Auteur : Erika Izquierdo, Pérou- Pentecôte 2007
50 jours se sont écoulés depuis la célébration de la Pâque. Le printemps éclate à Jérusalem et les personnes venues du monde entier se déversent sur la Terre Sainte… pour célébrer ! Elles marchent dans les pas de leurs ancêtres, les Hébreux, dont le trajet hors d’Égypte a eu lieu au milieu du douzième siècle avant Jésus-Christ.
Cet immense pèlerinage est dû à l’une des trois plus importantes célébrations de la nation. Les Juifs l’appellent SHAVOUT, bien qu’elle soit depuis connue dans le monde entier comme la Pentecôte.
Pour les Juifs, les traditions cérémonielles sont toujours une occasion pour encourager le peuple à se conduire d’une façon morale. Depuis la nuit des temps, les différentes cultures ont toutes élaboré des moyens différents de se rassembler pour célébrer. Imaginons la réaction des Hébreux, d’anciens esclaves, quand ils ont vu les habitants de Canaan célébrer leur moisson à la fin de la saison des pluies, et quand ils ont enfin pris possession eux-mêmes du pays que Yahvé leur avait promis.
Il est important de garder à l’esprit que Dieu avait établi les fêtes en harmonie avec le cycle de l’agriculture dans le Pays Promis : la Pâque pour marquer leur libération et la culture de la terre, la fête des Tabernacles pendant la saison de la récolte d’automne et la Pentecôte qui célèbre dans la joie les premiers fruits de la récolte. Les Juifs considèrent donc la saison de la récolte dans la Terre Promise comme la preuve de la bénédiction de Jéhovah. C’est pour cette raison qu’elle doit être célébrée.
On a beaucoup écrit sur la signification de la bénédiction, mais on a, en général, tendance à en oublier la signification plus large sur le plan social. Bénir, c’est sauver et fortifier, non la célébration elle-même, mais l’être humain qui, par cette célébration, atteste de son droit à posséder le pays, à le cultiver, à jouir de ses fruits et à vivre dignement de ce qu’il produit.
Le peuple hébreu célébrait ses fêtes agricoles d’une manière radicalement différente de celle des peuples des contrées alentour. Premièrement, les célébrations reposent sur la loi de Moïse, qui donne des instructions sur la propriété terrienne et sur la façon de la distribuer et de la préserver pour les générations futures. Ces lois qui gouvernent la « coexistence civile » sont également des lois religieuses pour le peuple juif. Les Hébreux comprenaient que la terre était l’héritage qu’ils avaient reçu de Dieu et qui devrait être transmis aux générations futures, un héritage qui n’appartient pas à des individus, mais plutôt à des familles et à des groupes ethniques. Si nous gardons ceci dans notre pensée et dans notre cœur quand nous lisons la Bible, nous sommes capables d’apprécier la façon dont la fête de la Pentecôte prend tout son sens et répond aux cris du peuple de Dieu tout au long de leur histoire.
En mai, le troisième mois du calendrier juif, les moissons de céréales ont atteint leur maturité en Palestine et le but de SHAVOUT est de sanctifier et d’honorer la moisson. C’est pour cette raison que, dans les plus anciens textes bibliques, la Pentecôte est connue comme la fête de la moisson (Exode 23.16 ; 34.22).
Après la chute du royaume du nord et l’invasion du royaume du sud, la fête de la moisson continue en exil, mais avec un sentiment de lassitude et d’ardent désir. Des milliers de Juifs sont prisonniers de guerre et déportés à Babylone pour que le vorace empire chaldéen puisse les exporter comme main d’œuvre gratuite. Même s’il est vrai que certains jouissent de quelques privilèges pendant leur séjour chez les Chaldéens, la grande majorité doit se soumettre à la domination sociale, politique et économique qui a été révélée depuis dans les chroniques historiques de Mésopotamie. Cette nouvelle situation politique intensifie la signification et l’importance de la Pentecôte pendant l’exil du peuple de Dieu. En effet, la terre qu’ils travaillent ne leur appartient plus, et ils sont victimes de maltraitance pendant leur dur labeur sur une terre étrangère. La Pentecôte sera désormais célébrée pour commémorer ce temps et proclamer l’espérance que leur terre leur sera bientôt rendue.
La Bible nous raconte que 70 ans après avoir été détruite par Babylone, de nombreux exilés, suite à un décret de Cyrus, reviennent en Palestine et la société juive commence à grandir et à s’organiser à nouveau sur la terre promise. Le peuple restaure ses traditions de culte et les habitants ont maintenant l’obligation de faire le pèlerinage jusqu’à Jérusalem pour participer aux trois fêtes établies par Jéhovah. Puisque tout le monde est censé se rendre à chaque fête, le nombre de semaines qui séparent deux célébrations est précisé. Ce décompte des semaines donnera à la Pentecôte un nouveau nom ; dès lors elle est aussi appelée Fête des Semaines.
Cependant, chaque tribu juive interprète le Deutéronome à sa manière et les différentes tribus ne parviennent pas à s’accorder sur la date où la Pentecôte devrait être fêtée. Les discussions pour tenter de parvenir à un consensus ont lieu principalement dans la période inter-testamentaire et on peut trouver les raisons particulières avancées par chacune des tribus dans la tradition rabbinique de l’époque. Néanmoins, tous les arguments qui sont mis en avant s’accordent sur un fait religieux et historique très important : les Dix Commandements donnés par Dieu sur le mont Sinaï ont été proclamés publiquement pendant les célébrations de la Pentecôte.
Par conséquent, au début de notre ère, la célébration de la Pentecôte repose aussi sur le fait historique de l’Exode : la cérémonie pour la proclamation de la loi de Moïse, qui devient la fête de l’alliance et des périodes suivantes où l’alliance a été renouvelée.
Comme la Pâque et la fête des Tabernacles, la célébration de la Pentecôte est, pour les Juifs, la commémoration de l’événement fondateur de l’histoire de leur nation : l’Exode. Dieu délivre le peuple hébreu de l’asservissement et de l’esclavage en Égypte et le guide vers une terre où il pourra jouïr de la plénitude de vie grâce à sa liberté nouvellement acquise. Ainsi, dans la célébration de la Pentecôte établie par Jéhovah, de nouveaux signes émergent, des signes qui pointent vers la vie nouvelle et l’identité nouvelle du peuple de Dieu.
La Pâque célèbre l’acte de délivrance et la Pentecôte nous rappelle que Dieu a offert à tous les humains une nouvelle façon de vivre avec dignité grâce au don de la délivrance qu’il nous a fait.
Malheureusement, pour de nombreux croyants de l’époque actuelle, Dieu reste un mystère. Une fois, quelques 500 ans avant le début de notre ère, un de ses prophètes, Michée, s’est exprimé d’une voix forte et a donné une explication directe et concise de ce mystère. Un fermier, dont la terre avait été saisie, a posé la question que nous nous sommes tous posée à un moment ou un autre de notre vie : Qu’est-ce que le Seigneur attend de moi ?
La réponse de Michée est profonde et elle fait écho aux paroles que Dieu a adressées à Moïse sur le mont Sinaï : Pratique la justice, aime la miséricorde et marche humblement avec ton Dieu ! Sans cela, il est impossible de goûter à la liberté de la loi. C’était la véritable signification de la loi, que la fête des Semaines devait transmettre aux générations futures.
C’est pour cela, qu’au premier siècle, l’année où Jésus est mort pendant la Pâque, les Juifs de la diaspora qui s’étaient rassemblés à Jérusalem pour célébrer la Pentecôte, ont immédiatement fait le lien entre la vision des langues de feu du baptême de l’Esprit Saint et ce même feu sur le mont Sinaï quand Dieu était avec Moïse pour lui donner la Loi. Pour ces Juifs, recevoir l’Esprit Saint était une confirmation de l’alliance que Dieu avait conclue avec son peuple, une fois pour toutes. L’histoire de la Pentecôte qui est rapportée dans les Actes des Apôtres nous enseigne que nous ne sommes pas seuls dans notre quête pour honorer notre alliance avec Dieu : l’Esprit Saint est avec nous.
Dieu nous a réellement délivrés et il a conclu avec nous une alliance pour que nous puissions jouir de la vie avec dignité, et nous portons cette vérité avec nous jusqu’aux extrémités de la terre.
Dans un monde où la violence est emballée et vendue comme une marchandise, où la seule chose qui semble croître et se développer est la cruauté criante de la pauvreté, la Pentecôte nous appelle à honorer l’alliance que nous avons avec Dieu dans chaque aspect de notre vie. C’est l’Esprit Saint qui, avec sa passion et sa puissance, remplit maintenant notre cœur de la conviction qu’une foi transformatrice nous rend capables de vivre la vérité de son royaume de justice et de le répandre généreusement, de toute notre force, dans le monde entier.
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