Deuxième article (2/5) de la série sur l’Avent.
Auteur : Stephen Rand
N’êtes-vous pas enthousiaste d’apprendre qu’une personne veut lire l’histoire de Jésus et l’étudier par elle-même ? Vous lui donnez un Nouveau Testament, ravi de savoir qu’elle va s’asseoir et se lancer dans la lecture. Puis vous vous souvenez : elle va commencer à la première page et tomber en plein dans cette longue liste de noms. Si encore elle arrive à aller plus loin que le mot « généalogie » dans la première phrase.
C’est un rappel salutaire de ce que la Bible est un ancien livre d’orient et non un livre moderne d’occident. Je savais en commençant à écrire ce livre que je devais commencer par quelque chose d’intéressant pour capter votre attention. J’espère y être parvenu : si vous êtes arrivé jusqu’ici, j’ai encore une longueur d’avance ! Mais si j’avais commencé avec la liste de mes ancêtres… ?
Introduction
Les généalogies sont des arbres, de longues listes de noms qui n’apparaissent pas seulement au début de l’évangile de Matthieu, mais aussi comme un prélude au ministère de Jésus en Luc 3. Enfant, j’étais fasciné par l’étrange répétition du mot « engendra », l’un des mots les plus savoureusement archaïques de la version Segond. Et, bien qu’ils constituent le début du récit de Noël, ces versets ne figurent pas souvent dans un culte de Noël habituel : ils ne sont pas l’idéal pour une lecture publique, chargés qu’ils sont de noms difficiles à prononcer, presque tous inconnus.
Mais ces deux évangélistes s’en sont servi pour dire quelque chose de très profond concernant Jésus. Luc remonte le cours de l’histoire. Son arbre généalogique commence avec Jésus (Luc 3.23) et, en 75 étapes, fait remonter les lecteurs jusqu’à Adam, qui est décrit, en termes absolus, comme « fils de Dieu » Matthieu commence avec Abraham, père de la nation juive ; Luc fait remonter la lignée de Jésus jusqu’au père de la race humaine. L’évangile de Matthieu est écrit principalement pour des lecteurs juifs, il révèle Jésus comme le Messie promis ; Luc écrit pour les non-Juifs, il souligne par conséquent l’origine divine de l’humanité que Jésus partage avec eux. Jésus n’est pas arrivé sur la planète Terre comme un envahisseur venu de l’espace, comme un étranger d’au-delà des étoiles. Sa venue était certes miraculeuse, mais il était un être humain avec un arbre généalogique—des ancêtres.
Ma femme et moi venons tout juste d’apprendre que nous allons être grands-parents ! Une nouvelle génération va venir s’ajouter, une nouvelle branche à l’arbre généalogique. Bien sûr, quand nous vieillissons nous avons tendance à nous intéresser davantage à l’histoire de notre famille. Nous prenons conscience qu’à mesure que nos parents avancent en âge, nous risquons de perdre le souvenir de leur génération de grand-tantes à moitié oubliées et de grands-parents très respectables qui existent pour nous dans d’antiques photographies sépia.
Quand mon père est décédé, nous avons chacun hérité d’une partie des photos de famille. Ma femme a été poussée à faire plusieurs montages : un pour nous qui fusionne les ancêtres Hick/Hunt avec la lignée Rand/Kennedy ; et un pour chacune de nos filles qui représente leur enfance dans le contexte de leurs relations. Pour nous, ces montages sont fascinants, source infinie d’anecdotes et de souvenirs ; pour la famille qui vient chez nous, ils sont l’occasion d’explorer et d’ajouter à la mémoire collective. Pour nos amis, bien sûr, ils ne sont rien de plus qu’une curiosité, étudiée parfois pour découvrir les signes précurseurs des bizarreries des Rand qu’ils trouvent, nous l’espérons naïvement, si attachantes.
Ces montages provoquent inévitablement un sujet commun de conversation : découvrir les ressemblances familiales. Le nez de cet oncle, les yeux d’une grand-mère, c’est une sorte de puzzle biologique, toujours passionnant, jamais concluant. Luc et Matthieu sont tout à fait concluants : Jésus était le fils d’Abraham, le fils de David, le fils d’Adam, le fils de Dieu. C’est de ces ancêtres qu’il tient sa ressemblance familiale—sa royauté sacerdotale, sa parfaite humanité, sa parfaite divinité.
Outre cette révélation profonde, l’arbre généalogique souligne également un paradoxe : l’homme parfait avait une famille rien moins que parfaite. Elle ne comportait pas seulement une brebis galeuse ; il y en avait plusieurs dans le troupeau—le genre de personne qu’il serait poli de passer sous silence ou d’embellir. Mais Matthieu et Luc sont tout à fait francs. Ils savent qu’un arbre généalogique est en partie destiné à révéler que les desseins de Dieu ne s’accomplissent pas au travers de saints, mais au travers de pécheurs.
Dans celui-ci, il y a des manquements catastrophiques, des ruptures, de la rébellion, du crime et de la traîtrise. Il y a des femmes de mauvaise réputation, des étrangers, des gens de haute naissance et d’autres de basse extraction. En fait, comme le disait la publicité du journal, « Contient toute la vie humaine ». Parfaitement.
Alors, commençons l’Avent en tournant quelques pages de l’album de famille.
Adam : Commençons par le commencement
Dieu créa l’homme à son image : il le créa à l’image de Dieu, homme et femme il les créa. GENÈSE 1.27
La femme vit que l’arbre était bon à manger, agréable à la vue, et propre à donner du discernement. Elle prit de son fruit et en mangea ; elle en donna aussi à son mari qui était avec elle, et il en mangea. Les yeux de tous deux s’ouvrirent ; ils prirent conscience du fait qu’ils étaient nus. Ils se firent des ceintures avec des feuilles de figuier cousues ensemble. Alors ils entendirent la voix de l’Éternel Dieu qui parcourait le jardin avec la brise du soir. L’homme et la femme allèrent se cacher devant l’Éternel Dieu, parmi les arbres du jardin. L’Éternel Dieu appela l’homme et lui dit : Où es-tu ? Il répondit : J’ai entendu ta voix dans le jardin et j’ai eu peur, parce que je suis nu ; je me suis donc caché. L’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? L’homme répondit : C’est la femme que tu as mise auprès de moi qui m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé.
Alors l’Éternel Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? La femme répondit : Le serpent m’a induite en erreur, et j’en ai mangé. L’Éternel Dieu dit au serpent : Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et tous les animaux de la campagne, tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci t’écrasera la tête, et tu lui écraseras le talon. Il dit à la femme : Je rendrai tes grossesses pénibles, c’est avec peine que tu accoucheras. Tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. Il dit à l’homme : Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger, le sol sera maudit à cause de toi ; c’est avec peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie, il te produira des chardons et des broussailles, et tu mangeras l’herbe de la campagne. C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans le sol, d’où tu as été pris ; car tu es poussière, et tu retourneras à la poussière. GENÈSE 3.6-19
Avez-vous déjà essayé d’organiser une fête de Noël traditionnelle ? Marier les lectures bibliques avec les noëls est toujours un défi, et quelle version arrangée du récit de Noël choisir, quelqu’un regrettera à coût sûr l’absence de son passage favori—et vous le fera certainement savoir ! Quand je travaillais avec Tearfund (équivalent anglais du S.E.L), le culte de Noël était toujours le dernier acte de l’année, un chœur de membres de personnel consacrant sa pause de midi pendant des semaines pour parvenir à un très haut niveau d’exécution. On invitait la famille, les amis et les anciens collègues, on s’assurait le service d’un orateur renommé, et les membres du personnels faisaient les lectures avec l’art et la solennité attendus. Pourtant, il fallait quand même choisir les lectures. Un collègue, pasteur anglican, insistait, pour que le culte soit complet, sur le fait qu’il ne suffisait pas d’inclure Marie et Joseph, la naissance à Bethléem, les bergers et les mages. Il fallait que la première lecture soit tirée de la Genèse : l’histoire d’Adam et d’Ève. Pour lui c’était évident : c’est là que commence l’histoire de Noël. Aucune rébellion dans le jardin d’Éden ? Alors, pas de bébé dans la crèche de Bethléem. Dieu a ouvert la première fenêtre de ce calendrier de l’avent à l’aube des temps.
Luc fait remonter la lignée jusqu’à Adam ; quand Dieu parle dans le jardin d’Éden, il y a une toute petite touche qui montre qu’il regarde plus loin dans le déroulement de l’histoire à venir, dans l’attente de la venue de Jésus. Alors que la tragédie cataclysmique de la chute est racontée et ses implications profondes annoncées, l’espérance n’est pas complètement éteinte. Je me souviens fort bien de ma lecture de Voyage vers Vénus de C. S. Lewis lorsque j’étais adolescent. Le héros voyage vers une planète qui n’a pas été salie par le péché, qui reste dans la beauté et l’innocence du jardin d’Éden. C’est alors qu’il prend conscience que l’histoire de la terre est sur le point de se dérouler à nouveau, quand les habitants sont face à la tentation de l’égoïsme et de la rébellion. Je ne me souviens plus de tous les détails, mais ce dont je me souviens, c’est que j’ai lu avec avidité, espérant ardemment contre toute espérance que la tragédie ne se répète pas. L’écriture avait une telle force que je voyais clairement tout ce qui dépendait de la décision qui serait prise. Quelque chose d’une beauté indescriptible serait perdu, et la perte serait terrible, se répercutant tout au long de l’histoire. Cette beauté pourrait-elle jamais être retrouvée ?
Genèse 3 révèle la terrifiante catastrophe du péché l’impact dévastateur et universel de la chute. Le fruit défendu est mangé ; le premier effet immédiat est qu’Adam et Ève deviennent conscients de leur nudité, et se couvrent. Dans ma jeunesse, ce passage suscitait en moi des sentiments très ambivalents : il semblait fournir des armes à ceux qui sont convaincus que les chrétiens ont une compréhension fondamentalement faussée de la sexualité humaine—péché et honte, culpabilité et nudité si intimement liés. Maintenant, je considère que ce passage offre une vision profonde de la réalité de la condition humaine. À ce moment de la connaissance, il y a un basculement radical dans la relation entre les hommes et les femmes. Dans le monde que Dieu a créé, ils étaient héritiers et gérants à part égale de tout ce que Dieu avait fait, se complétant l’un l’autre dans un partage de vie et de raison d’être. Maintenant, ils sont si conscients de leurs différences qu’ils doivent se couvrir ; à partir de ce moment, c’est la différence qui domine les relations entre les hommes et les femmes, la mutualité et la confiance étant corrompues par l’exploitation et la suspicion.
À peine leur propre relation compromise, un autre trait terrible est révélé. Quand Dieu vient marcher avec eux, ils se cachent saisis de peur. Voilà tout le pathétique et la souffrance d’une relation d’amour brisée : la promenade dans le jardin dans la fraîcheur du soir n’aura plus lieu. Les êtres humains créés à l’image de Dieu, pour l’amitié et la communion avec lui, se cachent maintenant craintifs parmi les arbres, imaginant de façon pathétique qu’ils peuvent passer inaperçus. Ensuite, ils sont chassés hors du jardin. Au lieu de prendre soin de la création qu’ils ont endommagée, ils sont face à une bataille pour survivre. Le travail productif devient un dur labeur : « le sol sera maudit à cause de toi ; c’est avec peine que tu en tireras ta nourriture ». Au lieu d’une participation à la délégation de fécondité créative de Dieu, il y aura maintenant de la souffrance : « c’est avec peine que tu accoucheras. » Et la mort est entrée dans la réalité de l’expérience humaine : « tu es poussière, et tu retourneras à la poussière. »
La dévastation et le désespoir sont complets. Le shalom de Dieu—la paix qui surpasse toute compréhension, exprimée dans des relations positives, porteuses de vie et de vie abondante, pour chaque être humain avec les autres êtres humains, avec son Dieu créateur et avec son environnement—a été brisée. Toute la création partage l’agonie : « Nous savons, en effet, que maintenant encore la création entière gémit et souffre comme une femme qui accouche », écrit Paul (Romains 8.22 – Français courant).
Mais il y a une lueur d’espoir. Dieu dit au serpent qui a favorisé le désastre que la descendance de la femme « t’écrasera la tête, et tu lui écraseras le talon » (v. 15). Une lecture de ces paroles énigmatiques est qu’il y naîtra un jour quelqu’un dans cette lignée qui payera le prix et renversera la tragédie : recréation, vie nouvelle, réconciliation, shalom restaurés. « Comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ » (1 Corinthiens 15.22). C’est la promesse que fait Dieu d’intervenir dans l’histoire de l’humanité, donnant la vie pour restaurer la vie. C’est ici que commence le récit de Noël. Et il commence dans le cœur aimant de Dieu le Père, créateur de l’univers, avec Jésus—« fils d’Adam, fils de Dieu » (Luc 3.38).
Père aimant, créateur de l’univers,
remplis notre pensée d’émerveillement et de gratitude pour tout ce que tu as fait ;
remplis notre cœur de tristesse pour tout ce que le péché a détruit ;
nourris notre esprit de l’espérance qu’un jour tout sera restauré.
Amen.
Tiré de Stephen Rand, When the time was right, Bible readings for the Advent Season (Quand le temps est venu, lectures bibliques pour la période de l’Avent).
http://www.brf.org.uk/pdfs/97818410…
Découvrez le premier article (1/5) de la série sur l’Avent : « Méditation de Luc 1.26-38 ».
Découvrez le troisième article (3/5) de la série sur l’Avent : « Il était une promesse ».
Découvrez le quatrième article (4/5) de la série sur l’Avent : « Hérode, Joseph et la naissance de Jésus ».
Découvrez le cinquième article (5/5) de la série sur l’Avent : « Dieu nous bénit et nous dérange ».
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