Auteur : Brian Myers
Parfois il y a des chrétiens, qui, fatigués d’entendre parler de la pauvreté et de l’exploitation dans le monde, essaient de détourner l’information en nous rappelant ces paroles de Jésus : « car vous aurez toujours des pauvres avec vous ». C’est une manière de mettre fin à la conversation. Jésus a-t-il vraiment dit cette phrase ? Oui. Est-ce qu’elle veut dire ce qu’elle semble vouloir dire ? Pas vraiment. Alors que signifie cette phrase troublante ?
Une femme à ne pas oublier. L’affirmation de Jésus se situe dans le contexte d’une histoire qui en fait ne concerne pas directement les pauvres. L’histoire concerne une femme, dont on se souviendra, dit Jésus, tant que la Bonne Nouvelle sera annoncée. Vers la fin du récit de Matthieu sur la vie de Jésus, juste avant le dernier repas du Seigneur et son arrestation, on nous apprend qu’une femme, dont nous ignorons le nom, versa un parfum de grande valeur sur la tête de Jésus. Jésus savait que la femme l’honorait en imitant ainsi la préparation des morts pour l’enterrement. Elle comprit avant la plupart des autres personnes qui suivaient Jésus que c’était vers la croix que Jésus se dirigeait. Les disciples, moralisateurs, critiquent ce geste dévoué. Quel gaspillage d’argent, se disent-ils. Le parfum aurait pu être vendu et l’argent donné aux pauvres. Jésus répond sèchement : « Pourquoi faites vous de la peine à cette femme ? Ce qu’elle a accompli pour moi est beau. » Jésus comprit la signification de son geste et le considéra comme un don merveilleux. Peut-être que nous devons nous souvenir d’elle car elle a discerné le sacrifice futur de Jésus et à son tour elle a fait un sacrifice de grande valeur envers son Seigneur. C’est à ce moment-là que Jésus dit « car vous aurez toujours des pauvres avec vous ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours avec vous » en se référant à Deutéronome chapitre 15. Seul lui-même et la femme semblent comprendre que Jésus ne sera pas toujours avec les disciples.
L’activiste qui fait fausse route. Il y a ici une leçon importante pour les chrétiens qui font un travail d’aide d’urgence et de développement parmi les pauvres. Trop d’activistes chrétiens se ruinent la santé et détruisent leurs familles en prenant comme justification le zèle causé par leur engagement envers les pauvres. Au nom des pauvres, des activistes bourreaux du travail souffrent d’une mauvaise santé et d’épuisement, et ils font du mal à leurs conjoints et enfants. Ceci n’est pas conforme à l’Évangile. Ce n’est pas ce que Jésus nous demande de faire. Notre dévouement doit se diriger vers Jésus, et non envers les pauvres eux-mêmes. Alors qu’il est certain que nous devons aimer notre prochain, surtout notre prochain pauvre, nous devons rendre un culte à Jésus seul. La femme l’avait compris mais pas les disciples. Donner la bonne direction à sa spiritualité et à son adoration est essentiel pour persévérer dans son service envers Dieu et les pauvres.
Les pauvres n’étaient pas voulus. A présent vous avez sûrement compris que je ne suis pas à l’aise avec la façon dont certains chrétiens traitent cette affirmation de Jésus hors contexte. Je ne le suis pas. Mais ma déception est d’autant plus profonde du fait qu’une simple interrogation sur le pourquoi de cette phrase enrichit notre compréhension sur Dieu, son peuple et les pauvres, et nous lance un défi. La partie de Deutéronome à laquelle Jésus se réfère commence par une entière contradiction avec l’affirmation que les pauvres seront toujours avec vous. « Il n’y aura pas de pauvres parmi vous » nous dit la loi dans Deutéronome 15.4. Vraiment ? Cette affirmation sans ambiguïté est suivie par son explication. « Car le Seigneur votre Dieu vous comblera de biens dans le pays qu’il vous donnera en possession. » Dans le pays que Dieu va donner à Israël il y a largement assez pour tout le monde. Il n’y aura pas de pauvres car il y aura assez. Et largement assez. « Quand le Seigneur votre Dieu vous comblera de biens comme il l’a promis, personne parmi vous n’aura besoin d’emprunter de l’argent ; au contraire, c’est vous qui en prêterez à de nombreux étrangers. » (Deut. 15.6) Il y aura un excédent, un excédent qui pourra être échangé avec les nations du monde. Je peux croire ceci, parce que je crois que le Dieu plein d’amour et de bienveillance, qui a crée le monde pour l’humanité, n’aurait jamais pu vouloir un monde de rareté. Le Dieu que j’adore n’aurait jamais placé les hommes sur une terre incapable de subvenir à leurs besoins vitaux, et d’y subvenir en abondance. Je suis capable de croire ceci avant de croire que Dieu a voulu que les pauvres soient toujours avec nous. Mais il y a une condition à la promesse. « Il vous comblera de biens (…), pour autant que vous obéissiez à ses ordres, en mettant fidèlement en pratique tous les commandements que je vous communique aujourd’hui. » (Deut. 15.4-5) La bénédiction et l’abondance de la terre promise dépendent de la fidélité du peuple de Dieu aux commandements de Dieu. C’est à ce moment là qu’une apparente contradiction figure dans le texte : « S’il se trouve tout de même un pauvre parmi vos compatriotes, dans une ville du pays que le Seigneur votre Dieu vous donnera, vous ne lui fermerez pas votre cœur en lui refusant un prêt. Au contraire, vous lui prêterez généreusement ce dont il a besoin. » (Deut. 15.7-8) Comment cela peut-il se faire ? On vient de nous dire qu’il « n’y aura pas de pauvres parmi vous » et puis on nous donne des instructions sur comment agir s’il y a une personne pauvre. Moïse s’est-il trompé ? Est-ce une contradiction ? Je ne pense pas.
Ceux qui ont échoué. Il y aura des pauvres en Israël, non parce que la terre promise par Dieu a manqué de subvenir à leurs besoins, mais parce que les hommes n’étaient pas fidèles envers Dieu ou les uns envers les autres. On doit subvenir aux besoins des pauvres dans la terre promise, non pas parce que Dieu a échoué ou l’a voulu, mais parce qu’Israël a échoué. Et il en est ainsi aujourd’hui, je suppose. C’est un fait que la production agricole aujourd’hui est suffisante pour nourrir chaque être humain de la planète. Cependant des gens meurent de faim, et des enfants sont rachitiques à cause d’une malnutrition chronique. Ce n’est pas que la planète de Dieu soit incapable de pourvoir à leurs besoins ; c’est nous qui ne sommes pas capables de suivre les commandements de Dieu. Nous n’aimons ni Dieu, ni notre prochain.
Ce que Jésus voulait vraiment dire. Alors que voulait dire Jésus quand il a dit « les pauvres seront toujours avec vous » ? Voulait-il dire que la pauvreté est quelque chose que nous devons tolérer parce que les choses sont ainsi faites ? Jésus nous demande-t-il de tolérer la pauvreté ? Je ne pense pas. Premièrement Jésus parlait de l’adoration. La seule raison pour laquelle Jésus aborde les pauvres dans la conversation est en réponse à la mauvaise interprétation moralisatrice de la dévotion d’une femme que nous ne devons jamais oublier. Deuxièmement Jésus était ironique. En se référant au passage de Deutéronome, Jésus rappelait aux disciples que la seule raison pour laquelle il y avait des pauvres dans la création abondante de Dieu est le péché des hommes et l’égocentricité. Les disciples ne se souciaient pas autant des pauvres que de faire des remarques sur la dépense de la femme. « Vous aurez toujours des pauvres avec vous » était un reproche fait aux disciples de Jésus. Le passage de Deutéronome finit avec un commandement. Après le verset « Il y aura toujours des pauvres dans votre pays » nous trouvons ceci : « c’est pourquoi je vous commande d’être généreux envers vos compatriotes malheureux et pauvres. » (Deut. 15.11) Je pense que Dieu savait qu’il était face à une profonde contradiction. La terre de Dieu est suffisamment productive pour subvenir aux besoins de tous. Plus encore, les hommes créés en l’image de Dieu sont assez créatifs et productifs pour faire en sorte qu’il en soit ainsi. Mais le péché dans le cœur de l’homme et la malédiction d’un monde déchu signifient que le monde de Dieu ne sera pas ce pour quoi il avait été créé. Même si Dieu n’a jamais voulu qu’il y ait de pauvres, il savait aussi qu’il y aurait des pauvres tant qu’il y aurait des hommes pécheurs dans le monde. La déclaration de Jésus sur les pauvres qui seront toujours avec nous est là pour nous faire honte, pour nous rappeler que c’est vrai seulement à cause de nos manquements. Jésus n’a jamais voulu justifier le fait de considérer la présence des pauvres dans le monde comme normale.
Le message pour nous. Quelle conclusion tirer de tout ceci ? Premièrement Jésus ne nous donnait pas d’excuses pour la présence des pauvres parmi nous. Il savait très bien que son Père pourvoit plus qu’il ne faut à travers sa création. Jésus nous rappelait, avec une certaine ironie, que les pauvres sont ici parce que nous avons échoué à garder les commandements de Dieu. Deuxièmement, la vraie leçon dans Deutéronome consiste à dire que c’est le manque d’intégrité – de ceux qui ne sont pas pauvres et des pauvres eux-mêmes – qui est la cause de la pauvreté. Au niveau le plus fondamental, le péché déforme nos relations avec Dieu, avec les autres, et avec notre monde. Nos relations ne génèrent pas notre bien-être, et le résultat est la pauvreté, le racisme et d’autres formes d’injustice. La pauvreté n’était pas et n’est pas dans l’intention de Dieu. Troisièmement, tolérer la pauvreté en l’excusant au nom de Jésus est une insulte envers notre Seigneur qui a constamment étendu son affection et son toucher à ceux qui étaient pauvres, malades et dans la souffrance. C’est se moquer de ce que Jésus a dit sur sa mission en Luc 4.18. Les commandements de Dieu dans Deutéronome sur notre attitude envers les pauvres sont clairs. Enfin notre attitude envers les pauvres doit consister à être généreux. De plus nous devons prendre plaisir à partager ce que Dieu nous a donné. « Accordez-lui donc un prêt (au pauvre) et accordez-le lui de bon cœur » (Deut. 15.10) Le résultat de cette attitude de partage est que « le Seigneur votre Dieu vous bénira dans tout ce que vous entreprendrez » Prendre soin des pauvres est bon pour nous ! Aussi longtemps que nous vivrons dans un monde déchu, nous devons être généreux, prêter sans compter, et le faire de bon cœur. Si les prêts ne sont pas remboursés après sept ans, il faut les annuler. Le but est de veiller sur notre famille et non de faire des affaires. Après tout, si nous faisions notre travail, il n’y aurait pas de pauvres. C’est notre faute, pas celle de Dieu.
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