Auteur : Jim Wallis
Nous savons tous que le carême est censé être un temps de réflexion, d’approfondissement et de préparation pour Pâques. Carême est aussi un appel à la repentance et, particulièrement, à l’humilité. Avec le commencement du carême le mercredi des cendres, nous imposons (j’aime ce mot) des cendres comme un acte de repentance et d’humilité très physique, visuel et tangible – une marque et un acte d’engagement, pas seulement un rituel accompli machinalement.
Quelques membres de notre équipe m’ont suggéré que les événements de ces dernières semaines et de ces derniers mois nous appelaient à l’humilité. Mais l’humilité est une vertu difficile pour ceux qui sont appelés à une vocation prophétique – pour des gens comme nous.
L’humilité est difficile pour des gens qui pensent qu’ils sont ou qui veulent être des « chrétiens radicaux ».
L’humilité est difficile quand vous êtes tout le temps en train d’appeler les autres – l’Église, la nation et le monde – à cesser de faire les choses que vous pensez être mauvaises et à commencer à faire les choses que vous pensez être justes.
L’humilité est difficile pour ceux qui portent des messages radicaux.
Quand nous sommes tout le temps en train d’appeler les autres à se repentir et à changer, il n’est pas toujours facile d’entendre ce message pour nous-mêmes.
Je veux suggérer qu’il y a une tension réelle et très profonde entre l’humilité et la vocation prophétique. Et la plupart des chrétiens prophétiques que j’ai connus – y compris l’assemblée et le prédicateur ici présents – ne sont pas très bons en ce qui concerne l’humilité.
Vous voyez, nous sommes toujours en train d’émettre des jugements sur les autres – les dirigeants d’Église, les dirigeants politiques, les cultures majoritaires – mais nous ne sommes pas souvent bons quand il s’agit de nous appliquer le jugement à nous-mêmes. Même quand les jugements prophétiques que nous émettons sont nécessaires, ils nous conduisent rarement à l’humilité. Après tout nous sommes ceux qui savons comment les autres sont censés changer. Nous sommes ceux qui avons les réponses. Nous sommes ceux qui faisons les choses comme il faut.
Comment prêchons-nous comme Amos – « Que le droit coule comme de l’eau, et la justice comme un torrent intarissable ! » – sans devenir satisfaits de nous ? Je pense que c’est très difficile. Peut-être que Michée avait raison : « Ce que le Seigneur demande de toi c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde et que tu marches humblement avec ton Dieu. »
Et nous sommes particulièrement enclins à tourner nos justes jugements les uns sur les autres, sur ceux qui sont à proximité, même à l’intérieur de notre propre communauté – et cela peut être particulièrement destructeur. Quand cela se produit, si on veut dire la vérité, les communautés chrétiennes radicales ne sont pas toujours des endroits où il est sympathique de se trouver.
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Et permettez-moi d’être assez humain et honnête pour dire qu’on devrait toujours demander des comptes aux dirigeants dans l’Église, l’État, et sûrement aussi dans les organisations confessionnelles, mais qu’être un dirigeant dans une communauté chrétienne prophétique est souvent se trouver à un poste très difficile. Regardez seulement quelles sont les qualités nécessaires pour la vocation prophétique : la capacité de parler clairement, de façon forte, hardie, sans hésiter, distinctement, et bien sûr de façon visible. Je dirais, d’après mon expérience, qu’aucune de ces qualités ne conduit directement à l’humilité.
De même, l’appel à être et à offrir une réalité, une communauté, une vision, un style de vie, etc. alternatifs, demande une énergie et une confiance qui, encore une fois, ne prédisposent pas nécessairement à l’humilité.
Alors qu’est-ce qui peut nous sauver, nous chrétiens radicaux ? La même chose que ce qui sauve qui que ce soit d’autre : la grâce de Dieu.
Je me suis retrouvé à me souvenir d’un vieil article provoqué par une époque dans la vie de Sojourners où ces questions étaient vraiment en jeu. C’était un article que je m’étais senti complètement convaincu d’écrire en tant que correctif pour nous, pour moi, pour la vocation prophétique que nous avions choisi. Je me souviens être resté à la maison à l’écart d’une action prophétique anti-nucléaire que beaucoup d’entre nous entreprenaient, parce que je ressentais le besoin de penser et d’écrire à la place. L’article date de mai 1979. Il est plutôt défraîchi maintenant, mais je pense qu’il pourrait être pertinent pour nous aujourd’hui :
« Sojourners a écrit beaucoup et souvent contre l’abus et la dépréciation de la grâce. À bien des égards, c’est l’endroit où nous avons commencé. Cette préoccupation est toujours valide ; la grâce à bon marché continue à être la plus grande affliction des Églises.
Les chrétiens radicaux, cependant, doivent affronter un autre problème. C’est la tendance à rechercher la justification dans notre style de vie, notre protestation, nos causes, nos mouvements, nos actions, notre identité prophétique et notre image de nous-mêmes comme « radicaux ». Cela devient une tentation facile de mettre notre sécurité dans les choses que nous représentons et dans les choses que nous faisons plutôt qu’en ce que Dieu a fait. C’est une tentation de dépendre de choses autres que la grâce de Dieu.
« C’est par la grâce en effet que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Éphésiens 2.8-9) La grâce est la logique d’un Dieu aimant. Il n’y a rien que nous puissions faire pour la gagner, pour la remporter ou pour la mériter. La grâce est simplement un don, pas une récompense. Nous ne pouvons la recevoir que par la foi, pas par des œuvres bonnes.
La grâce sauve la vocation prophétique. La connaissance et l’expérience de la grâce peuvent calmer le sérieux avec lequel nous tendons à nous prendre nous-mêmes. La grâce peut restaurer notre humilité, notre sens de l’humour et notre capacité à rire de nous-mêmes. Les prophètes ont régulièrement besoin de toutes ces choses.
Se confier dans la grâce consiste à savoir que le monde a déjà été sauvé par Jésus-Christ. Cela consiste à savoir que nous ne pouvons pas davantage sauver le monde que nous ne pouvons nous sauver nous-mêmes. Toute notre œuvre n’est accomplie qu’en réponse à l’œuvre de Christ. Recevoir le don de la grâce, c’est se débarrasser de l’auto suffisance et agir selon un esprit de gratitude.
Des chrétiens radicaux doivent faire davantage que poursuivre une stratégie qui ait du succès ; nous devons rechercher une foi plus profonde. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous aurons l’assurance du salut, non pas à cause de ce que nous aurons accompli, mais parce que nous aurons laissé la grâce de Dieu et sa miséricorde s’écouler au travers de notre vie. »
Cet article est une adaptation des réflexions à Sojourners de Jim Wallis lors du service du mercredi des cendres du 01 mars 2006.
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