Voilà donc un culte un peu particulier, un culte dans le cadre d’une semaine spéciale « Pleins feux sur la corruption ». C’est le mot anglais « Exposed » qui a été retenu comme sigle, sigle qui aujourd’hui fait le tour du monde. Les organisateurs comptent sur des milliers d’Églises pour organiser aujourd’hui même des cultes autour de ce thème. Ils espèrent plus d’un million de signatures pour la pétition qui sera remise aux dirigeants du G20 demandant à ces dirigeants de « prendre des mesures concrètes pour promouvoir une plus grande transparence dans les affaires financières des entreprises, des gouvernements et des particuliers. » « Nous sommes préoccupés » poursuit l’entête de la pétition, « par les effets négatifs sur les populations les plus pauvres du monde, tant des pratiques d’évasion fiscale de certaines entreprises multinationales et de certains particuliers, que de la corruption dans la gestion des fonds publics… »
A l’issue de ce culte vous pourrez ajouter votre nom sur des feuilles mises à disposition et ainsi participer concrètement à cet effort. Nous pouvons aussi prier, cela aussi fait partie des attentes des organisateurs. Prier pour ceux qui nous gouvernent ; prier pour que la corruption soit démasquée ; prier pour que l’argent destiné aux pauvres et aux nécessiteux atteigne effectivement ceux qui en ont le plus besoin. Mais les organisateurs cherchent aussi à nous sensibiliser pour que nous soyons plus conscients de la corruption sous toutes ses formes et à tous les niveaux. Ils nous appellent à un engagement personnel selon les possibilités et les circonstances de chacun.
Exposed, ou pour le dire en français, démasqué.
Je suis allé à la Poste la semaine dernière. Mon épouse venait d’écrire à des amis et s’apprêtait à préparer le repas. « J’irai à la Poste pour toi si tu veux » lui dis-je. « J’ai mis un timbre mais est-ce que tu peux peser la lettre juste pour être sûr qu’elle ne dépasse pas les 20g ? » m’a-t-elle répondu.
Je savais ce qu’il y avait dans l’enveloppe et j’en étais sûr, elle ne dépassait pas les 20g. Mais par acquit de conscience j’ai posé la lettre sur la machine au bureau de Poste : 24g ! Je n’en revenais pas ! Il n’y avait pas de queue au guichet donc j’ai demandé à la dame qui s’y trouvait si elle pouvait peser ma lettre. « Bien sûr. » Aussitôt dit, aussitôt fait : 18g ! Je lui ai dit alors mon étonnement : « La machine me dit 24g et vous me dites 18 ! » Une collègue qui nous écoutait a donné l’explication : la machine a une erreur de 7g !
Combien de personnes en ayant pesé leur lettre sur la machine ce jour-là ont payé plus que nécessaire ? J’ose croire que les deux dames à la Poste ont fait le nécessaire pour que la machine soit réparée ou mise hors d’usage. Je ne suis pas retourné pour vérifier. Vous me dites que c’est peu de choses, que ce n’est pas grave. Certainement l’erreur de la machine à la Poste n’était pas intentionnelle !
Nous connaissions dans une église où j’étais pasteur il y a quelques années un couple qui avait travaillé comme gérants de superettes. Au début ils ont dû suivre une formation, c’est normal, on ne s’improvise pas gérant de superette. Entre mille autres choses on leur a expliqué qu’il fallait régler, ou plutôt dérégler, la balance légèrement ! Cela permettrait de couvrir le coût des sacs en plastiques, le vol et divers frais annexes !
Pendant tout un temps ils avaient suivi cette consigne. On leur avait bien expliqué que c’était la seule façon de s’en sortir. Mais dans leurs lectures bibliques ils sont tombés un jour sur Proverbes, chapitre 11 et le premier verset : « La balance fausse est en horreur à l’Éternel, mais le poids juste a sa faveur. » Ce texte si simple mais aussi si clair les a travaillés. Que fallait-il faire ? On leur avait bien dit qu’ils ne s’en sortiraient pas sans un peu de triche. Mais ensemble ils ont pris la décision de corriger la balance et… de faire confiance au Seigneur, après tout le texte biblique ne disait-il pas que « le poids juste a sa faveur. » ? Dieu pourrait les aider autrement. Ils témoignaient des années plus tard qu’ils avaient pu faire face, leur commerce a marché, modestement mais honnêtement ! Et ils avaient trouvé une paix et une joie qu’ils n’avaient pas connues avant !
Nous ne sommes pas, pour la plupart d’entre nous, dans le commerce. L’histoire de mes amis peut paraître lointaine. Cependant leur témoignage m’a interrogé à l’époque et elle m’interroge encore chaque fois que je pense à eux. L’honnêteté est risquée dans le monde où nous vivons, cela peut nous coûter, mais c’est le bon chemin parce que c’est le chemin de Dieu !
« L’Éternel parla à Moïse et dit » : voilà le refrain qui jalonne le livre du Lévitique. Dieu donne sa loi à son peuple. Or, quel est le but de cette loi ? Beaucoup n’y voient que des listes d’interdictions, de contraintes, source de frustration. Mais il y a une autre façon de voir la loi : N’est-elle pas le mode d’emploi du constructeur ?
Nous sommes nombreux probablement à avoir la fâcheuse habitude de ne pas lire ces modes d’emploi. On branche et on essaie de faire marcher… ce n’est que, en désespoir de cause, que nous sortons le mode d’emploi où nous découvrons que nous avons tout fait à l’envers. Tant d’hommes ignorent ou écartent le mode d’emploi divin, puis ils s’étonnent quand le monde va mal !
Il y a même parmi les chrétiens ceux qui croient qu’ils peuvent se passer de la loi de Dieu : La loi n’est-elle pas caduque depuis que Jésus est venu, depuis que nous savons que nous sommes sauvés par la grâce et par la foi ? Certes la loi ne nous sauvera pas, non parce que la loi est mauvaise mais parce que nous n’arrivons pas à la mettre en pratique. Alors la grâce qui nous est faite, ce pardon que nous ne méritions pas : ces choses enlèvent effectivement de nos épaules le lourd fardeau de la loi. Désormais la loi ne nous écrase plus : merci Seigneur ! Mais elle n’est pas à mettre à la poubelle pour autant. Non, elle nous sert maintenant de guide, elle éclaire notre chemin.
Comment Dieu voudrait-il que nous vivions, que nous nous comportions ? N’est-ce pas la loi, la loi éclairée par le Saint Esprit, qui nous guide ? Dans le sermon sur la montagne Jésus reprend la loi, non pour l’écarter mais pour l’approfondir ! « Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent. » (Mt 5.43-44)
Un texte extraordinaire de la lettre de Paul aux Romains nous permet de découvrir que lui non plus, n’écartait pas la loi. Au contraire. « Chose impossible à la loi, parce que la chair la rendait sans force, » écrit-il, « Dieu, en envoyant à cause du péché son propre Fils… a condamné le péché dans la chair ; et cela, pour que la justice prescrite par la loi soit accomplie en nous, qui marchons, non selon la chair, mais selon l’Esprit. » (Rm 8.3-4)
Effectivement, Dieu veut encore que « la justice prescrite par la loi soit accomplie en nous… » En nous, précise l’apôtre, « qui marchons, non selon la chair, mais selon l’Esprit. »
Alors revenons au Lévitique et à Moïse : « L’Éternel parla à Moïse et dit » Et qu’a-t-il dit ? Voici ce que nos lisons (Lé 19.35-37) : « Vous ne commettrez pas d’injustice, ni dans les jugements, ni dans les mesures de dimension, ni dans les poids, ni dans les mesures de capacité. Vous aurez des balances justes, des poids justes, un épha juste et un hîn juste. Je suis l’Éternel, votre Dieu… Vous observerez toutes mes prescriptions et toutes mes ordonnances et vous les mettrez en pratique. Je suis l’Éternel. »
Nous voulons vivre dans un monde juste, nous signons une pétition destinée aux dirigeants des pays les plus riches pour qu’ils promeuvent une plus grande transparence dans les affaires financières de toutes sortes. « Exposed », « démasqué ». Certes nous voulons, surtout dans l’intérêt des plus pauvres, démasquer la corruption et y mettre fin. Mais ne devons-nous pas aussi et d’abord mettre de l’ordre dans notre propre maison ? Ce n’est pas à moi de vous faire la morale ! Moi aussi, je dois me laisser interpeller.
En préparant cette méditation j’ai cherché les mots intègre et intégrité dans la Bible. Nous les trouvons seize fois dans le livre de Job. Je ne cite que l’introduction fascinante à ce livre. Nous sommes au ciel dans un rassemblement étrange et Satan lui-même se présente. Or c’est Dieu qui prend l’initiative. « Satan » demande-t-il, « As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n’y a personne comme lui sur la terre ; c’est un homme intègre et droit, qui craint Dieu et s’écarte du mal. » (Job 1.8) Mais Satan rétorque : « Est-ce d’une manière désintéressée que Job craint Dieu ? Ne l’as-tu pas protégé, lui, sa maison et tout ce qui lui appartient ? Tu as béni l’œuvre de ses mains, et son troupeau se répand dans le pays. Mais étends ta main, touche à tout ce qui lui appartient, et je suis sûr qu’il te maudira en face. »
Et Dieu permet à Satan de mettre Job à l’épreuve. Vous connaissez le début de ce récit. Et alors au chapitre 2 nous sommes de nouveau au ciel et de nouveau Satan se présente et Dieu lui adresse la même question. C’est que Job a tenu devant le premier déferlement de l’épreuve. « L’Éternel dit à Satan : As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n’y a personne comme lui sur la terre ; c’est un homme intègre et droit, qui craint Dieu et s’écarte du mal. Il demeure ferme dans son intégrité… » (Job 2.3)
Dans la suite de ce livre si riche en enseignement revient et revient encore le mot intègre. Nous le retrouverons encore une douzaine de fois dans les psaumes et cela n’étonnera personne de le retrouver par la suite de nombreuses fois dans les Proverbes. Citons comme seul exemple, du moins pour l’instant, Proverbes 28.6 : « Mieux vaut le pauvre qui marche dans son intégrité que celui qui a des voies tortueuses et qui est riche. »
Surprise! Je n’ai pas trouvé ces mots dans le Nouveau Testament, ni intègre ni intégrité. Pourtant ce que représentent ces mots est présent partout, sous-tend tout.
Nous avons déjà vu comment Jésus n’abolit pas la loi mais l’approfondit pour en faire ressortir le vrai sens. C’était dans le sermon sur la montagne, Matthieu 5. Et comment se termine ce chapitre 5 ? Il se termine avec ces paroles étonnantes : « Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5.48) Parfait, intègre, Jésus nous appelle à une vie sans compromis.
Et l’apôtre Paul ? Il n’utilise pas le mot intègre, lui non plus. Il emploie plus volontiers des mots imagés. Il parle de ténèbres, c’est ce que nous étions, et de lumière, c’est ce que nous sommes devenus. Alors, dit-il, soyons ce que nous sommes ! « Autrefois, en effet, vous étiez ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Marchez comme des enfants de lumière ; car le fruit de la lumière consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité. » (Ép 5.8-9) Bonté, justice, vérité ! Et l’apôtre poursuivra avec une exhortation qui est on ne peut plus pertinente pour notre journée : « Pleins feux sur la corruption ».
« N’ayez rien de commun avec les œuvres stériles des ténèbres, mais plutôt dénoncez-les. » écrit-il, « En effet ce que ces gens font en secret, il est honteux même d’en parler… » Alors ajoute- t-il à notre intention : « Réveille-toi, toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ resplendira sur toi. Veillez donc avec soin sur votre conduite, non comme des fous, mais comme des sages… »
Veillons donc avec soin sur notre conduite… l’intégrité !
Voilà donc deux thèmes que cette journée nous invite à méditer :
La pertinence pour le chrétien, encore aujourd’hui, de la loi. Elle est notre mode d’emploi.
Ensuite cet appel à une intégrité personnelle. Comme le disait l’auteur des Proverbes : « Mieux vaut le pauvre qui marche dans son intégrité que celui qui a des voies tortueuses et qui est riche. »
En conclusion je voudrais dire juste quelques mots pour nous encourager. Parler de loi et d’intégrité, cela peut paraître lourd et vous allez repartir chez vous tout à l’heure avec un gros sac sur le dos rempli de pierres de taille ! Un jour Jésus s’est tourné vers ceux qui commençaient à croire en lui et il leur a donné un mot d’encouragement qui était aussi un appel à la persévérance : « Si vous demeurez dans ma parole,» leur disait-il, «vous êtes vraiment mes disciples ; vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres.» (Jn 8.31-32)
C’est la fin de cette phrase qu’il convient de retenir ce matin : « la vérité vous rendra libres. » Je repense à mes amis et leur superette. La balance fausse faussait quelque chose dans leur vie. La vérité les a libérés ! L’auteur des Proverbes étend ce bonheur à la génération suivante : « Le juste marche dans son intégrité ; Heureux ses fils après lui ! » (Pr 20.7) On dit que plusieurs de ceux qui ont aujourd’hui des comptes en Suisse (ou ailleurs) les ont hérités. Ils sont aujourd’hui bien embêtés. Comment régler les choses sans trahir la génération de leurs parents ou grand parents ? Chers amis, ne léguons pas à nos enfants le fruit de biens mal acquis ! Laissons-leur un héritage sain.
Vivre dans la vérité est libérateur. L’apôtre Pierre parle plutôt d’une bonne conscience. Je pense que, dans ce contexte, les expressions sont équivalentes. Pierre voulait que ces amis puissent se tenir debout, même en face des accusations. « Soyez toujours prêts à vous défendre contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous » leur disait-il, « mais faites-le avec douceur et crainte, en ayant une bonne conscience, afin que là même où l’on vous calomnie, ceux qui diffament votre bonne conduite en Christ soient confondus. » Et il ajoute « Mieux vaut souffrir en faisant le bien (en étant honnêtes), si telle est la volonté de Dieu, qu’en faisant le mal. » (1 Pierre 3.15-17)
Que la vérité soit libératrice pour nous, pour nos Églises, pour ceux qui nous gouvernent, pour ceux qui dirigent les nations ! Que nous soyons nombreux à nous joindre à ce plaidoyer pour un monde plus juste, pour un monde qui met fin à la corruption à tous les niveaux. Signons la pétition, prions, mais engageons- nous, nous aussi, nous les premiers, à vivre, le Seigneur nous aidant, dans l’intégrité.
Clive Charlton, Église évangélique libre de Cannes
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