Auteur : Dewi Hughes
La notion de commerce équitable commence a être connue des français, surtout parmi les personnes aisées. Si l’on regarde le contenu des chariots qui sortent de nos grandes surfaces, Auchan, Leclerc, Carrefour etc. on constate que le nombre de produits issus du commerce équitable reste faible. Il y en a quelques-uns et ils nous montrent qu’un lien existe entre commerce et morale. Mais il faut aussi souligner qu’un lien existe entre commerce et christianisme, c’est ce que veut montrer cette étude.
1. INTRODUCTION
Comme chrétiens, nous savons que Jésus-Christ le Sauveur a son mot à dire dans tous les domaines de notre vie et ceci pour notre bien. Si Dieu n’intervenait pas dans nos existences, celles-ci seraient gâchées en particulier dans nos relations avec Dieu, avec nos semblables, avec nous-mêmes et avec notre environnement. Dieu nous invite à déposer le fardeau de notre péché afin de nous en débarrasser. Ensuite, il nous invite à nous charger de son joug ; ce qui signifie que nous acceptons son autorité dans tous les aspects de notre vie. Il nous conduit par sa Parole qui nous donne la paix. Nos relations perturbées se transforment en une vie juste qui nous permet de goûter à une vie d’abondance. (Mt 11.28-30 ; Jn 10.10).
Si comme chrétiens, toute notre vie est sous l’autorité de Jésus-Christ, alors la manière dont nous faisons notre marché ne lui est pas indifférente. Lorsque nous faisons nos courses, nous participons à une activité commerciale. Si les mécanismes commerciaux sont devenus impersonnels, cependant par chaque achat j’approuve en quelque sorte le travail accompli par d’autres.
Nous exerçons une influence sur d’autres personnes lors de chacun de nos achats. La mondialisation fait que cette influence s’exerce sur des personnes qui vivent à des milliers de kilomètres de distance.
Jésus nous demande d’aimer notre prochain comme nous-mêmes, le prochain est celui avec lequel j’entre en contact. Aussi, lorsque je fais mes courses, l’exigence d’amour doit aussi s’exercer. La production, la commercialisation, les achats doivent tenir compte de l’ordre de Jésus qui nous demande d’aimer notre prochain comme nous-mêmes. Il faut donc se poser la question suivante : “Comment montrer cet amour dans le domaine du commerce ?”
Dans l’Évangile, Jésus a dit que l’Ancien Testament nous montre les règles de la vie (cf. sermon sur la montagne Mt 5.17-19). Jésus n’a pas été indifférent envers l’A.T. Il l’a accompli et nous devons le comprendre et les vivre à sa lumière. Si nous voulons être appelés grands dans le royaume des cieux, il nous faut prendre l’A.T. au sérieux en particulier dans le domaine du commerce.
2. PRINCIPES GÉNÉRAUX DE L’ANCIEN TESTAMENT
Au commencement, Dieu crée la terre et toutes ses ressources que l’homme devra diriger et surveiller, ceci pour la gloire de Dieu et le bien des hommes. Mais Adam et Ève rejettent l’autorité divine et brisent la relation avec Dieu (Gn 3.8 ; 23.4) les relations humaines (Gn 3.12) et avec la terre (Gn 3.17).
Et au temps de Noé, la terre est corrompue et pleine de violence (Gn 6.11). La destruction de la relation avec Dieu a eu comme conséquence la destruction de la communauté des hommes par la violence et la corruption.
Suite au terrible jugement du déluge, Dieu commence une œuvre de reconstruction en appelant Abraham et en lui promettant une innombrable descendance qui allait être en bénédiction pour tous les peuples de la terre. 450 ans plus tard cette descendance devient nombreuse en Égypte. Devenus esclaves du pharaon, Dieu va sauver son peuple et lui donner une loi et une terre. Ce peuple devait montrer à toutes les nations ce qu’est une communauté humaine soumise à Dieu. Chacun possédait un lopin de terre et tous allaient montrer comment on vit en harmonie avec la volonté divine. Mais avec le temps, ce peuple abandonna son Dieu et perdit son pays et du coup ne put plus refléter ce qu’est une communauté qui vit sous le regard de Dieu.
Aussi, lorsque les temps furent accomplis, Dieu lui-même s’incarne sur cette terre en Jésus le véritable israélite. Il s’offre lui-même en sacrifice sur la croix et meurt pour le péché, il ressuscite et prouve sa victoire sur le péché et sur la mort. Le Saint-Esprit est répandu sur les disciples qui inaugurent la mission qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Un nouveau peuple de Dieu se forme dans toutes les nations de la terre.
Cette humanité nouvelle n’a pas reçu de terre en partage, mais chacun a son “petit lopin de terre” c’est-à-dire des moyens qu’il peut utiliser pour montrer au monde ce qu’est une communauté qui se soumet à Dieu. Aussi, en tant que chrétiens, devons-nous prendre au sérieux ce que la Bible nous dit à propos du commerce.
3. PRINCIPES SPÉCIFIQUES DU COMMERCE.
Après avoir sauvé Israël de l’esclavage en Égypte, Dieu entre en relation avec son peuple, il régit toute leur vie par sa loi. Et ceux qui ont mis leur confiance en Jésus-Christ pour leur salut se soumettent aussi à cette loi. Ils sont rendus capables d’y obéir par son Esprit. Certaines de ses lois ont un rapport direct avec le commerce, elles doivent guider le chrétien.
Le commerce peut être défini comme une activité de production, de “marketing” de biens et de services qui vont apporter au producteur et au consommateur un bienfait.
Cette activité est une conséquence de l’application de l’ordre créationnel de multiplier, de peupler et de gérer la terre. Créer de la richesse n’est donc pas un mal en soi. Pour le chrétien, ce qui importe, ce sont les principes qui vont régler les activités commerciales ainsi que ce que l’on fait des richesses qui découlent de cette activité.
Le commerce peut se diviser en trois domaines principaux. La production, la commercialisation et les conséquences sur l’environnement. On utilise souvent le terme de “marketing” pour décrire l’ensemble des processus économiques, la liberté des marchés qui domine l’économie mondiale, la libre circulation des capitaux nécessaires à la production, et la libre circulation
des marchandises et des services. Ici nous limitons le terme de “marketing” au processus de la publicité et de la vente.
3.1 PRODUCTION
Les économistes pensent que pour produire, il faut un terrain, un travail et un capital.
3.1.1 LE TERRAIN
Le terrain est un espace physique nécessaire pour produire. Cela peut aller du champ de maïs à l’usine en passant par l’appartement d’un artisan local.
La recommandation que Dieu adressait aux hommes par le biais de nos premiers parents de dominer la terre, de la travailler, d’en prendre soin (Gn 1.28 ; 2.15) d’une part, et la manière dont Dieu répartit la terre entre les tribus d’Israël d’autre part, montre que Dieu est l’ultime propriétaire de la terre et qu’il veut qu’elle soit équitablement répartie (Dt 31.7 ; Jos 18, 19). Cette répartition équitable de la terre est fortement soulignée dans la loi du jubilé (Lv 25). Tous les 50 ans, le partage de la terre se refaisait. pour beaucoup aujourd’hui, avoir accès à la terre est primordial et nombreux sont ceux qui travaillent la terre mais ne sont pas propriétaires. Il est injuste que beaucoup ne puissent pas obtenir de terre pour produire de quoi subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Ce sort est réservé aux pauvres. Il faut donc s’employer à obtenir des terres pour les pauvres afin qu’ils puissent produire.
3.1.2 LE TRAVAIL
Le travail accompli par l’homme est la seconde composante de la production.
Il n’est pas, comme certains le pensent, la conséquence de la chute. Accomplir un travail productif appartient à l’être de l’homme (Gn 2.15). Certes, la chute a rendu le travail plus pénible (Gn 3.17-19). Il faut produire et certains sont pauvres tout simplement parce qu’ils ne sont pas prêts à travailler (Pr 10.4 ; 26.13-15).
Cependant beaucoup de pauvres aujourd’hui le sont parce qu’ils sont mal payés ou n’ont tout simplement pas de travail pour subvenir à leurs besoins. Ce que disait le fondateur de l’armée du salut à la fin du XIXe siècle est encore vrai aujourd’hui – l’ordre : “Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front” ne peut pas s’appliquer à beaucoup de nos contemporains descendants du 1er Adam, parce qu’ils ne trouvent pas de travail et ne peuvent donc obtenir du pain pour manger.
Si nous souhaitons que des chômeurs ou des vagabonds deviennent des descendants du second Adam, Jésus-Christ, nous devons aussi voir comment nous pouvons contribuer à ce qu’ils redeviennent des descendants du 1er Adam, c’est-à-dire qu’ils puissent travailler et produire.
Tout travail mérite salaire, le travail doit permettre à l’homme de vivre décemment. ce principe repose sur une loi de la vie pastorale. Lorsque le bœuf travaille, il doit pouvoir se nourrir. “Tu n’emmuselleras pas le bœuf quand il foule le blé ”(Dt 25.4). Dans le N.T., Jésus souligne que lorsque les disciples sont en mission, le gîte et le couvert doivent leur être assurés (Lc 10.7) et Paul souligne aussi cette exigence en affirmant que ceux qui annoncent l’Évangile doivent vivre de l’Évangile ; ils doivent être soutenus par les Églises (1 Co 9.7-12 ; 1 Tm 5.18).
Le paiement du travail pour ceux qui vivent au jour le jour doit se faire sans délai. (Dt 24.14-15 ; Lv 19.13 ; Jc 5.1-6).
Les prophètes font des reproches aux riches qui exploitent leurs ouvriers et profitent de leur travail sans les payer (Es 58.3 ; Jr 22.13-17). Jérémie montre que les riches de son temps se construisent de splendides maisons, mangent à profusion tout en exploitant leurs ouvriers et en pratiquant l’aumône avec leur surplus.
Une autre règle peut être tirée du texte de Dt 22.8. Lorsque quelqu’un construisait un accès au toit de sa maison, il était tenu de construire aussi un parapet afin d’éviter toute chute. Si quelqu’un tombait faute de barrière, le propriétaire était tenu pour responsable de l’accident. Ce principe s’applique encore : Lorsque l’ouvrier travaille, son employeur doit veiller à le protéger de tout accident.
3.1.3 LE CAPITAL
C’est ce que l’on possède. Il est constitué de tout ce que l’on a et qui est nécessaire si l’on veut produire à l’exception du foncier. Le capital “argent” sera donc utilisé pour produire en espérant que les rentrées seront supérieures aux investissements initiaux. En occident, l’on fait généralement appel aux banques pour investir. Au temps de l’Ancien Testament cette pratique était inconnue.
Ceci n’empêche que les principes mis en évidence par la loi s’appliquent à notre situation. Les excédents de la production devaient être laissés aux pauvres pour qu’ils puissent sortir de la spirale descendante de la misère. Il était aussi interdit d’appliquer un intérêt aux prêts consentis aux pauvres (Ex 22.25-26 ; Lv 25.35-37 ; Ne 5.1-13).
En Israël, les riches devaient utiliser leur surplus pour soutenir avec générosité les pauvres (Dt 15.7-11). Aujourd’hui la pratique des prêts accordés aux micro-entreprises montre que les pauvres peuvent en retirer de grands bienfaits.
3.2 MARKETING
Le prophète Amos condamnait cinq pratiques commerciales de son temps (Am 8.5-6).
1. Le commerce était devenu un but en soi pour les riches. Ils disaient : “Quand la nouvelle lune sera-t-elle passée que nous vendions notre blé ? Quand le sabbat sera-t-il passé que nous ouvrions nos magasins à grains ?” (v.5a). Ces riches célébraient le culte pendant les fêtes et les sabbats mais leur seule pensée était de faire de l’argent. Beaucoup de français passent de plus
en plus de temps dans les magasins à acheter sans se rendre compte qu’ils sont orientés et canalisés par la recherche à tout prix des actionnaires des grandes sociétés qui ne tiennent aucun compte des exigences divines.
2. Au v.5b, Amos condamne l’usage des fausses mesures et des faux poids destinés à tromper les clients. La loi de l’A.T. exigeait qu’on utilise au marché des poids et des mesures justes (Lv 19.35-36 ; Pr 11.1 ; 16.11 ; 20.10,23 ; Os 12.7-8 ; Mi 6.11).
3. Des prix étaient gonflés de manière artificielle. Certes il n’est pas toujours facile de fixer un prix de vente mais avoir comme seul but d’acheter au plus bas prix pour revendre au prix le plus élevé possible était une pratique contraire à la volonté divine. Ceci avait des conséquences dramatiques pour les pauvres qui étaient exploités en obtenant que de maigres salaires. Du producteur au consommateur en passant par l’intermédiaire, chacun doit pouvoir tirer des transactions un profit raisonnable.
4. Amos reproche aussi l’exploitation des pauvres : “achetant les pauvres avec de l’argent et les indigents pour une paire de sandales” (6c). Ici les pauvres étaient considérés comme de simples marchandises ; ils n’ont même pas le statut d’être humain. Le pauvre endetté était vendu comme esclave pour le prix d’une paire de sandales. Tout marché qui traite les hommes comme des marchandises est un mauvais marché.
5. Pour les pauvres, la qualité n’avait pas d’importance “la farine est vendue avec le son”. Alors que pour Dieu, le descriptif de l’étiquette doit correspondre au contenu. Dénigrer ce que l’on achète afin d’obtenir un meilleur prix ou prétendre qu’un produit est de qualité supérieure pour gagner davantage sont l’une et l’autre des comportements condamnables (Pr 20.14).
De même le Seigneur condamne ceux qui accumulent les propriétés. Au temps des rois la tendance à réunir les terres et à les répartir entre quelques riches se fait jour (Es 5.8 ; Mi 2.2 ; Ha 2.6-10 ). Cette tendance conduit à la paupérisation d’un grand nombre. La disparition de la pratique du jubilé conduisit au désespoir tous ceux qui étaient dépossédés de leurs terres. Ce reproche peut s’adresser aujourd’hui à ceux qui concentrent le pouvoir commercial entre quelques uns. D’ailleurs cette propension de l’homme à vouloir maîtriser la totalité du commerce est un des fruits principaux du péché.
3.3 IMPACT SUR LA CRÉATION. L’ENVIRONNEMENT.
Dans l’ordre de Dieu au commencement figure le respect de la création “Travailler et prendre soin de la terre” tel est le mandat donné à l’homme (Gn 2.15). L’homme devient responsable. Celle-ci est explicitée au travers de plusieurs commandements “Si tu trouves en chemin un nid d’oiseau sur un arbre ou à terre, un nid avec une mère couvant des œufs, tu ne prendras pas la mère avec sa couvée ; laisse s’envoler la mère et tu prendras la couvée” (Dt 22.6,7). L’homme peut et doit se nourrir, mais ce faisant il ne doit pas oublier le lendemain.
“Lorsque vous attaquerez une ville et que vous serez obligés de prolonger le siège afin de pouvoir vous en emparer, vous ne porterez pas la hache sur les arbres fruitiers des alentours ; vous pourrez en manger les fruits mais vous ne les abattrez pas” (Dt 20.19,20). On retrouve ici le même principe. Même en temps de guerre, la nature doit être respectée.
4. CONCLUSION
Vouloir être chrétien dans un monde régit par le commerce est un véritable défi. Beaucoup de leçons doivent être apprises et nos mentalités doivent changer. Soutenir les initiatives qui favorisent la pratique d’un commerce équitable doit obtenir notre adhésion. Cette préoccupation doit se poursuivre et le chemin qui reste à parcourir est long et parsemé d’embûches.
Tout ne réussit pas, mais ceci ne doit pas nous décourager. Nous courrons vers le but afin de gagner le prix auquel Dieu nous appelle du haut du ciel dans l’union avec Jésus-Christ (Ph 3.14).
Traduction et adaptation par Artisanat SEL d’un article de Dewi Hughes, conseiller théologique de Tearfund UK
Ce texte a été rédigé pour monter dans quelle perspective TEAR CRAFT U.K. veut travailler. ARTISANAT-SEL agit en France selon les mêmes principes depuis plus de 20 ans.
Kouté dit
En gros le commerce n’est pas un péché.
Djimingué Serge dit
Merci infiniment pour eclairessisment sur le commerce chrétienne