Auteur : Christophe Hahling
Le logo du Défi Michée utilise deux symboles bibliques de la justice : le soleil à l’aube et le flot d’une rivière qui descend une pente. On trouve ces symboles en Ésaïe 58 :6-12 et Amos 5 :21-24. Ces deux passages, comme Michée 6 :8, appellent le peuple de Dieu à pratiquer la justice. Cet article désire analyser en détail le verset d’Amos mentionné, Amos 5 :24, et ainsi d’en dégager des implications pratiques pour notre vie.
Contexte (cultuel) du verset
Ce verset est à situer dans son contexte (v.21-27), et non à prendre isolément, comme on serait peut-être tenté de le faire à cause de son sujet apparemment différent du reste. D’ailleurs, un petit mot montre bien qu’il est lié au reste, tout en se concentrant sur une pensée nouvelle, c’est le mot ‘mais’ au début du verset.
Le contexte est donc indubitablement d’ordre cultuel : le prophète y dénonce l’hypocrisie religieuse qui avait cours en Israël : les fêtes et cérémonies (v.21), les sacrifices, holocaustes, offrandes et sacrifices de communion, (v.22), les cantiques et jeux de harpe (v.23) – qui étaient certes célébrés avec faste et même enthousiasme, mais qui n’influençaient aucunement leur vie et, par conséquent, n’avaient pas de sens aux yeux de Dieu -.
Ce qui suit le v.24 qui nous occupe est d’ailleurs également d’ordre cultuel :
- au v.25, Amos pose ironiquement la question de l’accomplissement de sacrifices durant les quarante ans de pérégrinations du peuple d’Israël dans le désert (avec évidence, la réponse attendue de ses interlocuteurs par le prophètes est ‘oui’) ;
- au v.26, il fait mention de l’idolâtrie du peuple (Sikkouth et Kiyoun semblent être des divinités assyriennes, associées à la planète Saturne – cette interprétation suivant ainsi le texte massorétique – ), mais il se peut aussi que ces deux mots soient des noms communs désignant l’un ‘la tente (sukkah) de votre roi’ et l’autre ’le marchepied (ken ou kiyyon) de votre Dieu’. Amos viserait alors non des pratiques idolâtres mais des usages étrangers au culte du Seigneur qui témoigneraient d’une déviation du rituel israélite .
- au v.27, il parle du jugement : la déportation au delà de Damas (cité par le diacre Étienne en Ac.7 :43 avec une légère variante, ‘Babylone’ étant mis à la place de ‘Damas’) et ceci de la part de ’celui dont le nom est l’Éternel, le Dieu des armée’, la précision du nom de Dieu (‘l’Éternel’ et ‘le Dieu des armées’) étant certainement là pour contraster avec la vanité aussi bien ‘temporelle’ que ‘militaire’ des idoles mentionnées.
Une foi cohérente
Ayant brièvement examiné le contexte de ce v.24, nous pouvons constater la place centrale et fondamentale qu’il occupe, aussi bien pour ce chapitre 5 du livre d’Amos que pour l’ensemble de son livre et même de l’Ancien Testament.
En effet, comment le peuple peut-il plaire à Dieu, si tous les actes religieux qu’il accomplit sont jugés inacceptables par lui ?
La réponse paraît simple : le droit et la justice doivent être pratiqués. Et pour cela, le prophète n’hésite pas à utiliser une métaphore pour en préciser le sens. Il est donc ici fait mention de l’eau.
Une justice débordante et permanente
L’eau joue, dans l’Ancien Testament, un rôle très important. Elle est vivifiante parce qu’elle fertilise le sol et les semences ; elle désaltère et réconforte. Elle est donc le symbole de la vie que Dieu donne. Pour Amos, elle est importante, car il la mentionne à plusieurs reprises (Am.4 :8 ; 5 :8,24 ; 8 :11).
Le v.24 dénote :
- l’abondance : ‘jaillir comme de l’eau’ . On pourrait traduire par ‘ruisseler’, ce qui signifie couler sans arrêt, rouler le long de la route sans obstacle, librement.
- l’éternité : ‘comme un torrent intarissable’ . Ceci est contraire à ce qui se passe souvent en Palestine, où les wadis (sortes de torrents) sont irréguliers et se dessèchent rapidement. Selon certains spécialistes, ce terme pourrait aussi signifier ‘puissant, fort’, comme il est d’ailleurs souvent traduit dans de nombreux autres passages vétérotestamentaires où il apparaît également.
Comme le suggère A. Motyer, ‘l’eau jaillissante évoque la direction dans laquelle toute l’énergie vitale sera canalisée’, ce qui ‘révèle que le Seigneur recherche des vies dont les énergies débordent abondamment et perpétuellement en justice et droiture’¹.
Qu’est-ce que le droit et la justice, selon Dieu ?
Les deux mots hébreux employés ici pour ‘droit’ et ‘justice’ ont une signification très riche et des conséquences très importantes :
– mishpàt = droit : en premier lieu, il est lié au domaine juridique : droit, tribunal, jurisprudence, et même parfois ‘jugement’.
Néanmoins, très souvent dans l’A.T., mishpàt exprime ‘ce qui est droit, correct, le droit en soi’, la norme donnée par Dieu pour assurer une société bien ordonnée. Et c’est bien cette idée qu’il nous faut retenir pour la compréhension de ce terme chez Amos : mishpàt a son fondement, sa norme, sa base auprès de Dieu lui-même.
Comme le dit A. Neher, pour que mishpàt se fasse, il faut un chophet (= un juge) qui dispose de possibilités pour le faire de la part de celui qui en est l’auteur, Dieu. Or, ce que Dieu demande est exprimé dans l’alliance qu’il a conclue avec son peuple, dont les stipulations se trouvent inscrites dans la Loi, la Thora². Et c’est à la porte, c’est-à-dire au tribunal, que cette loi devait être appliquée. Et c’est justement parce que ce n’était pas le cas qu’Amos s’insurge avec tant de virulence contre les gens de cette loi (5:7,10,12,15 ; 6:12). Les juges humains, devant normalement s’appuyer sur la Loi divine, n’ont pas appliqué le Droit divin, et ceci est une honte, aux yeux du prophète !
– tsedaqa = justice : c’est un terme plus global pour désigner la justice. Dans la discussion sur le sens de cette racine hébraïque ‘sdq’, deux conceptions sont possibles :
D’une part, sdq est affirmé du point de vue juridique. La justice est la conformité à une norme, et celui qui surveille la justice (en dernier lieu, Dieu) distribue la récompense ou la punition selon que ce qui est jugé est conforme à la norme ou non.
D’autre part, le terme sdq est compris comme presque synonyme de délivrance et salut. Ainsi, la justice ne se réfère pas à une quelconque norme établie par Dieu, mais est décrite en rapport à la relation avec Dieu lui-même. Dans ce cas, l’intervention délivrante et salvatrice de Dieu est une expression de celle-ci. La justice de Dieu est ainsi liée à la grâce et au pardon (‘chaque fois que Dieu prononce un jugement, il y a toujours une grâce qui y est attachée, et cependant c’est bien rigoureusement un jugement’, nous fait remarquer J. Ellul à propos de cette justice divine³).
Pour Amos, le terme ‘tsedaqa’ représente – d’une manière imparfaite cependant – la justice de Dieu dans les relations avec les hommes ; c’est en quelque sorte le mishpàt mis en application dans le contexte de la vie de tous les jours, c’est la conduite conforme à ce droit, source de bonheur et de prospérité. Elle est bien davantage une action qu’un état : quelqu’un est juste parce qu’il fait la justice, et il ne fait pas la justice parce qu’il est juste. ‘Dans le terme justice, l’action et ses conséquences vont de pair’, nous précise encore J. Jeremias, ‘la justice décrit ainsi aussi bien l’agir qui est exigé par la vie en société que le salut de la communauté qu’elle met en avant’4.
Ayant analysé cela, voyons d’une manière plus concrète ce que cela implique pour Amos et ses interlocuteurs, et donc aussi pour nous au 21ème siècle ap. J.-C.
Applications de la notion de justice biblique par les chrétiens
À quoi pensait alors notre prophète, lorsqu’il a employé ces termes de ‘mishpàt’ et ‘tsedaqa’ ? – À une relation où autrui n’est absolument plus utilisable, où il est reconnu comme absolument autre, à une harmonie qui doit régner dans la société, la situation où chacun vit dans la juste relation à son prochain et reçoit, à sa juste place, ce qui lui est dû, au respect de la personnalité chez le compatriote, riche ou pauvre, puissant ou petit, la miséricorde et à la compassion, à la procuration de droits à tous les opprimés, finalement, à l’amour du prochain, qui polit et atténue les duretés que le droit permet.
La justice prônée par le Seigneur implique donc même davantage qu’un simple devoir, qu’une simple obéissance à des commandements donnés, puisqu’elle engage finalement le cœur, les ‘tripes’ d’une personne. À ce propos, E. Munk fait une remarque intéressante : le judaïsme, en ce qui concerne les devoirs sociaux, ‘établit formellement la distinction entre l’entraide à caractère obligatoire et qui prend la forme d’un véritable impôt, et la charité proprement dite qui conserve toujours son caractère volontaire. L’expression hébraïque tsedaqa, qui signifie l’assistance aux pauvres, reste intraduisible en toute autre langue en raison même de ce double aspect de la bienfaisance qu’elle sous-entend’5. C’est cela qui est finalement impliqué dans le bien à rechercher (Am.5 :14).
Th. Finley pour bien exprimer d’une part l’honnêteté et d’autre part la recherche du bien qu’Amos demande, propose le terme de générosité qui, selon lui, ‘capte bien l’essence du message d’Amos’. En effet, le peuple d’Israël ne s’est pas souvenu de la générosité de Dieu à son égard (cf. 2 :9-10), et ne l’a pas pratiquée à l’égard d’autrui ‘La générosité que nous considérons, poursuit-il, n’est pas une générosité naïve, mais un esprit généreux qui a assez de soin pour découvrir les faits d’un problème et pour y travailler en vue d’une solution. Un tel esprit motiverait ses possesseurs à découvrir qui sont réellement les pauvres et ce dont ils ont besoin. Cela éviterait des généralisations et des stéréotypes, reconnaissant au contraire la valeur de chaque individu devant Dieu, riche ou pauvre’6.
La justice de Dieu, justice-honnêteté, justice-équité, et en conséquence justice-jugement certes, mais aussi justice-miséricorde, justice-compassion, justice-générosité, bref, justice-amour-du-prochain, est donc tout un programme de vie qui concrètement pourra ‘désaltérer l’assoiffé’ (cf. Am.5 :24), quel qu’il soit, continuellement 7 !
Ne sont-ce finalement pas là des paroles auxquelles fera écho le fameux ‘sermon sur la montagne’ (Mt.5 -7) prononcé par Jésus-Christ, le Fils de Dieu, quelque huit siècles plus tard ? Et n’était-il pas en fin de compte le mieux placé pour le prononcer, lui qui incarne en sa personne la totalité de cette justice ? En effet, dans sa mort, il a porté les péchés du peuple, et par conséquent a satisfait à l’exigence de paiement de la justice (l’aspect équité-jugement), de même qu’il manifestait pleinement la grâce de Dieu à l’égard des hommes pécheurs (l’aspect miséricorde-compassion-générosité). Il n’y a donc aucune justice d’aucune sorte, pas même relative, hors de Jésus-Christ.
Puisse l’appel à la justice du prophète Amos vibrer et résonner dans les oreilles des magistrats, des politiciens, des militaires, des entrepreneurs, des ‘grands’ de ce monde, de même que dans celles des ouvriers, des pauvres, des marginalisés de notre société, des jeunes des banlieues de nos villes, des prisonniers, de toutes les ‘petites gens’ de nos pays et aussi des chrétiens de nos églises, où la justice devrait habiter et régner ! 8
1 Alec MOTYER, Amos, le rugissement de Dieu, Lausanne : PBU, 1982, p.113
2 André NEHER, Amos, contribution à l’étude du prophétisme, Paris : Vrin, 1981, p.262
3 Jacques ELLUL, Le fondement théologique du droit, Neuchâtel/Paris : Delachaux et Niestlé, 1946, p.2
4 Jörg JEREMIAS, der Prophet Amos, ATD, Göttingen : Vandenhoek und Ruprecht, 1995, p.80
5 Elie MUNK, La justice sociale en Israël, Paris : Oreste Zeluck éd., 1948 p.189
6 Thomas John FINLEY, ‘An Evangelical Response to the Preaching of Amos’, JETS vol.28, San Diego, California, dec.1985, p.418
7 dans son ouvrage consacré à l’éthique vétérotestamentaire, Christopher WRIGHT (Vous serez mon peuple, Méry-sur-Oise : Les Editions Sator, 1989, pp.169-187) ajoute au vocabulaire habituel de justice dans l’A.T. (tsedaqa et mishpàt) les termes de qôdesh (sainteté), hesed (bonté, bienveillance), emet (vérité), emûnâh (fidélité) et même shâlôm (paix)
8 pour prolonger ce thème, voir aussi l’étude de Ted GRIMSRUD (Peace and Justice shall embrace, Power and Theopolitics in the Bible, particulièrement le chap.4 : ‘Healing Justice ; the Prophet Amos and a « New » Theology of Justice’, Telford USA : Pandora Press, 1999, pp.64-85) et l’article de Donoso S.ESCOBAR (‘Social Justice in the Book of Amos’, RevEx 92, no.2 , Louisville, Kentucky, 1995, pp.169-174), entre autres applications à aujourd’hui de la justice prônée par Amos
Horville dit
Bonjour!
Depuis que Jésus-Christ est venu, nous possédons ce don de pouvoir communiquer avec le Saint-Esprit (l’Amour de Dieu) en lui qui englobe toutes facultés que Jésus-Christ nous a inculquées sur la terre (respect, fidélité, joie, paix, sincérité, pardon, patience…), et ce, au temps de sa venue, autant pour les temps d’aujourd’hui et de demain. L’Esprit-Saint, cet Amour qui ne vient pas de l’homme sur terre mais plutôt directement venu de notre créateur en personne, nous le vivons en Jésus-Christ car Dieu est lui-même la représentation de l’Amour. Ainsi si nous respectons son Amour, cela voudra dire que nous gardons foi, nous sommes fiers de notre créateur car nous croyons que Jésus-Christ est mort pour nos péchés, et parce que nous avons foi en cet Amour, nous rendons la justice dépendant de l’Amour du père ainsi Dieu nous rend juste par son Amour « romains 4:4-5 ».
Merci mon frère pour l’argumentation que l’Esprit-Saint t’a révélé, il n’y a qu’un Esprit-Saint et il exprime la même chose en chacun qui veut recevoir. Respectons Dieu car il est juste et bon.
Dieu béni