PRÉFACE
Salil Shetty
Directeur de la Campagne du Millénaire des Nations Unies 2003-2010
Un engagement solennel a été pris par 189 dirigeants du monde, en septembre 2000, lors du sommet historique des Nations Unies dit « Sommet du millénaire », pour libérer leurs citoyens de l’indignité de la pauvreté abjecte et accomplir les 8 Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).
Dix années plus tard, alors que nous faisons le compte à rebours jusqu’en 2015, nous devons rappeler à nos dirigeants que manquer à sa promesse est un péché, mais manquer à sa promesse envers les personnes pauvres de la planète est un crime ni plus ni moins. Si le décès, chaque année, d’environ un million de femmes au cours de l’accouchement, dont presque toutes auraient tout à fait pu survivre, n’est pas un crime, qu’est-ce que c’est ?
Personne n’est mieux placé pour dire la vérité aux autorités que les millions de personnes et de responsables qui constituent le mouvement Michée. Les dizaines de milliers de responsables d’Église qui passent leur vie dans des villages reculés et dans des bidonvilles auprès de ceux qui connaissent une misère noire, pour leur apporter une nourriture spirituelle, comprennent aussi vraiment la différence que la réalisation des OMD peut apporter aux personnes qui sont presque totalement dépourvues en matière de ressources matérielles.
Dans de nombreux endroits, les groupes confessionnels et les ONG font, alors que tout est contre eux, des efforts héroïques pour fournir l’éducation, les soins de santé et un soutien en matière de moyens de subsistance aux personnes pauvres. Mais les efforts collectifs de toutes les entités privées pour fournir directement les services par le biais de projets locaux ne peuvent atteindre qu’une toute petite proportion des personnes qui en ont besoin. En fin de compte, ce sont principalement les gouvernements qui peuvent et doivent veiller à la réalisation des OMD. Après tout, ce sont les gouvernements qui ont pour mandat de collecter les impôts et qui reçoivent la majorité de l’aide provenant de communauté internationale. Par- dessus tout, ce sont les gouvernements qui sont élus par leurs citoyens comme gardiens des ressources publiques et qui doivent par conséquent en rendre compte à leurs électeurs.
Les personnes qui sont à la tête des Églises évangéliques savent que si les ressources publiques étaient gérées dans la transparence et de façon responsable, rien ne pourrait empêcher le monde de réaliser les OMD d’ici à 2015. Certains des pays parmi les plus pauvres du monde, comme le Rwanda, sont en bonne voie pour réaliser certains OMD spécifiques par le seul fait que les autorités au plus haut niveau ont mis la priorité sur la lutte contre la mauvaise gestion des fonds publics et fait preuve, par leur exemple personnel, de leur tolérance-zéro vis-à-vis de la corruption.
Le Défi Michée a la légitimité tout à fait exceptionnelle pour élever la voix auprès des autorités, pas seulement à cause de son contact journalier avec des millions de personnes vivant dans la pauvreté, pas seulement parce que, dans de nombreux pays, ses responsables sont les voix qui ont gagné la confiance de la population et des médias, mais aussi parce que sa conviction est forgée sur les valeurs fondamentales des droits humains universels, de la justice et de l’éthique pour tous.
De la part de la Campagne du Millénaire de l’ONU, qui a été partenaire du Défi Michée depuis sa création, nous vous souhaitons du succès dans la contribution importante que vous apportez à la réalisation des OMD dans un monde gouverné en faveur des personnes pauvres, s’il ne l’est par elles.
I INTRODUCTION
Dans une nation petite et apparemment sans importance, enserrée entre deux empires intimidants beaucoup plus puissants, une voix isolée mais persévérante s’élève. Il faut du courage et une conviction impérieuse pour prononcer la condamnation de Dieu sur les personnes qui abusent de leur position d’influence pour un gain personnel : chefs politiques « qui méprisent la justice » ; juges qui vendent leurs verdicts aux « plus offrants » ; responsables religieux et maîtres à penser plus intéressés par la « grande diffusion » et les « rémunérations élevées » que par la proclamation de la vérité de Dieu. Michée les a tous interpellés et dénoncés pour leur complicité dans la corruption à grande échelle et la mauvaise gouvernance.
Comme toujours c’étaient les personnes pauvres qui souffraient et Michée encore une fois n’y est pas allé par quatre chemin. Ceux dont la tâche était de rechercher la justice étaient au contraire résolus à la faire dérailler, prenant en pâture ceux qui étaient trop faibles pour leur résister. Privées de la protection de la loi, les personnes réduites à l’impuissance ne pouvaient que contempler la destruction de leurs moyens de subsistance, voire l’oppression de leurs enfants.
Les descriptions que Michée fait de l’oppression sans le frein de la conscience ou de la responsabilité sont tout aussi pertinentes aujourd’hui que lorsqu’elles ont été prononcées la première fois. L’abus de pouvoir et de privilèges continue de refuser aux personnes pauvres la possibilité de créer un avenir meilleur, en leur refusant l’accès à ce qui leur appartient légitimement, même aux droits fondamentaux comme le paiement d’un salaire journalier acceptable pour un travail journalier acceptable. La question prophétique que l’auteur des psaumes a adressée, il y a bien des années, aux gouvernants, reste tragiquement pertinente et actuelle : « Jusques à quand défendrez-vous les injustes et prendrez-vous le parti des méchants ? » De plus, l’ardent désir divinement inspiré du même chanteur doit lui aussi encore résonner aujourd’hui : « Défendez le faible, l’orphelin, soyez justes à l’égard du pauvre et du malheureux, libérez le faible et le misérable, délivrez-les de la main des méchants. »
C’est un appel pressant à une bonne gouvernance, à une juste gouvernance. C’est une insistance divine pour que les affaires des nations soient gouvernées selon des principes fondamentaux qui veillent à ce que celui qui est faible, celui qui est impuissant soit traité avec la dignité qui lui revient légitimement en tant que personne créée à l’image même de Dieu. C’est pour cela que le Défi Michée¹ place au centre de son travail de plaidoyer un appel à une bonne gouvernance.
Steve Bradbury
Président du conseil d’administration international du Défi Michée
¹ Le Défi Michée est une campagne mondiale qui mobilise les chrétiens contre la pauvreté. La campagne vise à approfondir l’engagement chrétien auprès des collectivités appauvries et marginalisées, ainsi qu’à influencer les chefs des nations riches et pauvres pour qu’ils remplissent leur promesse de réaliser les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).
PRÊT POUR SERVIR – PLAIDOYER POUR UNE BONNE GOUVERNANCE
Nous avons déployé beaucoup d’efforts à chercher un nom qui ne soit pas anglais pour notre document (Titre original : Open for service). L’exercice a mis en évidence combien la langue est pleine de subtilités qui ne sont pas toujours faciles à traduire. En fin de compte, nous avons dû nous résoudre à contre-cœur à adopter un titre anglais qui cherche néanmoins à mettre en évidence la transparence qui devrait accompagner un service public pour le bien-être de tous les citoyens.
Nous espérons que ce document alimentera un débat qui débouchera sur l’action.
II LE GRAND DÉFI
Dans le processus à long terme par lequel Dieu est en train de façonner son peuple racheté et le monde, nous croyons que l’Église joue un rôle central pour réaliser le genre d’épanouissement humain que Dieu désire. En même temps, dans l’accomplissement de notre objectif en tant que gérants productifs de la terre, d’entrepreneurs créatifs ou de laboureurs fidèles, il est très clair qu’un secteur privé recevant et donnant le pouvoir d’agir est lui aussi indispensable. Et nous savons aussi que sans gouvernement et sans cadre international approprié, efficace et compétant, ni le secteur privé ni l’Église ne peuvent avoir d’efficacité.
A Une bonne gouvernance est essentielle pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le Développement
Depuis longtemps on reconnaît que la bonne gouvernance est un élément essentiel du développement durable et de l’éradication de la pauvreté. Mais dans l’arène internationale, parmi les acteurs à revenu élevé ou et les acteurs à faible revenu, les discussions constructives autour de la bonne gouvernance sont souvent difficiles et stériles. Les progrès pour parvenir à une bonne gouvernance sont encore plus difficiles.
Pourtant, une gouvernance responsable et de qualité, tant dans les États à revenu élevé que dans les États à faible revenu, est absolument essentielle pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le Développement, ainsi que le but plus large du développement durable. D’ailleurs, certains pays sont même allés jusqu’à adopter un neuvième OMD portant spécifiquement sur les droits humains, la gouvernance démocratique et la prévention de la corruption, et cet OMD s’accompagne d’un ensemble d’indicateurs pour mesurer les progrès dans ce domaine.²
Le Défi Michée International croit que l’Église, les institutions confessionnelles et les chrétiens dans le monde des affaires, en fait tous les chrétiens où qu’ils se trouvent, ont un rôle central à jouer comme avocats de la bonne gouvernance.
Ce document expose notre réflexion sur pourquoi et comment le Défi Michée, en tant que mouvement international chrétien en expansion, a l’intention d’aider l’Église à mobiliser les chrétiens de tous les horizons à jouer efficacement ce rôle central pendant les cinq dernières années des OMD.
² ‘Campaigning for the MDGs: Making Votes and Voices Count in Elections.’ The UN Millennium Campaign, 2010, p.76.
B Qu’est-ce qui rend « bonne » une gouvernance ?
On considère habituellement la gouvernance comme un processus ou un moyen par lequel une décision est prise et est ensuite mise en application. Selon nous, cependant, la « bonne gouvernance » se réfère à la fois à des « moyens justes » et à des « fins justes » :
- Les « moyens justes » sont satisfaits quand les règles qui régissent la prise de décision d’un gouvernement sont équitables, transparentes et responsables, ainsi que lorsque les personnes à qui est confiée la mise en application des règles le font de façon transparente, intègre et efficace.
- Les « fins justes » sont satisfaites quand le résultat final de l’élaboration de la politique est équitable et favorise le bien-être de tous ; et plus particulièrement quand les décisions et la mise en application des politiques ont pour conséquence une baisse du niveau de pauvreté et de souffrance humaine et une hausse du niveau d’épanouissement humain.
Ce qui suit sont huit caractéristiques d’une bonne gouvernance, habituellement identifiées comme tombant dans la catégorie des « moyens justes » :
- responsabilité – c’est la composante centrale de la bonne gouvernance. Les parties prenantes ont suffisamment d’occasions pour veiller à ce que le pouvoir soit exercé selon leurs intérêts.
- participation – c’est-à-dire la participation directe ou indirecte dans la prise de décision de tous les membres de la société y compris les plus vulnérables.
- respect du droit – cadre législatif équitable qui est appliqué impartialement, avec sérieux et de façon prévisible. Ce respect comprend les conditions légales nécessaires à une activité économique dynamique, ouverte à la participation de tous les secteurs et toutes les classes de la société.
- transparence – la prise de décision et la mise en application sont faites selon des règles et des règlements clairement définis, et les informations portant sur ces procédures sont aisément accessibles par la société civile, et en particulier par les personnes affectées et les médias.
- réactivité – tous les besoins des parties prenantes sont traités selon un calendrier précis.
- recherche du consensus – médiation pour parvenir à un large consensus sur les intérêts à longterme de toute la collectivité et sur la meilleure façon de les satisfaire.
- équité et absence d’exclusion – tous les membres de la société sont de véritables partiesprenantes dans le processus de gouvernance, et les plus vulnérables en particulier ont desoccasions honnêtes et suffisantes d’améliorer leur bien-être.
- efficacité et compétence – une capacité organisationnelle et des compétences techniques et degestion suffisantes pour répondre aux besoins de la société grâce à un emploi sage de ressources limitées, y compris l’utilisation durable des ressources environnementales et naturelles.³
Ces huit caractéristiques de bonne gouvernance se limitent à définir les « moyens justes » ; cependant, on tient généralement pour acquis que des « moyens justes » débouchent sur des « fins justes ».
Cette supposition est également faite dans la Déclaration du Millénaire et elle est résumée ici par le Défi du Millénaire de l’ONU : « les hommes et les femmes ont le droit de vivre leur vie et d’élever leurs enfants dans la dignité, à l’abri de la faim et sans craindre la violence, l’oppression ou l’injustice. C’est un mode de gouvernance démocratique des affaires publiques, fondé sur la volonté et la participation des populations, qui permet le mieux de garantir ces droits ».4
Le Défi Michée International considère que ces huit caractéristiques couramment identifiées comme étant celles d’une bonne gouvernance sont des principes utiles. Cependant, cela ne s’arrête pas là en ce qui concerne une conduite droite et juste dans l’arène internationale – il y a plus à dire, notamment au sujet des nations riches et puissantes dont les plus petites actions peuvent changer de façon spectaculaire le bien-être des millions de personnes qui n’en sont pas citoyens et ne peuvent facilement demander à ces gouvernements de rendre compte de leur action ou inaction.
C’est pour cela que l’Objectif du Millénaire pour le Développement n° 8, « Mettre en place un partenariat mondial pour le développement », a des implications importantes sur des principes supplémentaires de bonne gouvernance qui s’appliquent en particulier aux nations à revenu élevé. En fait, s’impliquer dans un partenariat mondial sérieux pour le développement humain exige de s’engager en faveur d’une méthode énergique et volontaire de responsabilité mondiale, une responsabilité et une obligation de rendre des comptes à un groupe de parties prenantes plus large que ses propres citoyens.
Comme nous le verrons plus loin dans ce document, le Défi Michée International est dans une position unique pour traiter efficacement du manque d’inclusion des parties prenantes internationales pour demander aux gouvernements riches et puissants des comptes sur les progrès de l’OMD 8.
³ UNESCAP (2009). What is Good Governance? Retrieved Oct 2009. From <http://www.unescap.org/pdd/prs/ProjectActivities/Ongoing/gg/governance.asp>.
4 Campaigning for the MDGs: Making Votes and Voices Count in Elections. The UN Millennium Campaign, 2010, p.97.
… souvent, les personnes pauvres ne reçoivent directement qu’un tout petit pourcentage de l’aide
C La bonne gouvernance n’est PAS une réalité actuelle
En tant que représentants de l’Église mondiale, les principes de bonne gouvernance recensés dans la partie B nous couvrent de confusion, parce que nous ne sommes que trop conscients de combien nos propres institutions ecclésiastiques sont souvent loin d’atteindre ces idéaux. Comme nous ne pouvons fixer aux gouvernements une barre plus élevée que celle que nous nous fixons nous-mêmes, nous nous engageons à être des partenaires de nos gouvernements plutôt que des accusateurs ; à travailler sur nos propres questions de gouvernance tout en faisant tous nos efforts pour améliorer la qualité de gouvernance de notre pays.
La bonne gouvernance, telle que définie dans les huit principes ci-dessus, présente un idéal dont peu de pays s’approchent. L’échec des progrès sur ces principes représente la barrière la plus critique pour des progrès contre la pauvreté endémique, c’est-à-dire contre la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Chacun de nous, qu’il soit d’un pays à revenu élevé ou faible, a été affecté par cette réalité. Cependant, dans la poursuite du développement humain durable et de la réalisation des OMD, nous croyons que des améliorations pour faire de cet idéal une réalité sont cruciales.
Nous devons reconnaître qu’il y a, d’un pays à l’autre, des différences importantes dans la qualité de la gouvernance. Nous devons reconnaître également que ces différences ne sont pas toujours une question des revenus élevés contre les revenus faibles, du Nord contre le Sud, ou de l’Est comparé à l’Ouest.
Dans nombre de pays à revenu élevé, l’arène politique est inondée des grandes quantités d’argent provenant des diverses campagnes qui tendent à pousser les décisions politiques à satisfaire les désirs d’intérêts personnels égoïstes et fortunés. De tels processus sont clairement contraires à une gouvernance qui lutte pour l’égalité de participation et l’inclusion des plus vulnérables. Ceci rend extrêmement difficile le traitement efficace de la pauvreté nationale ainsi que le suivi des engagements internationaux sur l’aide, le commerce équitable et l’annulation de la dette, toutes choses critiques pour la réalisation des OMD. De telles violations des idéaux de bonne gouvernance se produisent dans beaucoup d’endroits inattendus, pourtant nous sommes nombreux à imaginer que notre propre société est à l’abri de ce fléau.5
Les pays à faible revenu sont aussi souvent pris en défaut par rapport à ces idéaux de bonne gouvernance, bien que les problèmes précis varient d’un pays à l’autre au sein de ce groupe. L’un des obstacles les plus souvent invoqués à la réalisation d’une gouvernance efficace est la corruption endémique. Dans les pays à faible revenu du Sud, une carrière dans le gouvernement est souvent le chemin le plus rapide vers l’enrichissement personnel. En coopération avec les autres élites internationales, les chefs ont vendu à bon marché les droits essentiels de pays entier, expédiant des milliards de dollars de richesse dans des banques étrangères. En plus de cette corruption de haut niveau, une corruption mesquine ordinaire rend la vie quotidienne pénible, en particulier pour les populations pauvres. Cette corruption découle d’une dégradation généralisée de l’intégrité due aux salaires impayés, au népotisme politique, au manque de suivi, aux rares pénalités pour de mauvais résultats et à peu d’incitations à une bonne performance.
5 Voir l’idée de Michael Johnston selon laquelle la corruption revêt des formes différentes dans des sociétés différentes. Michael Johnston, Syndromes of Corruption : Wealth, Power and Democracy [Les syndromes de la corruption : Richesse, Pouvoir et Démocratie] (Cambridge University Press, 2005).
Par le truchement de relations sociales réciproques ou de pots-de-vin directs, les personnes riches finissent par capter une proportion bien plus importante des dépenses publiques en matière de santé, d’éducation ou d’aides sociales.6 Même quand des programmes sont spécialement conçus et financés pour servir les personnes pauvres, les fonds publics n’atteignent souvent pas la ligne de front des pourvoyeurs de services ; ils se « perdent » dans la bureaucratie publique.
De même, souvent, les personnes pauvres ne reçoivent directement qu’un très faible pourcentage de l’aide que les pays à revenu élevé envoient aux pays à faible revenu, étant donné que la plupart des bailleurs de fonds encouragent, voire exigent l’achat de biens et de services dans les pays donateurs. C’est bon pour les sociétés commerciales et les individus des pays donateurs, mais il n’en est pas de même pour les destinateurs visés.
Enfin, comme nous l’avons vu précédemment, un engagement sérieux à réaliser l’OMD 8, « mettre en place un partenariat mondial pour le développement », exige des gouvernements la transparence et la responsabilité non seulement vis-à-vis de leurs propres citoyens, mais les uns vis-à-vis des autres, ainsi que vis-à-vis des personnes qui dans le monde entier luttent pour survivre.
Le Défi Michée est un réseau de responsables religieux et d’ouvriers sur le terrain œuvrant pour le développement, issus de plus de 40 pays, travaillant dans le développement durable et engagés à réaliser les OMD. Au sein du réseau, nous sommes arrivés à la conclusion que les OMD ne peuvent être réalisés dans le contexte actuel où la gouvernance est régulièrement défaillante (tant dans les pays à revenu élevés que dans ceux à faible revenu) et que nous ne pouvons ni répondre efficacement aux besoins des personnes affamées et pauvres ni leur créer des opportunités.
Pourtant les questions de gouvernance sont souvent laissées en dehors de l’ordre du jour quand on discute des progrès des OMD. Nous pouvons ne pas être à l’aise pour discuter de ces questions, parfois à cause de notre souci d’être « politiquement correct », mais souvent aussi en raison d’une conscience profonde de ce que peu d’entre nous, ni nos églises ou les institutions liées à l’Église ne sommes à la hauteur des normes que nous voudrions fixer.
Quoi qu’il en soit, même en pleine connaissance du travail que nous devons faire dans notre propre «maison», le Défi Michée International croit que puisqu’il fait partie d’un réseau croissant de communautés chrétiennes dans le monde entier, il a un rôle particulier et indispensable à jouer pour proposer et mettre en route une campagne pour obliger les gouvernements à rendre compte de l’état d’avancement des OMD. Celle-ci pourrait être le premier pas vers une amélioration spectaculaire et durable de la gouvernance.
6 Banque mondiale (2004), résumé, Rapport sur le développement du monde 2004, pp.5 et ss http://go.worldbank.org/3K0IRMPSP0.
… nous nous engageons à être des partenaires de nos gouvernements plutôt que des accusateurs
III MOBILISER LA COMMUNAUTÉ CHRÉTIENNE. POURQUOI ?
Dans la lutte mondiale contre la pauvreté endémique, il est devenu de plus en plus évident que les communautés de foi, tant à l’échelon local qu’à l’échelon mondial, ont une influence importante sur les personnes qui détiennent le pouvoir politique et financier – si ces communautés de foi choisissent d’en faire usage avec intégrité. Au sein de ces communautés de foi, l’Église chrétienne, en particulier la grande partie de l’Église qui grandit rapidement et se qualifie d’« évangélique », est un « géant endormi ».7
En octobre 2007, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, parlant pour la première fois à un rassemblement du Défi Michée et de la National Association of Evangelicals d’Amérique, à Washington DC, a dit à cet auditoire : « Votre engagement peut pousser les gouvernements à faire un effort pour persévérer dans leurs engagements. Ne sous-estimez pas votre puissance. »
La seule puissance que l’Église, et donc le Défi Michée, possède est la puissance de ceux qui se conforment à la volonté de Dieu. Mais si, comme l’énonce l’Appel Michée8, les OMD « rejoignent une partie des écrits prophétiques… », il est peut-être temps d’initier une réflexion nouvelle sur les relations antiques entre les communautés de foi, les gouvernements, la société civile et l’impératif moral urgent à améliorer le bien-être de la majorité des êtres humains dans le monde.
Pour la communauté chrétienne mondiale, il y a d’autres raisons importantes pour se mobiliser maintenant :
A C’est une partie importante de notre foi commune enracinée bibliquement
Le souci que le Défi Michée International porte pour la bonne gouvernance découle de notre conviction que le Christ est le Seigneur de tous, y compris les gouvernements9, et qu’il se soucie profondément de la condition des êtres humains et de sa création. Et donc, nous le devons aussi.
Nous croyons en outre que Dieu a clairement confié aux gouvernements un rôle important pour protéger les opprimés, défendre les faibles et veiller à ce que les pauvres aient accès aux moyens de survie et d’épanouissement. La Bible regorge de versets implorant les dirigeants à agir avec justice et les avertissant des conséquences de leur manquement dans ce domaine.10
Les organismes apparentés au Défi Michée International (MCI) que sont l’Alliance Évangélique Mondiale et le Réseau Michée, ainsi que les individus, les Églises et les groupes associés au Défi Michée croient qu’en vivant l’identité que nous partageons dans le Christ, il est impératif que les citoyens chrétiens incitent activement leurs gouvernements à gouverner avec justice. Ils doivent leur demander de rendre justice à toutes les créatures de Dieu en faisant, entre autres choses, que l’accomplissement des OMD devienne une priorité de premier ordre.
7 Nous devons noter que ce n’est pas forcément vrai dans tous les pays et en tout lieu, surtout là où l’Église chrétienne constitue une minorité menacée.
8 L’Appel Michée est une déclaration adoptée en 2001 par plus de 250 organisations chrétiennes différentes et qui souligne comment la foi et l’action pour et avec les personnes pauvres correspondent aux OMD et qui appelle les gouvernements à tenir leurs promesses. Plus de 200 000 personnes ont signé cet Appel.
9 Colossiens 1.16-20 : Car c’est par lui que Dieu a tout créé dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est invisible, puissances spirituelles, dominations, autorités et pouvoirs. Bible en français courant
10 Psaume 82 : Défendez le faible, l’orphelin, soyez justes à l’égard du pauvre et du malheureux, libérez le faible et le misérable, délivrez-les de la main des méchants. Bible du Semeur
B L’Église peut s’adresser de façon éthique et prophétique à ceux qui détiennent le pouvoir
Parce que nous sommes profondément enracinés dans nos communautés respectives, mais que nous aspirons cependant à nous transformer et nous améliorer, nous-mêmes et nos communautés, les Églises et autres groupes confessionnels sont bien équipés pour donner forme et promouvoir les valeurs les plus hautes et les meilleures de leur société. Si elles le font avec humilité et soin, les Églises peuvent avoir une efficacité unique pour demander aux détenteurs du pouvoir politique et financier de rendre des comptes concernant les principes et les valeurs de leur société, et concernant une bonne gouvernance. Les exemples récents sont innombrables, de l’Afrique du Sud à la Pologne en passant par le Timor oriental, où des communautés de foi enracinées dans des collectivités ont insisté pour que des gouvernements « fassent ce qui est juste » et se soumettent à la volonté de la population gouvernée.
Selon Religions for Peace et le Défi du Millénaire de l’ONU, « les dirigeants religieux ne sauraient être mieux placés afin d’aider les dirigeants du monde à se recentrer sur la réalisation des OMD d’ici à 2015. Les communautés religieuses à travers le monde ont de tout temps remédié aux problèmes de l’extrême pauvreté et de l’injustice sociale de manière novatrice et efficace. »11
Tenir les gouvernements pour responsables de devenir meilleurs – au service de la réalisation de progrès significatifs concernant les OMD – est l’une des choses que nous cherchons à accomplir quand nous parlons de renforcer la capacité des chrétiens à devenir les avocats d’une bonne gouvernance. Tenir nos chefs politiques pour responsables de persévérer dans les engagements qu’ils ont pris en relation avec les OMD en est une autre partie importante.
11 Foi et initiative : Vers une réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement. Religions pour la paix/Programme des Nations Unies pour le dévelopement, 2005, p. 11. http://religionsforpeace.org/resources/toolkits/faith-in-action.html
C C’est essentiel au service et à l’intégrité de l’Église
Frayant la voie au Défi Michée, la Déclaration Michée énonce : « La mission intégrale ou transformation holistique est la proclamation et la démonstration de l’évangile. Il ne s’agit pas simplement de faire en même temps de l’évangélisation et de l’action sociale. Plutôt, dans la mission intégrale, notre proclamation a des conséquences sociales, alors que nous appelons à l’amour et la repentance dans tous les domaines de la vie. Et notre implication sociale a des conséquences pour l’évangélisation, alors que nous témoignons de la grâce transformatrice de Jésus-Christ. »
Nous sommes convaincus qu’en habilitant l’Église à saisir à bras le corps l’Évangile dans toute sa plénitude, les chrétiens et les Églises feront la promotion de politiques gouvernementales qui autonomisent les personnes pauvres, encouragent un secteur privé productif et s’occupent bien de l’environnement.
Cependant, depuis un certain temps, la communauté chrétienne a plus ou moins abandonné son rôle, celui d’utiliser les voix de ses membres pour demander à nos dirigeants des comptes sur leurs promesses et leurs actions. Le travail auquel l’Église a été, traditionnellement et historiquement, associée, c’est-à-dire faire de ses membres des disciples et se mettre au service social et moral des populations, n’est pas moins important, mais nous qui sommes chrétiens avons une autre responsabilité essentielle. C’est l’alerte que nous lançons au corps du Christ pour qu’il se mobilise, qu’il endosse le manteau consistant à être la conscience de notre communauté, de notre gouvernement et de notre monde.
CONCLUSION
Prêt pour servir – Plaidoyer pour une bonne gouvernance cherche à lancer une discussion ouverte sur l’implication des chrétiens dans le plaidoyer prophétique en faveur d’une bonne gouvernance. Nous ouvrons ce dialogue particulier avec la reconnaissance claire qu’à celui qui a beaucoup reçu, il sera aussi beaucoup redemandé et qu’une telle discussion obligera l’Église chrétienne à revoir à fond ses propres processus et les comptes qu’elle doit rendre.
Mais au travers de notre service et de notre identification avec les personnes pauvres, nous aspirons aussi à devenir des citoyens et des témoins crédibles qui suscitent la bonne gouvernance dans nos administrations locales et nationales.
Prêt pour servir – Plaidoyer pour une bonne gouvernance, a été inspiré par des discussions entre Joel Edwards, directeur international du Défi Michée, et des praticiens du développement, des politiciens, des économistes et des intellectuels dans le monde entier.
Nos remerciements aux personnes suivantes qui ont participé à ce document : Lawrence Temfwe, Directeur du Jubilee Centre, Zambie
Peter Van der Meulen, Coordinateur, Bureau de la justice sociale, CRCNA Charles Abugre, Directeur d’UNMC Africa
Jeff Thindwa, Spécialiste principal du développement social, équipe Gouvernance et responsabilité, Banque mondiale
Catherine Cooper, Analyste et chercheur, CRCNA
Conseil d’administration du Défi Michée international
Nos remerciements à Peter Van der Meulen et Amanda Jackson qui ont rédigé ce document.
Mis en page par Vernon Kingsley, Bluemangocreative.co.uk Traduction en Français par Prisca Wiles
© 2010 Défi Michée international
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