Nous vivons dans une société très égocentrique. L’accent est mis sur mes sentiments, mon accomplissement personnel, ma satisfaction, et ma liberté de faire ce qui me plaît. On mesure les relations en fonction de la façon dont elles nous profitent et lorsqu’elles cessent de le faire, on peut les mettre de côté. La vie consiste à rechercher l’atteinte de ses objectifs personnels. L’individualisme règne, OK !
Cette philosophie de la vie dominante a comme manifestation religieuse la croyance habituelle dans le Nouvel Age que les êtres humains sont essentiellement divins. Ici l’individualisme atteint ses limites dans la croyance que l’individu est dieu.
En tant que chrétiens, nous vivons dans ce contexte de glorification constante du moi et il n’est pas surprenant que cette influence de l’individualisme puisse parfois se voir parmi nous. Il y a un danger très réel de voir la foi chrétienne seulement en termes de mon expérience, mon accomplissement, ma joie et ainsi de suite. Nous allons à Jésus pour ce que nous obtenons, nous allons au culte pour ce que nous pouvons en retirer et nous allons voir des conseillers pour qu’ils règlent nos problèmes individuels. La vie chrétienne semble tourner autour de moi et de mes besoins.
La religion biblique est l’antithèse totale de cette culture égocentrique. Là, il ne s’agit pas de moi et de mes besoins, mais de Dieu et de mon prochain. La bénédiction pour laquelle la religion de l’individualisme manifeste un besoin maladif n’est pas le résultat du fait de se concentrer sur le moi, mais du fait de se concentrer sur Dieu et sur les autres. Une théologie et une perspective sociales droites sont la clé de la bénédiction.
Dans les béatitudes [Matthieu 5.3-10], Jésus décrit le caractère d’une personne vraiment bénie. Les lire dans la lumière de cette conviction biblique centrale que la vraie religion concerne l’amour de Dieu et du prochain révèle la source de l’action sociale chrétienne.
Les béatitudes ne sont pas une description de différents types de personnes bénies, mais des différentes caractéristiques d’une personne bénie. Elles commencent avec ceux qui sont pauvres en esprit et s’achèvent avec ceux qui sont persécutés, qui expérimentent le royaume des cieux/de Dieu comme une réalité présente. Le Royaume Uni est un lieu, mais le royaume de Dieu dans le Nouveau Testament concerne davantage la façon dont Dieu dirige les gens qu’un territoire sur lequel il gouverne. Cependant nous devons résister à la tentation de réduire le gouvernement de Dieu à la direction des individus. Il est aussi très clair dans le Nouveau Testament que Jésus est venu inaugurer un nouveau peuple ou communauté du royaume.
Ce royaume est un royaume inversé parce que ses citoyens en sont les pauvres en esprit et les persécutés. Ils sont un peuple qui commence par le présupposé qu’ils ne peuvent pas s’en sortir tous seuls. Ils ne peuvent pas s’en sortir avec leur propre péché ou avec les conséquences du péché dans la vie de leur prochain. Comme un peuple sans force ils regardent à Dieu pour qu’il pardonne et qu’il vienne à leur secours au nom de Jésus. Mais de façon surprenante, les puissants de ce monde les regardent comme une menace de telle sorte que même s’ils semblent sans force, il faut les marginaliser et les persécuter.
En fait, le monde qui s’oppose au royaume de Dieu voit clairement la signification de ce peuple pauvre en esprit. Le monde peut voir que par ce qu’ils sont et par ce qu’ils font, ce peuple du royaume mine les fondations mêmes de leur régime. Voilà pourquoi le monde les persécute. Ceci apparaît clairement quand nous examinons les six autres béatitudes.
Ils sont un peuple qui sait ce que c’est que de pleurer ou de se lamenter, non pas parce qu’ils seraient un peuple malheureux mais parce qu’ils sont sensibles à la misère provoquée par le péché dans leur propre vie et dans celle des autres. « Les gens du monde adoptent une attitude légère face aux problèmes sérieux de la vie, ce fait est particulièrement évident dans notre génération moderne attachée au plaisir… Parce qu’ils ne s’attristent pas de ce qui est mauvais en eux-mêmes, ils ne se repentent pas ; et parce qu’ils ne s’attristent pas du mal auquel ils prennent part avec les autres dans la communauté dans laquelle ils vivent, ils prennent peu de décisions pour remettre les choses en ordre. Parce qu’ils ne sont pas remués par la situation critique des pauvres et de ceux qui souffrent, ils ne font aucun pas pour aider les malheureux dans le monde. » [Léon Morris, The Gospel According to Matthew Leicester, IVP 1992 p.97].
Être doux, c’est faire preuve de délicatesse et s’effacer soi-même. Il ne faut pas confondre cela avec la faiblesse. Moïse, l’un des plus grands dirigeants de l’histoire du monde, est décrit comme l’homme le plus doux de la terre [Nombres 12.3]. La douceur est l’opposé de l’affirmation de soi, mais n’empêche pas une forte affirmation de la vérité et de la justice de Dieu. Il ne s’écrasait pas devant la puissance du pharaon, même s’il était un dirigeant malgrè lui. Il ne s’est pas mis lui-même en avant ; en fait, il a presque dû être forcé par Dieu à prendre de l’importance. La pauvreté en esprit, le fait de pleurer, la douceur sont les traits distinctifs de la personne qui est humble. La pauvreté en esprit nous attire à Dieu, pleurer nous attire à Dieu avec les maux du monde, et la douceur est l’attitude qui rend possible d’y faire quelque chose en raison de notre dépendance à l’égard de la puissance de Dieu.
En tant qu’évangéliques nous avons l’habitude de penser à la justice comme à quelque chose qui nous manque mais qui nous est donné gratuitement par Dieu quand nous nous confions en Jésus. Mais en grec il n’y a qu’un seul terme pour la justice devant Dieu et la justice dans nos rapport avec les autres (en anglais « righteousness » et « justice ») et donc nous ne devons pas faire une séparation entre ce que Dieu fait pour nous et ce que nous faisons pour les autres. Ainsi, ceux qui ont faim et soif de justice n’ont pas seulement faim du don de la justice de Dieu, mais ils se battent aussi pour faire ce qui est juste et veillent à ce que ce qui est juste soit fait à l’égard de leur prochain.
Le peuple de Jésus est aussi un peuple miséricordieux. Étant conscients des imperfections profondes de la nature humaine, y compris chez eux, ils sont solidaires des faibles et des marginalisés. La miséricorde, c’est quand ceux qui savent qu’ils sont faibles tendent la main, par la puissance de Dieu, à d’autres qui sont faibles. La miséricorde ne condamne pas les autres parce qu’ils sont insuffisants, paresseux, etc. mais prend pitié. La miséricorde veut relever les pauvres au nom de Jésus.
Dans la Bible, le cœur n’est pas le siège des émotions mais le centre de ce que nous sommes comme êtres humains. Il contrôle notre façon de penser et d’agir autant que de sentir. S’il y a la pureté dans le cœur, alors Dieu est le centre de notre vie et par son Esprit en nous sa vie peut se déverser sur les autres [Jean 7.37-38].
Le monde dans lequel nous vivons est rempli de conflits. Les nations, les tribus et les familles se combattent mutuellement. Les disputent abondent dans chaque communauté. Ceux qui suivent Jésus procurent la paix au milieu des conflits – ils mettent fin aux conflits et réconcilient les ennemis. « Être pacifique, ne pas être enclin à s’engager dans des disputes sont des choses admirables, mais Jésus parle de quelque chose de plus que cela. Il se réfère non pas à des gens qui conservent la paix, mais à des gens qui la procurent, des gens qui mettent fin aux hostilités et qui réunit ceux qui se disputaient. » [Léon Morris, op.cit., p.101].
Comme dans la loi de l’Ancien Testament, Dieu et le prochain sont étroitement liés dans la belle description que Jésus donne du peuple du royaume, peuple béni. Dans leur pauvreté en esprit et dans leur faiblesse, ils regardent à Dieu et ils regardent un monde en détresse et parce qu’ils font ces deux choses ils sont capables d’accomplir quelque chose de vraiment significatif – ils expérimentent le Royaume de Dieu ici et maintenant. Voilà la source de l’action sociale chrétienne.
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