Le texte ci-dessous est un commentaire d’une section de l’ « engagement évangélique pour un style de vie simple ». Cet « engagement » a été rédigé en 1980.
Jésus notre Seigneur nous appelle avec force à la sainteté, à l’humilité, à la simplicité et au contentement. Il nous promet également son repos. Nous confessons cependant que nous avons souvent permis à des désirs impies de troubler notre tranquillité intérieure. Ainsi, sans le renouvellement constant de la paix du Christ dans notre cœur, notre accent sur la simplicité sera unilatéral.
L’obéissance chrétienne exige de nous un style de vie simple, indépendamment des besoins des autres. Néanmoins, le fait que 800 millions de personnes soient indigentes et qu’environ 10 000 meurent de faim tous les jours [ndt : le texte date de 1980] fait que tout autre style de vie est indéfendable.
Si certains d’entre nous ont été appelés à vivre avec les pauvres et d’autres à ouvrir leur foyer à ceux qui sont dans le besoin, c’est chacun d’entre nous qui est déterminé à développer un style de vie plus simple. Nous avons l’intention de réexaminer nos revenus et nos dépenses afin de vivre avec moins et de donner davantage. Nous n’imposons ni règles, ni règlements, que ce soit pour nous-mêmes ou pour les autres. Cependant, nous prenons la résolution de renoncer à la prodigalité et de nous opposer à l’extravagance dans notre mode de vie personnel, dans notre habillement ou notre logement, dans notre façon de voyager ou dans les locaux de nos Églises. Nous acceptons aussi de faire la différence entre ce qui est nécessaire et ce qui relève du luxe, les festivités et la routine habituelle, entre le service de Dieu et l’esclavage à l’égard de la mode. Où fixer la limite demande une pensée consciencieuse et que nous fassions des choix, avec les membres de notre famille. Ceux d’entre nous qui vivent en Occident ont besoin de l’aide de nos frères et sœurs du Tiers-Monde pour évaluer nos critères de dépenses. Ceux d’entre nous qui vivent dans le Tiers-Monde reconnaissent que nous sommes également exposés à la tentation de la convoitise. Ainsi nous avons besoin de compréhension, d’encouragement et de prières mutuels.
La consultation sur la question du style de vie était une réponse à l’affirmation de la Déclaration de Lausanne selon laquelle « ceux d’entre nous qui vivent dans l’abondance acceptent comme un devoir de vivre plus simplement pour contribuer plus généreusement à l’évangélisation et à l’aide aux déshérités ». En 1974, quand ces paroles furent formulées, le débat sur le style de vie commençait à peine. Vers 1980, il y avait une conscience bien plus grande du mandat biblique qui le sous-tendait.
Ainsi, la consultation était consciente du puissant appel de Jésus à la sainteté, à l’humilité et au contentement. Gottfried Osei-Mensah nous a appelés, en utilisant la métaphore néo testamentaire d’un athlète dans un combat, à « nous exhorter et à nous aider les uns les autres à nous débarrasser de ces choses qui se mettent en travers du chemin qui mène à un caractère, à des relations et à un comportement pieux et droits ». Et Mark Cerbone, le coordinateur assistant de la consultation a mis le doigt sur le fait que la simplicité chrétienne comprend bien plus que notre style de vie économique. Elle désigne une attitude intérieure de joie et de paix humbles.
Le docteur Rene Padilla nous a montré qu’être libre d’un attrait intérieur envers les richesses conduit à un contentement profond (Philippiens 4.11-13), quelque chose que Paul recommande aussi aux dirigeants de l’Église : « Il y a un grand gain dans la piété jointe au contentement ; car nous n’avons rien apporté dans le monde, comme aussi nous n’en pouvons rien emporter. » (voir 1 Timothée 6.6-8)
A la lumière de l’enseignement biblique sur la sainteté, il était donc nécessaire pour nous de confesser… que nous avons souvent permis à des désirs impies de troubler notre tranquillité intérieure. Cela ne veut pas dire qu’il faille rechercher un style de vie simple uniquement pour des raisons de paix intérieure, en réduisant l’avidité qui nourrit le souci et les tensions (Luc 12.15), mais plutôt que sans le renouvellement constant de la paix du Christ dans notre cœur, notre accent sur une vie simple sera purement et simplement une affaire d’économie et même de politique et restera donc unilatéral.
Chacun s’accorda sur le fait que les Écritures contiennent de nombreux avertissements contre l’avidité et le matérialisme (par exemple : Luc 1.52-53 ; Marc 10.23. ; Luc 12.13-20, 33 ; Matthieu 13.22, 6.24) et par conséquent que notre obéissance en tant que chrétiens exige un style de vie simple, abstraction faite des besoins des autres. Mais l’autre côté de la réalité était très présente à notre esprit, en raison de la présence à notre rencontre de participants très pauvres du Tiers Monde. La déclaration fait donc une remarque supplémentaire importante : le fait que 800 millions de personnes sont démunies dans différents pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine et qu’environ 10 000 meurent de faim chaque jour – des statistiques ahurissantes qui font rarement les gros titres et qui dérangent rarement ceux qui sont riches, mais qui devraient peser lourdement sur la conscience des chrétiens, fait que tout autre style de vie est indéfendable. Mais quand les faits concernant la misère sont connus, on ne peut plus plaider l’ignorance comme excuse. Les cris des pauvres ne peuvent plus être supprimés.
Certains de ceux qui participaient à la consultation savaient qu’ils avaient été appelés à vivre parmi les pauvres et ainsi à s’identifier à eux et à partager leur pauvreté. D’autres n’avaient pas cette vocation, mais savaient qu’ils avaient plutôt été appelés à ouvrir leur maison à ceux qui sont dans le besoin, ce qui, dans la société suburbaine privatisée dans laquelle tant de chrétiens vivent, n’est pas toujours facile à faire. Quelque soit notre appel précis – et nous avons reconnu qu’il y avait une diversité de vocations – chacun d’entre nous fut déterminé à développer un style de vie plus simple. Une telle détermination doit bien sûr être mis en rapport avec notre standard de vie actuel, et donc « un style de vie simple » est un terme relatif. Néanmoins, notre société occidentale s’accroche tellement à la production de richesses que toute décision de réduire son style de vie nous singularisera par rapport à nos voisins et amis et qu’ils pourront regarder cela comme irrationnel et stupide.
Comment commencer à simplifier notre style de vie ? En premier lieu nous nous avons été déterminés à réexaminer nos revenus et nos dépenses afin de vivre avec moins, non pas pour économiser davantage pour les mauvais jours, mais pour donner davantage.
Cependant, comme Ronald Sider a eu raison de nous en avertir, il faut éviter les dangers du légalisme et de la discipline excessive. « Il n’y a pas un style de vie qui soit juste pour tous les chrétiens d’un pays, ni même pour tous les chrétiens d’une congrégation. Il doit y avoir de la place pour cette variété et cette diversité qui se montrent de façon superbe dans la création. » La consultation déclara donc : nous n’imposons ni règles, ni règlements, que ce soit pour nous-mêmes ou pour les autres.
Ceci dit, nous devons être pratiques et concrets, ou le débat sur le style de vie sera simplement « en paroles et avec la langue » plutôt qu’en actions (1 Jean 3.18). Nous avons donc résolu de renoncer au gaspillage et de nous opposer à l’extravagance dans notre vie personnelle (est-ce que j’achète ça pour des raisons d’image ou de statut ?), dans notre habillement (de combien de tenues ai-je besoin ?) et dans notre logement (le nouveau cadre m’aidera-t-il à avoir une pensée et une vie plus bibliques ?), dans nos voyages (ce voyage est-il vraiment nécessaire ?) et dans les locaux de nos Églises (nous devons examiner avec une honnêteté impitoyable les motivations pour construire et rénover).
Comment cet examen de soi arrivera-t-il ? Les gens vont-ils s’asseoir et envisager des changements qui peuvent leur apparaître comme contredisant leur propre intérêt ? « C’est seulement » a déclaré un participant aux autres personnes présentes « par la direction du Saint Esprit envers les chrétiens individuels qui cherchent sa volonté dans la prière, en étudiant à la fois la Bible et les journaux, dans le contexte de la communauté chrétienne ». Les congrégations pourraient décider lors d’une réunion d’affaire qu’au cours des deux prochaines années elles essaieraient d’aider chacun de leurs membres à découvrir quel style de vie Dieu veut pour eux. On pourrait lancer un processus prolongé d’étude de la Bible sur des sujets comme la perspective biblique sur les pauvres, la justice, l’évangélisation, etc. On pourrait aussi faire des analyses approfondies sur les faits concernant les possibilités d’évangélisation et la pauvreté dans le monde. De même des sermons et des classes d’école du dimanche. De façon idéale, les gens pourraient aussi participer à des groupes de communion durant la semaine dans lesquels on examinerait avec sérieux et délicatesse les dépenses de chaque personne ou famille sur des questions comme les vêtements, le logement, les transports, etc. dans le but de développer un budget spécifique que chaque personne ou famille pourrait regarder comme la bonne façon d’être fidèle dans le monde d’aujourd’hui.
En faisant cela, nous accepterons de faire une distinction entre ce qui est nécessaire et ce qui relève du luxe, car nous ne mépriserons pas les dons que Dieu nous a fait (1 Timothée 4.4-5) ni l’obligation d’assumer notre responsabilité envers notre famille (1 Timothée 5.8). Nous apprendrons à discerner entre des loisirs créatifs et des symboles vides de notre statut, car nous reconnaissons à la fois la légitimité d’activités de loisirs et d’autre part, nous reconnaissons aussi les avertissement de Jésus concernant la soif d’honneur et de marques de déférence (Marc 12.38-39), comme les chez les Pharisiens qui « aimèrent la gloire qui vient des hommes plus que celle qui vient de Dieu » (Jean 12.43). Comment faire la différence entre la modestie et la vanité, entre des festivités occasionnelles et la routine normale peut être un sujet de discussion avec des gens extérieurs au cercle familial aussi bien que de discussions internes à ce cercle. Un contexte de soutien pour vivre ce genre de style de vie est indispensable. Les sociologues ont découvert que les gens tendent à accepter les croyances et les valeurs des gens avec lesquels ils vivent. Il y avait une très forte tentation en Occident dans les années 70 de rester à la mode, mais les chrétiens devraient être capables de discerner la différence entre le service de Dieu et l’esclavage à l’égard de la mode. Ces cinq distinctions doivent être prises en compte sérieusement. Elles montrent que la Consultation n’avait aucunement en vue de rejeter les dons du Créateur qui sont bons et ne voulait en aucun cas s’imposer ni imposer aux autres un ascétisme terne ou sans joie.
Ce n’est pas que ces distinctions peuvent toujours se faire facilement. Où tracer la frontière requiert une réflexion consciencieuse et des décisions de notre part, en lien avec les membres de notre famille. De plus, nous devrons toujours laisser aux autres l’option de décider d’obéir d’une façon différente. Le légalisme est une chose pernicieuse et juger les autres parce qu’ils adoptent un style de vie différent seraient un reniement du corps du Christ.
Une difficulté est que ce qui pourrait sembler être une décision volontaire très importante de réduire son style de vie pour les chrétiens des pays développés pourrait apparaître comme un pas pathétiquement petit pour les croyants de pays moins développés. Ainsi ceux d’entre nous qui font partie du monde occidental ont besoin de l’aide de nos frères et sœurs du Tiers-Monde pour évaluer nos critères de dépense. Pensez à ce qui changerait dans la discussion de votre famille concernant l’achat d’une nouvelle voiture si elle devait avoir lieu en présence d’une famille chrétienne rurale du Brésil qui non seulement ne possède pas de voiture mais est entourée par la pauvreté, la malnutrition et la famine ! Au cours de la consultation, on a suggéré que nous avons besoin de procédures par lesquelles les chrétiens pauvres des quartiers déshérités et du Tiers-Monde pourraient aider les chrétiens riches à discuter de la question d’un style de vie fidèle. Peut-être que les organisations missionnaires pourraient développer des structures pour rendre une congrégation particulière capable, dans un contexte de richesse, de devenir une congrégation sœur d’une Église locale dans un pays en développement. Des Églises sœurs échangerait alors des informations sur leurs budgets respectifs.
Un tel arrangement serait ainsi réciproque. Ce pourrait aussi être un défi pour les Églises plus pauvres, à moins qu’elles ne désirent la richesse que les Églises occidentales cherchent à déverser. Une personne n’a pas besoin d’être riche pour être coupable de la convoitise contre laquelle Jésus nous a si clairement averti (Luc 12.15). Ainsi les participants des pays en développement ont demandé que l’on ajoute la phrase suivante : Ceux d’entre nous qui vivent dans le Tiers-Monde reconnaissent que nous sommes également exposés à la tentation de la convoitise. Ainsi nous avons besoin de compréhension, d’encouragement et de prières mutuels.
Voir en ligne : Texte complet (en anglais)
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