qui signifie « qui est comme Jéhovah ». Sa vie et ses dires ont été consignés pour maintenir sa mémoire vivante jusqu’à nos jours. Son ministère prophétique s’est déroulé dans le Sud, à la même époque que celui d’Ésaïe, pendant les règnes de Jotam, Achaz et Ézéchias. Michée était un paysan et sa prédication, à l’instar de celle d’Amos, son collègue du Nord, est simple, directe et véhémente.
Outre Michée, d’autres prophètes apparaissent dans le Royaume du Sud. On relève deux grandes tendances dans les messages prophétiques : un point de vue sous l’angle de la campagne et un point de vue sous celui de la capitale. Les deux visions nous aident à comprendre la complexité de la foi face à une même situation. Les messages des prophètes sont différents. Ils le sont parce que chacun possède son propre mode de communication, dépendant de sa condition particulière, de son mode de vie et de son groupe social. Cependant, il vaut la peine de noter que les livres prophétiques contenus dans la Bible nous permettent de prendre en compte toutes ces visions prophétiques concernant une même situation d’injustice et, par-dessus tout, ce que Dieu propose pour changer cette situation.
Cela signifie par conséquent que, où que nous nous trouvions, Dieu aura toujours un message pour chacun et le prophète est celui qui est responsable de le transmettre. Michée est donc un prophète de la campagne et Dieu l’appelle, à partir de la compréhension qu’il a de sa situation, à parler à son peuple pour qu’il puisse devenir son nabi. Le prophète démasque sans broncher les graves péchés commis dans le Royaume du Sud : le pillage des terres des paysans, les gouvernants qui ne cherchent pas la justice pour les pauvres et l’hypocrisie des autorités qui se targuent d’être religieuses tout en maltraitant et en volant le peuple.
Le Seigneur appelle Michée à être son nabi, parce qu’en tant que paysan, il souffre dans sa propre chair la situation d’injustice que Dieu veut dénoncer. C’est pour cela que nul autre que lui, un simple paysan, n’a la capacité de s’indigner profondément de ce qui arrive…
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