Au cours de la campagne pour l’élection présidentielle, une coalition d’ONG (voir ici) a envoyé à chaque candidat du premier tour un questionnaire « Pour une France solidaire dans le monde ». En plus de leur analyse des programmes de chaque candidat (disponible ici), plusieurs réponses au questionnaires leur sont parvenues.
À partir des retours apportés par le candidat Emmanuel Macron (consultables ici), voici sa position sur nos propositions (présentées ici) :
1. Honorer les engagements de la France envers le pays du sud
Notre proposition : Nous vous encourageons vivement à publier un calendrier précis, dès l’automne 2017, pour atteindre cet objectif des 0,7% du Revenu National Brut (RNB) pour l’Aide Publique au Développement (APD) si possible en 2022.
Réponse d’Emmanuel Macron : Je ne m’engage pas.
La France a perdu sa place depuis 10 ans en matière de politique de développement, en particulier par rapport à l’Allemagne et au Royaume-Uni. Il faut retrouver une ambition mondiale dans ce domaine, notamment en vue de la mise en œuvre des Objectifs du Développement Durable (ODD). Alors que nous sommes retombés à 0,4% du RNB en 2017, nous devons affirmer de façon crédible, comme nos partenaires européens, l’objectif d’une aide publique à hauteur de 0,7% de la richesse nationale. Je proposerai une consultation de la société civile française en vue de mettre au point une révision de la loi de programmation de l’aide au développement, notamment pour établir une trajectoire d’augmentation vers les 0,7%, à atteindre entre 2022 et 2030, en fonction des marges budgétaires. Je m’engage à ce que le Premier Ministre réunisse chaque année le Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement (CICID) pour assurer le suivi de la trajectoire vers les 0.7% fixée dans le cadre de la loi de programmation.
Nous vous appelons donc à garantir que les interventions de l’Agence Française de Développement (AFD) auront comme objectif premier de contribuer à la réduction de la pauvreté et des inégalités, en privilégiant les dons et les subventions, et en allouant au moins 50% de l’APD aux « Pays Moins Avancés » (PMA).
Je m’engage.
Je veillerai à ce que la politique de solidarité et de développement de la France et à ce que les interventions de l’AFD s’inscrivent pleinement dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et contribue ainsi à la mise en œuvre des ODD. Notre aide, y compris celle mise en œuvre par l’AFD, doit se concentrer en priorité sur les pays les plus pauvres, même si un appui technique et financier peut être apporté à des pays plus riches, essentiel pour mieux gérer les problèmes communs de l’humanité. Je m’engage à respecter les engagements du CICID de novembre 2016 sur la concentration de l’effort financier (deux tiers des subventions mises en œuvre par l’AFD bénéficieront à une liste de pays prioritaires, recentrée sur les PMA).
Je m’engage à mettre en œuvre le document d’orientation politique relatif au partenariat entre le ministère des Affaires étrangères et du développement international et la société civile, adopté en mars 2017, et dont les orientations devront être déclinées par les opérateurs, dont l’AFD. Aussi, je m’engage à renforcer la prise en compte par l’AFD des points de vue des autorités locales, des populations affectées ou encore des ONG locales sur les impacts des projets proposés au financement, notamment lorsque ceux-ci présentent un niveau de risque environnemental et social élevé, en ligne avec la stratégie de l’AFD en matière de responsabilité sociétale.
Enfin, je réaffirme le principe du déliement de l’aide dans le cadre de l’APD française, y compris l’aide mise en œuvre par l’AFD, en ligne avec les standards internationaux. Je veillerai à ce que l’AFD respecte pleinement le respect du principe de déliement de son aide dans le cadre de ses activités avec le secteur privé, en ligne avec les décisions du dernier CICID de novembre 2016. Selon le dernier examen par les pairs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la coopération au développement, la France a atteint les engagements pris à Accra en matière de déliement de l’aide : 95 % de l’APD française était déliée en 2010, contre 85 % en 2008 (OCDE, 2012b). Elle se situe au-dessus de la moyenne du Comité d’Aide au Développement (CAD) dans ce domaine.
2. Encourager l’intégrité des acteurs politiques, économiques et financiers
Nous vous stimulons à garantir le juste paiement des impôts par les entreprises et les individus grâce à un rapport public pays par pays et un registre public de bénéficiaires effectifs des sociétés et des trusts aux niveaux français, européen et international, par une révision des conventions fiscales que la France a signées avec les pays en développement et par l’engagement pour une plus forte harmonisation fiscale en Europe. Enfin, nous souhaitons vous voir renforcer les poursuites pénales ainsi que les sanctions pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, en ôtant l’exclusivité au Ministre des finances en matière d’ouverture de poursuites pénales.
Je m’engage.
La lutte contre la fraude fiscale sera sans merci et les sanctions contre la fraude seront durcies. Les pays qui seront placés sur la liste européenne des paradis fiscaux devront être soumis à une pression intense. L’ensemble des pays de l’Union européenne devront mettre en place à leur encontre des prélèvements à la source dissuasifs, d’au moins 50 %, et rapatrier, afin de les taxer sur leur sol, les bénéfices réalisés par les filiales de leurs entreprises dans ces paradis fiscaux. Il faudra que la directive « intérêt et redevance » soit révisée pour mettre un terme aux fuites de matière fiscale hors de l’Union européenne. Il faudra aussi que l’Union européenne taxe le chiffre d’affaire des grandes entreprises réalisant des prestations de services électroniques et ventes à distance auprès des consommateurs européens, de manière à ce que les grands opérateurs de l’Internet participent au financement des services publics en Europe. Toutes les occasions devront être saisies, notamment les négociations de traités commerciaux, pour obtenir de tous les États une stricte application de la coopération fiscale, de l’échange automatique d’information et de la transparence sur les bénéficiaires effectifs des trusts. La France sera exemplaire, y compris si cela implique la révision de certaines conventions fiscales anormalement avantageuses ou protectrices de certains territoires non coopératifs. Par ailleurs, la France soutiendra l’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés en Europe, dans le cadre des directives ACCIS.
3. Développer des comportements économiques plus justes
Nous souhaitons que soient régulés, aux niveaux français et européen, les abus de pouvoir et la concurrence déloyale des acteurs économiques qui ont un impact négatif et direct sur les conditions de travail dans les pays du Sud.
Je ne m’engage pas.
Les entreprises peuvent être de véritables acteurs du développement durable. Nous devons continuer à inciter les entreprises à intégrer la responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans leurs stratégies et activités, en soutenant la mise en œuvre des normes internationales, notamment les conventions internationales de l’Organisation internationale du travail et les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationale
4. Promouvoir une écologie responsable
Nous vous incitons à atteindre l’équilibre entre le financement de l’adaptation au changement climatique et de son atténuation d’ici 2022 en publiant une feuille de route dès l’automne 2017. Dans ce but, nous soutenons aussi la transition énergétique.
Je ne m’engage pas.
Afin d’accompagner les pays en développement dans leur transition énergétique et écologique :
(1) La France sera fidèle à son engagement de porter les financements dédiés au climat à au moins 5 milliards d’euros d’ici à 2020.
(2) Je demanderai à l’Agence française de développement de consacrer plus de 50% de ses engagements à des projets avec des co-bénéfices climat et de réorganiser ses modes d’intervention pour maximiser la contribution de ses financements à l’accompagnement des trajectoires de développement sobre en carbone et résilient aux effets du changement climatique des pays en développement.
(3) Je m’engage à ce qu’une partie de l’augmentation des ressources en dons de l’AFD soit dédiée au financement de projets d’adaptation au changement climatique et à porter notre engagement en faveur de l’adaptation en 2020 à plus de 1,2 milliards d’euros par an.
(4) Je poursuivrai l’engagement de la France de mobiliser 3 Md € entre 2016 et 2020 dans le cadre de l’initiative pour les énergies renouvelables en Afrique.
5. Garantir l’accueil des plus vulnérables
Notre proposition : Nous vous exhortons à remettre les plus vulnérables au cœur du développement économique et social de nos territoires, de l’Europe et du monde, au cœur des débats et de la recherche de solutions. Leurs besoins d’intégration par l’accès aux soins, à l’éducation, à un travail stable, à un logement – plus qu’un simple hébergement – ne doivent pas être ignorés. Nous vous demandons de mettre la lutte contre la pauvreté, l’exclusion et le chômage de longue durée au cœur de votre projet de société. Concernant les individus en situation de handicap, leurs familles doivent être formées et informées le plus tôt possible sur le handicap et les dispositifs, lieux et associations qui existent pour leur venir en aide.
D’après son programme (consultable ici) : Je m’engage
Pour associer les personnes pauvres à la définition des politiques publiques qui les concernent, nous renforcerons les pratiques consistant à représenter les personnes bénéficiaires aux seins des instances, comme par exemple au sein du Conseil national de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Pour que tous aient un revenu décent, nous créerons un versement social unique et automatique pour lutter contre le non-recours aux aides sociales. Nous augmenterons le minimum vieillesse et l’allocation adultes handicapés (AAH)pour une personne seule (d’environ 800 à au-delà de 900 euros/mois). Nous augmenterons de 50% le montant de la prime d’activité. Pour permettre à chacun d’avoir accès à ses droits sociaux. nous créerons un droit effectif à la domiciliation pour les personnes sans-abris, afin qu’elles puissent accéder à la plénitude de leurs droits et notamment aux minimas sociaux. Nous porterons enfin une stratégie d’inclusion numérique, en développant avec les associations et les personnes bénéficiaires des formations aux outils numériques. Pour donner accès aux biens et services essentiels, nous poursuivrons la production de logements sociaux au même niveau et au même rythme que ces dernières années, en concentrant les aides de l’État sur les logements aux plus faibles loyers et dans les zones où la demande en logement social est la plus forte. Nous ferons la transparence sur l’attribution des logements sociaux dans les zones tendues. Nous livrerons un effort national de formation sans précédent. Nous travaillerons sur la pertinence des soins, et nous nous engageons à ce qu’aucun soin utile ne soit déremboursé pendant les 5 ans qui viennent
Nous vous encourageons vivement à avoir une exigence de solidarité à l’égard des migrants, en assurant des voies de migrations légales y compris humanitaires, et en offrant aux migrants arrivant sur le territoire français un accueil digne et respectueux des droits humains. Les demandeurs d’asile doivent pouvoir trouver refuge et protection.
Je ne m’engage pas
La France doit être à la hauteur de sa tradition historique d’accueil, tout en se montrant, dans des conditions toujours dignes, inflexible avec les personnes qui ne remplissent pas les conditions de séjour sur notre territoire.
Un meilleur accueil passera d’abord par des procédures plus rapides et plus efficaces : nous réformerons les conditions d’examen des demandes d’asile avec l’objectif d’assurer une prise de décision en 8 semaines pour toutes demandes, nous réformerons les modalités de recours contre les décisions de refus. En cas de recours, le jugement interviendra dans un délai de 6 à 8 semaines. Au niveau européen, les procédures d’asile doivent également être accélérées et réformées; dans des périodes de fort afflux de réfugiés, le dispositif de Dublin ne fonctionne pas et doit ainsi évoluer.
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